Constituante tunisienne : comment composer avec l’islam politique ?

Alors que de nombreux Tunisiens ne savent pas encore pour qui voter à la Constituante du 23 octobre, les intégristes islamistes font irruption dans le débat politique. Obligeant les partis à se positionner sur les « valeurs » du modèle de société qu’ils entendent proposer.

Les islamistes commencent toujours par remettre en cause le droit de création artistique… © Sipa

Les islamistes commencent toujours par remettre en cause le droit de création artistique… © Sipa

Publié le 17 octobre 2011 Lecture : 2 minutes.

Constituante tunisienne : les enjeux d’une élection historique
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Constituante tunisienne : les enjeux d’une élection historique

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À une semaine de l’élection de l’Assemblée constituante, la tension est palpable en Tunisie. L’interdiction du port du niqab à l’université de Sousse et le « persépolisgate », suscité par la projection du film de Marjane Satrapi sur Nessma TV, ont été l’occasion pour les « ultra-religieux » de faire entendre leur voix. Les manifestations des intégristes à la sortie de la prière du vendredi, baptisé « jour de la colère », ont frappé les esprits par leur extrême violence.

La présence en première ligne de salafistes prônant une république islamiste et les représailles à l’encontre de Nabil Karoui, directeur de Nessma TV, dont le domicile a été attaqué, ont plongé une grande partie du pays dans une profonde perplexité. « C’est une alerte sérieuse, le danger islamiste est réel. En Algérie aussi, les barbus avaient commencé en s’en prenant à la création artistique ; on sait où cela a mené. Nous devons aller voter en masse si nous croyons à un projet démocratique », explique Hager, une femme au foyer qui défilait pacifiquement ce dimanche à Tunis « contre l’obscurantisme », avec 3 000 défenseurs des libertés.

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Réactions tardives

L’OPA  islamiste sur la Tunisie est-elle en cours ? La société civile s’interroge et remarque que le gouvernement de transition tarde à réagir, notamment face aux extrémistes du parti salafiste « Hiz Ettahrir », pourtant interdit. En pleine bataille électorale, les partis politiques se sont prononcés sur la liberté d’expression et de création, battue en brèche par les islamistes. Le Pôle démocratique s’est insurgé dès le début contre les violences visant Nessma TV, mais le Parti démocrate progressiste (PDP), Ettakatol et Afek Tounes ont d’abord essayé de ménager un électorat dont ils découvrent le conservatisme. Et n’ont condamné les violences qu’après les débordements de vendredi.

En revanche, lors des  dernières réunions, tous les partis ont oublié les programmes politiques pour  évoquer leurs valeurs et les projets de société globaux. L’affaire Nessma n’est a priori pas profitable au parti islamiste d’Ennahda, donné comme favori pour la Constituante. L’opinion publique, modérée par nature, opère rapidement un amalgame entre les salafistes qui appellent au djihad et les islamistes à tendance plus modérée. « Il n’y a que peu de différence, ils ont les mêmes objectifs ; ceux d’Ennahdha veulent y arriver par étapes, les salafistes, tout de suite. C’est deux visages du même islam politique », assure Khaled, un garçon de café qui comme beaucoup, ne sait pour qui voter.

Depuis vendredi, Ennahdha multiplie les déclarations affirmant la nécessité du respect des libertés et de la démocratie – alors même que ses réunions politiques prennent des allures de prêches virulents comme à Sfax. Quelle que soit l’issue du scrutin, les Tunisiens doivent apprendre à composer avec l’ingérence de la religion dans la société.

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