Révolution égyptienne, acte II

Des milliers d’Égyptiens ont à nouveau manifesté vendredi sur la place Al-Tahrir, au Caire. Venus avec des revendications multiples et disparates, ils n’épargnent plus l’armée qui dirige le pays depuis la chute de Moubarak.

Des manifestants retournent place Tahrir, vendredi 27 mai 2011. © AFP

Des manifestants retournent place Tahrir, vendredi 27 mai 2011. © AFP

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 28 mai 2011 Lecture : 3 minutes.

La place Al-Tahrir a de nouveau été le centre de ralliement de dizaines de milliers d’Égyptiens vendredi au Caire. Trois mois et demi après la révolution qui a destitué Hosni Moubarak, la « coalition du 27 mai », rassemblant plusieurs associations de jeunesse, avait appelé à manifester pour mettre la pression sur le Conseil suprême des forces armées (CSFA), en charge de la transition, afin qu’il accélère les réformes démocratiques.

Sans l’aide des Frères musulmans ni des salafistes, qui avaient appelé leurs sympathisants respectifs à rester chez eux, les organisateurs ont réussi à mobiliser  autour d’une liste de revendications disparates : la hausse des salaires, la fin des procès militaires de civils, l’indemnisation des victimes de la révolution, la dissolution des institutions locales, le retour de la police dans les rues et le « nettoyage » des médias. « Voici la seconde vague de la révolution », titrait Al Ahram weekly du 26 mai.

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Parmi les manifestants, peu d’islamistes donc, mais surtout des jeunes étudiants et chômeurs, et quelques familles, dans une ambiance bon enfant. Reprenant leurs habitudes des mois de janvier et février derniers, commerçants et manifestants étaient installés aux abords de l’ancienne station de métro « Moubarak » – rebaptisée « Martyrs » depuis la révolution – pour vendre ou offrir drapeaux, collations et rafraichissements. L’armée ayant annoncé qu’elle se retirait pour éviter une confrontation violente, les associations de jeunesse ont organisé un service d’ordre efficace. Dès l’aube, leurs membres étaient déployés autour de la place, les visages peints aux couleurs de l’Égypte, établissant un cordon de sécurité pour filtrer les manifestants.

Des attentes variées, des intérêts divergents

Dans la foule, les attentes étaient variées. « Il s’agit d’empêcher que l’armée ne confisque le pouvoir. Nous voulons que le gouvernement s’attelle à la rédaction d’une nouvelle Constitution avant les élections », expliquait Sarah, enseignante. Sondos, jeune consultante de 23 ans, affichait quant à elle sa méfiance vis à vis militaires : « L’armée domine ce pays depuis les années 1960, il est temps que cela cesse. Elle agite les Frères musulmans et les salafistes comme des épouvantails, insiste dans les médias sur les difficultés économiques pour effrayer les Égyptiens et apparaître comme un rempart contre le chaos. »

« Nous sommes là pour montrer notre vigilance à l’égard du régime, qu’il faut juger et condamner Moubarak et sa famille », ajoutait Mahmoud, 22 ans et étudiant, ulcéré par la libération de Suzanne Moubarak le 17 mai dernier après avoir remis aux autorités 2,8 millions d’euros de ses avoirs en Égypte. « C’est trop facile, elle ne peut pas s’en tirer comme cela », s’indignait le jeune homme.

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Les caricatures et slogans anti-Moubarak étaient nombreux place Al-Tahrir, mais la communauté internationale n’échappait pas non plus à la vindicte. « Obama, ceci n’est pas une émeute de la faim mais une révolution de la fierté », pouvait-on lire sur une pancarte, faisant référence au soutien financier international au gouvernement de transition, obtenu sans contrepartie démocratique selon certains manifestants. « Nous ne voulons pas d’interventions extérieures, c’est à nous de terminer la révolution que nous avons commencé », prévenait Mahmoud.

Reste que les divisions entre les différentes composantes de la société égyptiennes apparaissent chaque jour plus grandes dans cette période de transition. « Il y a eu un fort sentiment d’unité nationale au démarrage de la révolution. Aujourd’hui, on a l’impression que chaque groupe d’intérêt se bat pour lui-même : salariés, hommes d’affaires, intellectuels, étudiants, religieux… Comme nous n’avions pas la liberté d’expression auparavant, chacun y va maintenant de son couplet. Nous devons retrouver notre unité pour aller dans la bonne direction », analysait Sondos.

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