Kinshasa fustige les remontrances du Conseil de sécurité

Le ton est monté d’un cran entre le gouvernement de RD Congo et l’ONU au sujet des viols commis dans le Nord et le Sud-Kivu en juillet et août derniers. Sur fond d’arrière-pensées politiques, cette polémique est-elle de nature à soulager les maux des populations civiles congolaises ? Pas sûr…

Une famille congolaise, demain victime des groupes rebelles de l’Est de la RD Congo ? © Marc Hoffer/AFP

Une famille congolaise, demain victime des groupes rebelles de l’Est de la RD Congo ? © Marc Hoffer/AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 18 septembre 2010 Lecture : 3 minutes.

Entre l’ONU et la RD Congo, le courant a souvent du mal à passer. Mais leurs désaccords s’étalent rarement sur la place publique comme c’est le cas actuellement, alors que Kinshasa prétend désormais assurer avant la présidentielle de 2011 la sécurité de ses populations sur tout son territoire, sans l’aide de l’ONU.

Les motifs de la dispute devraient pourtant susciter plus de retenue, si ce n’est de coopération, puisqu’il s’agit des centaines de viols commis sur plus de 500 femmes et enfants dans les provinces du Nord et Sud-Kivu (est), entre fin juillet et août derniers. Des exactions attribuées à des rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et à des milices locales Maï-Maï, qui font l’objet d’une enquête de l’ONU.

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Vendredi 17 septembre, le Conseil de sécurité n’a pas hésité à demander « instamment au gouvernement de la RD Congo de veiller à ce que les auteurs de ces crimes terribles fassent très rapidement l’objet de poursuites impartiales et de l’informer des mesures prises à cette fin ».

« C’est nous les victimes »

Dans ce qui ressemble à une remontrance envers un petit garçon fautif, le Conseil poursuit sa tirade et demande à Kinshasa « de condamner ces atrocités, de fournir une assistance effective aux victimes de sévices sexuels », de mettre « fin à l’impunité » et réaffirme que « les responsables de violations flagrantes des droits de l’Homme doivent répondre de leurs actes ».

La réponse du gouvernement congolais ne s’est pas fait attendre. « Il faudrait quand même voir à aider le bras armé du gouvernement pour pourchasser les gens [auteurs des viols, NDLR], les arrêter, les juger et les punir », a aussitôt répondu le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, également ministre de la Communication et des Médias.

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« Le gouvernement congolais n’a pas attendu les admonestations du Conseil de sécurité pour faire son devoir. Nos unités [militaires, NDLR] qui sont déployées au Kivu ont été mises au contact offensif avec ces groupes de violeurs, nous les avons assiégés », a martelé Lambert Mende. « C’est nous les victimes. Vous croyez que les auteurs sont liés au gouvernement de la RD Congo ? On connaît les auteurs, même s’ils sont en RDC, ils n’ont aucun lien avec le gouvernement », a-t-il poursuivi.

Aveu d’impuissance

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La polémique intervient dans un contexte diplomatique et sécuritaire difficile où, malgré les apparences, le sort des victimes des viols semble se placer au second plan. D’abord, l’ONU est plus que gênée aux entournures, l’affaire des viols ayant démontré une nouvelle fois son incapacité à protéger les populations civiles. Un défaut récurrent dont le gouvernement congolais fait justement son argument principal pour évacuer la mission onusienne en RD Congo (Monusco).

Le 7 septembre, un haut responsable de l’ONU a même dû reconnaître que la Monusco, forte de quelque 18 000 Casques bleus en majorité basés dans l’est, avait failli à sa mission en se montrant incapable d’empêcher les viols systématiques. La mission a eu beau renforcer sa présence et ses patrouilles dans la région de Walikale (ouest du Nord-Kivu) depuis le 1er septembre, où quelque 380 femmes ont été violées fin juillet, le mal est fait.

Quant au gouvernement congolais, il multiplie les initiatives pour prouver sa volonté de faire régner l’ordre sur le territoire congolais, dans la perspective des élections qui se rapprochent : présidentielle et législatives en novembre 2011, provinciales en juillet 2012, municipales en janvier 2013… Dernière annonce en date, le 11 septembre dernier, le président Joseph Kabila a décidé l’arrêt de l’exploitation minière dans l’ex-Kivu, pour couper de leurs financements les mouvements rebelles qui y pullulent. Seul problème : l’État n’a, semble-t-il, pas les moyens d’appliquer sa propre politique. D’où la virulence de sa réponse publique à l’ONU. Qui s’apparente, de fait, à un aveu d’impuissance. (avec AFP)

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