Massacres en RDC : l’ONU parle de génocide et vise Kigali dans un rapport

Le quotidien français Le Monde dévoile jeudi les extraits d’un rapport « quasi-définitif » du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) sur les massacres commis en République démocratique du Congo entre 1993 et 2003. Le document met en cause Kigali et affirme que les attaques menées contre les réfugiés hutus peuvent être qualifiés de « génocide ».

Les armées de L-D. Kabila et P. Kagamé sont mises en cause par le rapport du HCDH de l’ONU. © V. Fournier/AFP/Montage jeuneafrique.com

Les armées de L-D. Kabila et P. Kagamé sont mises en cause par le rapport du HCDH de l’ONU. © V. Fournier/AFP/Montage jeuneafrique.com

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 26 août 2010 Lecture : 3 minutes.

C’est une analyse sans précédent de la terrible décennie de massacres qu’a connue la République démocratique du Congo (RDC) entre 1993 et 2003 que le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a mené pendant un an.

Le quotidien français Le Monde affirme avoir eu accès à une version « quasi-définitive » de 600 pages et en publie jeudi quelques extraits. Le HCDH qualifie ainsi certaines des exactions qui ont été commises dans le pays de « crimes contre l’humanité, crimes de guerre, voire de génocide ».

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Et ce dernier terme est évidemment celui qui va faire le plus débat. « Les attaques systématiques et généralisées [contre des Hutus réfugiés en RDC] révèlent plusieurs éléments accablants qui, s’ils sont prouvés devant un tribunal compétent, pourraient être qualifiés de crimes de génocide », affirme ainsi le rapport.

Kigali pointé du doigt

Dans le texte, le Rwanda fait figure de principal accusé pour les massacres qui ont eu lieu entre 1996 et 1998. Il épingle ainsi l’Armée patriotique rwandaise (APR) et    l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), la coalition dirigée par Laurent-Désiré Kabila et « créée à Kigali » en 1996, précise le texte. « Les troupes, l’armement et la logistique étaient fournis par le Rwanda », ajoute le rapport.

Ces deux forces armées ont attaqué à partir de 1996 les camps de réfugiés hutus, où se trouvaient des anciens génocidaires des Tutsis au Rwanda en 1994, qui avaient fui dans l’Est de la RDC avec l’arrivée du Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagamé au pouvoir à Kigali.

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Or le rapport, dénonce la nature « systématique, méthodologique et préméditée des attaques contre les Hutus [qui] se sont déroulées dans chaque localité où des réfugiés ont été dépistés par l’AFDL/APR sur une très vaste étendue du territoire ».

Selon le HCDH, « l’usage extensif d’armes blanches (principalement des marteaux) et les massacres systématiques de survivants après la prise des camps démontrent que les nombreux décès ne sont pas imputables aux aléas de la guerre. Parmi les victimes, il y avait une majorité d’enfants, de femmes, de personnes âgées et de malades ».

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Pressions sur Ban Ki-moon

Les auteurs du rapport ont pris note de la possibilité d’un retour offerte par Kigali à des milliers de Hutus mais ce fait ne permet pas « en soi d’écarter l’intention de détruire en partie un groupe ethnique comme tel et ainsi de commettre un crime de génocide », affirment-ils.

D’après Le Monde, Kigali a déployé « ses réseaux et son énergie pour tenter d’étouffer ce rapport » pendant « des semaines ». « Selon nos sources, poursuit le journal, Paul Kagamé a menacé directement le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, lors d’une rencontre à Madrid en juillet, de retirer les troupes rwandaises des missions de maintien de la paix de l’ONU. » Le quotidien révèle que Ban Ki-moon a ensuite « mis en garde la Haut-Commissaire pour les droits de l’homme, la sud-africaine Navanethem Pillay, contre l’utilisation du mot "génocide" pour les crimes de l’armée rwandaise, dans la version finale du rapport qui sera – en théorie – publié en septembre ».

Le Rwanda n’est pas le seul pays étranger mis en cause dans le texte. Le Monde précise que « 8 armées nationales » (que le journal ne cite pas) et « 21 groupes armés irréguliers » sont aussi désignés pour leurs crimes pendant la « deuxième guerre » de RDC (1998-2003).

Les auteurs pointent en particulier les exactions des Forces armées angolaises (FAA) dans la province du Bas-Congo en 1997. Elles sont accusées d’avoir « profité de leur présence à Kinshasa pour renforcer leur répression à l’encontre des populations cabindaises (d’Angola) réfugiées ». Il résulte  du rapport que les FAA « procédaient systématiquement à une opération de ratissage et exécutaient tous ceux qu’elles soupçonnaient de collusion avec leurs ennemis ».
 

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