Les humanitaires submergés par l’afflux de réfugiés somaliens

La guerre civile, qui sévit en Somalie depuis 1991 et qui s’est intensifiée ces derniers jours, a causé le déplacement de centaines de milliers de civils. La majeure partie de ces réfugiés s’est installée dans des camps de fortune au Kenya.

Publié le 19 mai 2009 Lecture : 3 minutes.

Près de 270.000 réfugiés somaliens vivent désormais dans le nord du Kenya, dans les camps Dagahaley, Ifo et Hagadera situés dans la ville frontalière de Dadaab, et gérés par le Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR). Leurs conditions de vie y sont déplorables et ils continuent de souffrir de l’insécurité qu’ils tentaient de fuir en s’exilant.

"La situation est simplement scandaleuse. Ces réfugiés ont tout risqué pour fuir les combats en Somalie. Maintenant, certains d’entre eux nous disent qu’ils préfèreraient tenter leur chance à Mogadiscio plutôt que de mourir lentement ici", rapporte Joke Van Peteghem, chef de mission de Médecins sans frontières (MSF) au Kenya.

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Surpopulation

Selon MSF, plus de 5.000 personnes affluent tous les mois dans les camps de Dadaab, qui peuvent chacun accueillir seulement 30.000 réfugiés. En 2008 – année d’affluence record en raison de la reprise des combats depuis 2007 à Mogadiscio entre les forces gouvernementales et les insurgés islamistes – 60.000 civils sont arrivés dans les camps.

Dans un rapport intitulé « De l’horreur au désespoir : La crise oubliée des réfugiés somaliens au Kenya » et publié fin mars, le HCR estime qu’à la date de février 2009, plus de 40.000 abris supplémentaires étaient nécessaires pour répondre aux normes humanitaires internationales qui doivent être respectées à Dadaab.

Le HCR négocie actuellement l’ouverture d’un quatrième camp. 50 000 réfugiés devraient y être transférés d’ici la mi-2009.

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Par ailleurs, les autorités kenyanes tentent toujours de refouler en-dehors de leurs frontières les nouveaux arrivants, ce qui constitue une violation des lois nationales et internationales.

Frontière et dérives policières

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Lorsque les troupes éthiopiennes sont intervenues en janvier 2007 pour appuyer le fragile gouvernement de transition somalien, chassant de Mogadiscio une coalition de tribunaux islamiques, le Kenya, pour prévenir la pénétration sur son sol d’éventuels terroristes, a fermé ses 680 kilomètres de frontière avec la Somalie. Néanmoins, le pays aurait dû continuer à accueillir les civils en fuite.

Des dérives policières ont depuis été enregistrées, les garde-frontières usant de leur pouvoir pour malmener ou taxer les civils. Beaucoup racontent avoir été extorqués, refoulés illégalement, ou frappés, arrêtés et détenus dans des conditions insupportables.

« Le Kenya invoque un souci légitime de sécurité et a le droit de contrôler ses frontières, mais celles-ci ne peuvent être fermées aux réfugiés qui fuient les combats et les persécutions », rappelle Gerry Simpson du HCR. « La fermeture de la frontière n’a fait qu’exposer davantage les réfugiés somaliens aux exactions et a réduit le contrôle exercé par le gouvernement et le HCR sur qui entre au Kenya et qui est inscrit dans les camps », poursuit-il.

Crise sanitaire

Pour les réfugiés qui parviennent à entrer dans les camps, la survie y est précaire. Des études menées sur la santé et la nutrition par MSF en avril dans le camp de Dagahaley, révèlent de hauts niveaux de malnutrition grave parmi une population devant faire face à des rations alimentaires en baisse. L’étude révèle ainsi une prévalence de malnutrition grave de 22,3 % parmi la population, bien au-dessus du seuil d’urgence.

"Les camps sont des bombes à retardement en terme de santé publique", souligne Donna Canali, une infirmière qui a récemment achevé une mission auprès de MSF dans le camp de Dagahaley.

Le choléra est réapparu dans les camps, où l’utilisation des installations sanitaires (latrines et lavabos) est désorganisée. Il manquerait 36.000 latrines pour répondre aux normes humanitaires, et beaucoup de femmes et d’enfants n’y ont tout simplement pas accès. Les cliniques et installations médicales souffrent d’un cruel manque de moyens et d’une pénurie de médicaments.

Aide internationale

Pour accéder aux besoins élémentaires des réfugiés somaliens, le HCR s’est adressé aux bailleurs de fonds internationaux. Le bon fonctionnement des camps est empêché par un sous-financement prégnant, qu’il est nécessaire de pallier rapidement. D’autant qu’une nouvelle vague d’arrivants est à craindre en raison de la situation qui se dégrade à Mogadiscio entre les forces gouvernementales et les insurgés. Déjà, plus de 24.000 somaliens ont fui vers le Kenya depuis le mois de janvier.

Un somalien qui vit à Dadaab depuis 18 ans, a déclaré à la BBC : « Nous vivons ici en paix. Mais notre vie reste très difficile. Nous manquons d’eau, et les rations alimentaires sont insuffisantes. C’est particulièrement difficile pour les jeunes, car ils ne se voient aucun avenir. Ni emploi, ni industrie, ni espoir ».

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