Zone francophone : le grand retour du coton ?

Portée par des prix élevés, la production africaine de coton retrouve des couleurs, après cinq ans de crise. Restructuration, libéralisation et modernisation de la filière… Autant de défis qui restent à relever.

Au Burkina, l’État a beaucoup investi dans les OGM (60% des surfaces cultivées). © AFP

Au Burkina, l’État a beaucoup investi dans les OGM (60% des surfaces cultivées). © AFP

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Publié le 7 octobre 2011 Lecture : 3 minutes.

Agriculture africaine : enjeux et perspectives
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Agriculture africaine : enjeux et perspectives

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Les signes sont positifs : le coton ouest-africain semble, doucement mais sûrement, sortir de la crise des cinq dernières années. Entre 2000 et 2010, la production des pays francophones (presque la moitié de la production africaine totale) est passée de 1 million à 495 000 tonnes ; aujourd’hui, elle redémarre enfin. Ainsi, au Mali, elle devrait passer de 103 000 t pour la campagne 2010-2011 à 171 000 t pour 2011-2012. Le Comité consultatif international du coton prévoit 619 000 t pour la prochaine récolte dans la zone francophone (+ 25 % sur un an).

Plus gros producteur de la zone, le Burkina n’atteindra pas son niveau record de 2005 (750 000 t), de nombreux producteurs ayant délaissé le coton pour d’autres cultures, comme le maïs ; mais il a mené à bien la restructuration de la filière, avec notamment l’apurement des dettes des groupements. Le même travail a été fait au Cameroun, où, de plus, l’agrandissement des surfaces cultivées par producteur (de 0,6 à 1 ha) devrait améliorer la production (71 000 t prévues, contre 68 000 t un an plus tôt). Autre preuve que le secteur a le vent en poupe : le retour du groupe Geocoton en Guinée, à la suite d’un accord signé avec le président Alpha Condé le 24 juin.

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La filière est portée par des prix élevés qui, tirés par une demande internationale croissante, dépassent même ceux connus avant 2005. De 145 F CFA (0,22 euro) le kilo de coton-graine – au plus fort de la crise –, le cours s’établit désormais entre 240 et 290 F CFA. Mais cette conjoncture favorable ne suffira pas à sortir définitivement le secteur de l’ornière. Anne Legile, de la division développement agricole et rural de l’Agence française de développement (AFD), explique ainsi que « le taux de change entre l’euro et le dollar [le premier est plus fort que le second, NDLR] est par exemple toujours défavorable à la zone franc [le coton étant coté en dollar, tandis que le franc CFA est arrimé à l’euro] ».

De plus, poursuit-elle, les pays producteurs n’ont pas retrouvé leur niveau de compétitivité, faute d’investissements – notamment dans la recherche –, alors qu’ils rivalisaient avec les autres pays du monde. Cependant, le coton d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale a des atouts à faire valoir. Comparativement au coton américain ou indien, il est beaucoup plus écologique : cultivé en système pluvial, il requiert par ailleurs moitié moins de traitements insecticides. « Dans un souci de durabilité de l’agriculture, c’est une donnée non négligeable », souligne Anne Legile.

Retrouver la confiance

« Le plus important pour le secteur, c’est que les acteurs retrouvent la confiance », estime l’agronome de l’AFD. Les années de crise, durant lesquelles les paysans étaient mal payés et avec du retard, ont fragilisé les liens. Et les privatisations, parfois douloureuses, ont achevé de dégrader les relations : par exemple, celle, inachevée, de la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT) ne donne aucune visibilité aux producteurs. Par ailleurs, certains processus de libéralisation totale, avec l’arrivée de multiples acteurs privés, de la production au transport, ont totalement déstructuré les filières intégrées. C’est le cas au Bénin, pays de la zone où les prix de transport sont les plus élevés.

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A contrario, au Burkina, où l’État a ouvert le capital de la société nationale Sofitex et permis l’établissement d’autres sociétés, les autorités continuent de réguler le secteur. Elles interviennent par exemple sur les prix, qui sont les mêmes sur tout le territoire. Ouagadougou a aussi beaucoup investi dans les OGM, qui représentent aujourd’hui 60 % des surfaces cultivées. Si les rendements n’en ont pas réellement bénéficié, le travail des paysans s’est par contre amélioré, puisque deux traitements insecticides suffisent aujourd’hui, contre six auparavant. La modernisation du secteur est de fait un autre défi de la filière, si elle veut attirer les jeunes producteurs, sans lesquels son avenir serait condamné. 

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