Agriculture : vivrier ou export, le Rwanda doit-il choisir ?

Le Rwanda parvient à nourrir sa population tout en augmentant sa production pour l’étranger. Reste à savoir si ce miracle peut durer.

Les plantations de thé ne cesse de s’étendre. © Antonin Borgeaud

Les plantations de thé ne cesse de s’étendre. © Antonin Borgeaud

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 16 septembre 2011 Lecture : 2 minutes.

Rwanda : il a tout d’un grand
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Rwanda : il a tout d’un grand

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Le défi semble proche de la recherche de la quadrature du cercle. Pays le plus densément peuplé du continent (407 habitants/km2), le Rwanda garde en outre une croissance démographique de 2,8 %, plus vigoureuse que la moyenne subsaharienne. Il se prépare donc à nourrir 3 millions de bouches supplémentaires d’ici à 2020 (il compte 10,7 millions d’habitants en 2011). Parallèlement, Kigali doit compenser le déficit de sa balance commerciale (lire pp. 70-71) en augmentant le volume et la valeur de ses exportations. Or ses meilleures ventes à l’étranger ne sont autres que des produits agricoles : le thé et le café. Pour compléter cette délicate équation, il faut ajouter que le Rwanda n’a pas de terres en réserve pour accroître la surface agricole exploitée

Intensification

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Pourtant, toutes les filières agricoles sont en hausse. La production vivrière a augmenté de 5 % en 2010, année où le pays est parvenu à l’autosuffisance alimentaire pour la première fois, tandis que les productions à l’exportation croissaient de 14 %, après une chute de 15 % en 2009 liée à la crise internationale.

Depuis 2007, Kigali a mis en place un programme d’intensification des cultures. Des ingénieurs agronomes sont envoyés aux quatre coins du pays, à commencer par les zones céréalières (riz, maïs, blé…). « Le but est de former nos paysans à bien préparer leurs terres, à utiliser les semences qu’on leur fournit et les engrais qu’on subventionne », détaille Raphaël Rurangwa, directeur de la planification au ministère de l’Agriculture. Dès 2008, l’effet est visible : les rendements à l’hectare, déjà traditionnellement forts, ont presque doublé par rapport à 2004. Et l’effort se poursuit. « La première année, le programme concernait 27 000 ha. Aujourd’hui, nous en sommes à 500 000 ha, sur un total d’environ 1,3 million, poursuit Raphaël Rurangwa. Et nous sommes en train de l’étendre à d’autres cultures : patates douces, haricots, bananes, manioc, etc. »

L’intensification a un autre avantage, celui d’amortir les effets du fractionnement des parcelles, un des problèmes structurels de l’agriculture rwandaise qui empire de génération en génération : leur taille moyenne est passée sous la barre de 1 ha par foyer. Pour bénéficier de l’accompagnement des agronomes, les agriculteurs doivent s’unir et former des exploitations de 50 à 100 ha. Ils réalisent ainsi des économies d’échelle. En outre, pour les familles les plus démunies, le gouvernement a lancé le programme Girinka : « une vache par famille ». En plus de sa forte valeur symbolique dans les campagnes, ce bétail fournit du lait, une force de traction précieuse et des engrais naturels.

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Érosion

Tout n’est pas gagné pour autant. Le Rwanda est condamné à perpétuellement augmenter ses rendements : les plantations de thé et de café s’étendent, tandis que l’érosion fait perdre des centaines de milliers d’hectares de terre chaque année. Par ailleurs, la préservation de l’environnement est devenue un objectif prioritaire pour le pays, qui mise sur le tourisme écologique : pour respecter les Objectifs du millénaire pour le développement, il devrait rendre plus de 10 % de son territoire à la forêt d’ici à 2015… Il n’y parviendra vraisemblablement pas.

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Mais les pistes d’intensification ne manquent pas. Le gouvernement se lance dans la mécanisation, veut encourager l’agriculture en terrasses et augmenter les surfaces irriguées jusque sur les collines. « Cela peut être fait grâce à des réservoirs pour les eaux de pluie ou grâce à l’utilisation de l’eau retenue par les barrages », indique Raphaël Rurangwa. La révolution verte n’est pas terminée. 

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