Israël : « Bibi » rattrapé par le « printemps arabe »

Fragilisé par un mouvement social sans précédent, le Premier ministre de l’État hébreu, Benyamin Netanyahou, tente de reprendre la main à tout prix.

Benyamin Netanyahou. © Reuters

Benyamin Netanyahou. © Reuters

perez

Publié le 11 août 2011 Lecture : 3 minutes.

« Bibi, réveille-toi ! » Le slogan, scandé à chaque manifestation, sonne comme une ultime mise en garde. Benyamin Netanyahou est dans le collimateur de la rue israélienne, lassée de faire les frais d’une inflation vertigineuse. Depuis trois semaines, le mouvement social qui secoue le pays ne cesse de prendre de l’ampleur, poussant même certains commentateurs à oser la comparaison avec le « printemps arabe ». À Tel-Aviv, le boulevard Rothschild s’apparente désormais à une nouvelle place Al-Tahrir. Des centaines d’« indignés » y ont érigé des tentes pour protester contre les prix exorbitants du logement.

150 000 manifestants

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Leur revendication a fait tache d’huile : des dizaines d’autres campements ont jailli en plein cœur des villes. La crise du logement a éveillé de nombreuses crispations socio-économiques, des médecins qui réclament de meilleures conditions salariales aux jeunes couples asphyxiés par les frais de scolarité de leurs enfants. Le 30 juillet, 150 000 personnes ont battu le pavé pour réclamer la « justice sociale ».

Face à la fronde, Netanyahou envoie des signaux contradictoires. En public, il assure comprendre la colère des Israéliens, tout en dénonçant une « vague de populisme ». Mais en coulisses, ses proches le disent paniqué. Pour apaiser les tensions, le chef du gouvernement a lancé une première série de mesures, dont la vente de terrains appartenant à l’État et la construction de 50 000 nouveaux logements. Sauf que ce plan sans calendrier précis paraît pour le moins démagogique. « Il se moque de nous, s’insurge Dafni Leef, à l’origine de la mobilisation sur Facebook. Il n’a pas encore compris ce qu’il a en face de lui. »

Une grande réforme avant la fin de l’été ?

Sous pression, Netanyahou a pourtant réussi un premier tour de force. Le 3 août, il obtenait de la Knesset l’approbation d’une loi prévoyant la création d’une sous-commission nationale de la construction. Ce vote a provoqué l’ire des protestataires, qui redoutent de voir les habitations de luxe privilégiées au détriment des logements à bas prix. Pour éviter un durcissement du conflit, promis par la Histadrout, la principale centrale syndicale, « Bibi » s’apprête à nommer une équipe d’experts chargée de négocier avec les représentants sociaux. Une grande réforme pourrait aussi être annoncée d’ici à la fin de l’été.

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"L’ami des magnats"

Aux yeux de l’opinion, l’image du Premier ministre est désormais mitigée. En 2003, lorsqu’il occupait le portefeuille des Finances, sa politique de libéralisation avait permis de sauver l’économie israélienne de l’impact dévastateur de l’Intifada. Aujourd’hui, malgré la crise financière mondiale, Netanyahou a quelques succès à son actif : une croissance maintenue à 5 %, des réserves de change évaluées à 56 milliards d’euros et un taux de chômage au plus bas depuis plus de vingt ans. Mais, à force de favoriser le secteur privé, sa politique a creusé les inégalités et favorisé l’apparition de monopoles. Ce qui a valu à « Bibi » la réputation d’être « l’ami des magnats ».

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En dépit des attaques répétées de l’opposition, Netanyahou dit ne pas craindre une chute de sa coalition, dont il a tant vanté la stabilité. Il n’est pourtant pas aidé par son aile droite : quarante-deux députés et ministres viennent en effet de lui adresser une pétition, appelant à la construction de milliers de logements en Cisjordanie et à Jérusalem-Est pour résoudre la crise actuelle. Cette proposition incongrue rappelle qu’un autre casse-tête se profile à l’horizon : la reconnaissance d’un État palestinien à l’ONU en septembre. Là aussi dos au mur, le Premier ministre joue l’ouverture. Il vient de se prononcer pour une reprise des négociations sur la base de la formule de Barack Obama sur les frontières de 1967. Info ou intox ?

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Maxime Perez, à Jérusalem

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