Tunisie – Libye : la guerre des prix
Manquant d’à peu près tout, les Libyens s’approvisionnent en masse chez leur voisin. Résultat : c’est la pénurie – et donc la valse des étiquettes – sur le marché agroalimentaire tunisien.
La révolution n’est pas en cause ; bien au contraire, le secteur agricole tire son épingle du jeu par rapport à des pans entiers de l’économie, comme le tourisme, très éprouvés depuis le 14 janvier. Mais à la veille d’un ramadan sous haute tension sociale, si le pays a des difficultés d’approvisionnement en denrées de base ainsi qu’en fruits et en légumes, c’est que la production locale est absorbée par un marché libyen qui manque de tout après cinq mois de conflit. Même les pois chiches trouvent preneurs. Tout comme l’eau minérale, dont 9 tonnes ont été exportées en Libye en juillet, vidant les grandes surfaces tunisiennes. La part des produits agricoles et agroalimentaires dans les exportations à destination du pays voisin ne cesse d’augmenter. Elle est passée de 74 % en mai à 85 % en juin. Au premier semestre 2011, la vente des denrées alimentaires a généré un chiffre d’affaires de 96,1 millions d’euros, dont 490 500 euros pour la seule journée du 13 juillet. À ces chiffres officiels, il faut ajouter les revenus de la contrebande qui sévit aux frontières. Certains produits subventionnés – sucre, pâtes et huile végétale – font réaliser des gains rapides et substantiels aux intermédiaires clandestins. Le risque de pénurie est pris très au sérieux par les autorités tunisiennes, qui ont mis le holà aux exportations de lait, augmenté la production de viande pour en faire baisser le prix et expressément demandé aux producteurs de fournir prioritairement le marché local.
Boom des loyers
Les Tunisiens subissent de surcroît le contrecoup de l’installation sur leur sol de familles libyennes, généralement nombreuses et aisées, qui sont à l’origine d’une hausse des loyers (jusqu’à 100 %) et des prix des produits de consommation. « Ils acceptent n’importe quel prix sans rechigner. Avec 50 000 réfugiés, le problème libyen devient le nôtre », affirme Haykel, poissonnier dans le quartier El-Manar, à Tunis. Si les producteurs sont contents, les Tunisiens ne sont pas tirés d’affaire. « Tant que la situation sécuritaire demeure instable dans des régions productrices de fruits et de légumes, l’approvisionnement risque d’être perturbé, favorisant une augmentation des prix pendant le ramadan où la consommation atteint son apogée », avertit Habib Dimassi, directeur général du commerce intérieur.
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