Madagascar : Ravalomanana ne fait plus le poids

L’Union africaine doit se prononcer sur la feuille de route de la SADC, le 6 juillet, mais le cas du président déchu, Marc Ravalomanana, qui veut rentrer au pays, continue de diviser. Ses soutiens sont de plus en plus rares.

Publié le 4 juillet 2011 Lecture : 4 minutes.

Serait-ce la fin du cauchemar ? Les Malgaches, qui subissent de plein fouet la crise politique depuis deux ans et demi, n’osent pas y croire. Pourtant, pour la première fois depuis longtemps, médiateurs et diplomates se veulent optimistes. Si tout se passe bien, dans un mois, le régime de la transition pourra se consacrer à l’organisation des élections avec l’aide de la communauté internationale.

Certes, rien n’est fait. La feuille de route établie par la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) doit encore franchir plusieurs étapes, dont celle du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA), le 6 juillet. Elle doit surtout convaincre les parties malgaches, qui continuent de s’affronter sur une question : que faire de Marc Ravalomanana ? Le 12 juin, la SADC avait « exhorté la HAT [Haute Autorité de la transition, NDLR] à autoriser les personnes malgaches en exil pour des raisons politiques à retourner dans le pays sans condition, y compris M. Marc Ravalomanana ». Pas question, avait réagi Andry Rajoelina, fort du soutien des forces armées. Depuis, chaque camp compte ses alliés.

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Diplomatie : Zuma dans la balance

Auparavant soutenu par la grande majorité des pays de la SADC, Ravalomanana est aujourd’hui bien seul. Lors du sommet de Gaborone, début juin, une ligne de fracture est apparue entre les pays qui poussent à l’organisation rapide d’élections sans Ravalomanana et ceux qui respectent la ligne suivie depuis le début de la crise : priorité à la légalité. La première catégorie compte l’île Maurice, le Mozambique (d’où est issu le médiateur Leonardo Simão), l’Angola, la Namibie et la Zambie. En face, ils ne sont plus que trois : l’Afrique du Sud, la République démocratique du Congo et le Botswana. Jacob Zuma et Joseph Kabila se sont fendus d’un communiqué commun le 23 juin, dans lequel ils « déplorent le refus de la HAT d’appliquer la feuille de route ». Mais selon plusieurs sources diplomatiques, l’Afrique du Sud serait pressée de se débarrasser d’un hôte encombrant. « Ravalomanana [qui s’est réfugié à Pretoria après sa fuite en mars 2009, NDLR] les embête. Son statut n’est pas très clair. Et il multiplie les déclarations alors qu’il devrait respecter un devoir de réserve », souffle un médiateur.

Malgré tout, ce soutien sud-africain est précieux pour Ravalomanana. D’abord parce qu’au sein de la SADC, c’est Pretoria qui fait la pluie et le beau temps. Ensuite parce que c’est… le dernier qui compte. Pour le reste, Rajoelina peut compter sur le soutien de la France et de la plupart des pays francophones du continent.

Politique : Rajoelina recrute chez l’ennemi

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Dans la Grande Île aussi, Ravalomanana collectionne les défections. Son parti, Tiako i Madagasikara (TIM), n’a pas résisté à son exil. Le mouvement a éclaté entre les partisans d’une participation aux instances du régime actuel et les radicaux. Plusieurs proches de Ravalomanana ont ainsi rejoint la HAT. Le plus emblématique, Raharinaivo Andrianatoandro, ancien porte-parole de TIM, est aujourd’hui le président du Congrès de la transition.

Ravalomanana n’est plus représenté, au pays, que par des leaders de seconde zone. Pourtant, il compte encore des partisans. Les meetings dans lesquels il intervient depuis Pretoria continuent d’attirer les foules. « Il a une vraie base populaire, confirme un diplomate en poste à Tana. Beaucoup sont nostalgiques de sa présidence, car le pays était stable. » La petite bourgeoisie des hauts plateaux et les paysans sont de ceux-là. Rajoelina, lui, séduit plus la bourgeoisie de la capitale et la jeunesse.

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Aucun des deux, en revanche, ne peut se prévaloir du soutien des Églises. Les divisions qui minent les institutions catholiques (pro-Rajoelina) et protestantes (pro-Ravalomanana) les empêchent de jouer leur rôle habituel.

Économie : un basculement rapide

Les opérateurs économiques n’ont pas pour habitude de s’opposer au pouvoir en place. Tous ou presque se sont ralliés à Rajoelina. Seuls quelques rares journaux continuent de soutenir Ravalomanana. Quant à Tiko, l’empire du président déchu, il vivote depuis sa fuite.

La HAT au contraire ne manque pas de soutiens. Parmi les plus fidèles, on trouve les « quarante familles » qui dominent l’économie malgache depuis l’indépendance et qui avaient vu leurs positions de monopole menacées par Ravalomanana. La plus visible est la famille Ramaroson, à la tête de la plus grande savonnerie du pays, qui a misé sur Rajoelina avant même qu’il ne prenne le pouvoir. Autres soutiens de poids : les Karanes (ces familles indo-pakistanaises qui ont fait fortune à Madagascar au XXe siècle), emmenés par Ylias Akbaraly, PDG de Sipromad, un groupe touche-à-tout.

Enfin, Rajoelina peut compter sur des hommes d’affaires très influents de par leur porte-monnaie mais aussi leurs groupes de presse. Il s’agit d’Edgar Razafindravahy, propriétaire de L’Express de Madagascar et de plusieurs radios, et de Mamy Ravatomanga, le PDG de Sodiat (tourisme, BTP, distribution…), qui possède plusieurs journaux, une radio et une télé, et qui est souvent présenté comme le vrai ministre des Finances. 

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