La leçon de Hillary Clinton aux dirigeants de l’UA

Au siège de l’Union africaine, à Addis-Abeba, le 13 juin, la secrétaire d’État américaine a prononcé un discours dans lequel, bille en tête, elle distribue les bons et les mauvais points aux dirigeants du continent. Édifiant… et fort peu diplomatique !

Hilary Clinton au siège de l’UA, à Addis Abeba, le 13 juin 2011. © Reuters

Hilary Clinton au siège de l’UA, à Addis Abeba, le 13 juin 2011. © Reuters

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 24 juin 2011 Lecture : 3 minutes.

Comparer n’est pas juger, mais tout de même… Le président français Nicolas Sarkozy et la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton s’exprimant, à quelques mois de distance, devant la même assemblée, la mise en parallèle des deux discours était quasi inévitable. Résultat : cruel. Pour qui ? Cela dépend. « La France ne veut donner de leçons à personne ni chercher à imposer un modèle », avait déclaré le premier lors de son passage à Addis-Abeba, le 30 janvier. Or c’est à un exercice rigoureusement inverse que s’est livrée l’Amérique d’Obama le 13 juin par la voix de sa chef de la diplomatie. Dans son allocution devant l’Union africaine (UA), il n’y a que des leçons ou presque. Et elles sont rudes.

Auditoire tétanisé. Du message de Hillary Clinton, sobrement intitulé « Remarks at African Union », les observateurs n’ont retenu que la partie libyenne, il est vrai pour le moins directive, limite inélégante. « Je conseille vivement à tous les États africains d’exiger la démission de Kadhafi. Je vous conseille vivement de suspendre les activités des ambassades de Kadhafi dans vos propres pays, d’expulser les diplomates pro-Kadhafi et d’accroître vos contacts avec le Conseil national de transition, a-t-elle martelé. Certes, il est vrai que, pendant des années, Kadhafi a aidé financièrement nombre de nations et d’institutions africaines, y compris l’Union africaine. […] Mais le temps où il pouvait rester au pouvoir est écoulé depuis des lustres. » À une autre époque, ce langage aurait été qualifié d’impérialiste et jugé inacceptable. Cette fois, l’auditoire est demeuré impassible, comme tétanisé : vox Hillary, vox Barack…

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Mais ce n’est pas tout. Là où Nicolas Sarkozy, qui pourtant s’exprimait après l’éclatement des révolutions tunisienne et égyptienne, était demeuré prudemment dans le cadre des généralités (« Dans le monde d’aujourd’hui, on ne peut plus gouverner comme dans celui d’hier ; ce changement, ou bien on le subit, ou bien on le précède et on l’accompagne »), Hillary Clinton, elle, attaque bille en tête. Morceaux choisis : « Ce que nous voyons éclore dans les pays arabes a déjà pris racine dans nombre de pays africains. […] Le message est clair : le statu quo, c’est fini ; les vieilles façons de gouverner ne sont plus acceptables. Il est temps pour les chefs de rendre des comptes, de traiter leurs peuples avec dignité, de respecter leurs droits et d’obtenir des résultats économiques. S’ils ne le font pas, il est temps pour eux de partir. »

Aucun état d’âme. Très remontée, la secrétaire d’État s’en est prise ensuite directement, à deux reprises et en des termes fort peu diplomatiques, aux présidents inamovibles : « Trop de gens en Afrique vivent encore sous la houlette de dirigeants au long cours, d’hommes qui se préoccupent trop de leur longévité et pas assez de l’héritage qu’ils vont laisser à leur pays. Certes, quelques-uns proclament leur attachement à la démocratie, une démocratie qui se résume pour eux à une seule élection une seule fois. […] Pour ces chefs qui s’accrochent au pouvoir à tout prix, qui suppriment les voix discordantes, qui s’enrichissent, eux et leurs partisans, au détriment de leur peuple, le “printemps arabe” a une signification toute particulière. » Laquelle ? Changez s’il en est encore temps ou vous serez changés, s’exclame Mme Clinton, changez ou « le temps se chargera de vous démontrer que vous êtes du mauvais côté de l’Histoire ».

Plus que jamais et sans aucun état d’âme, la « diplomatie en action » du département d’État assume ici sa posture de donneuse de leçons. On pourra certes reprocher à Hillary Clinton de ne pas faire preuve partout de la même fermeté (à propos du conflit israélo-palestinien par exemple) ainsi que l’absence singulière de la moindre once d’autocritique – en quarante-deux ans de relations américano-libyennes, les compromissions furent aussi nombreuses que les confrontations. Mais il lui sera beaucoup pardonné pour avoir conclu une partie de son discours du 13 juin sur cette merveilleuse petite phrase : « Si toutes les femmes africaines, du Cap au Caire, décidaient de s’arrêter de travailler pendant une semaine, toutes les économies du continent s’effondreraient comme un château de cartes. » Cette fois, la salle s’est levée. Standing ovation.

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