Hélène et Nafissatou

Faut-il s’étonner que l’affaire DSK ait eu un impact planétaire ? Je ne le pense pas. Car elle dépasse de loin le banal fait divers ou le simple scandale de mœurs.

Fawzia Zouria

Publié le 17 juin 2011 Lecture : 2 minutes.

Elle se joue sur fond de mythes ancestraux et de fantasmes, met en scène différents continents et protagonistes de tous rangs et, surtout, introduit la composante du « duel », qui est aux grandes affaires litigieuses ce que la comédie est au vaudeville : son ingrédient nécessaire.

Le premier de ces duels est philosophique et religieux : il oppose les vieilles notions du bien et du mal, du vice et de la vertu. En mettant aux prises la relation homme-femme, l’affaire DSK rejoue également la scène du couple premier de l’humanité et cristallise la relation entre les sexes. En outre, elle met en contact deux « races » opposées dans l’imaginaire collectif : la noire et la blanche, et, à travers elles, deux continents que l’histoire comme la géographie éloignent, l’Amérique et l’Afrique. Deux religions sont également confrontées : le judaïsme de Strauss-Kahn et l’islam de Nafissatou Diallo, que le passé le plus ancien comme le contexte actuel opposent. Résultat : d’un côté, les vociférations de ceux qui crient en toutes circonstances à la haine du juif ; de l’autre, la complainte de la Oumma sur l’honneur et la souffrance d’une musulmane, comme si les non-musulmanes n’avaient pas d’honneur et ressentaient moins de souffrance devant le viol 

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Sur un registre plus profane, l’affaire DSK met en scène le financier et la femme de chambre, soit le prince riche et la jeune fille déclassée et pauvre, qui constituent le canevas des contes les plus anciens. Se pose par la même occasion le lien insidieux entre le pouvoir politique et la domination sexuelle et, dans la foulée, le duel droite-gauche avec, d’un côté, les adversaires d’un candidat potentiel à la présidentielle, de l’autre, ses partisans. De même, deux pratiques journalistiques vont s’opposer, l’anglo-saxonne et la française : la presse a le devoir d’informer de tout, prêche la première ; il faut respecter la vie privée, enseigne la seconde.

Et voilà que le ton monte entre deux autres camps : les féministes et les machos ; celles qui dénoncent le harcèlement quotidien dont sont victimes les femmes, et les profils berlusconiens plus prompts à avaliser les propos ringards de Jean-François Kahn que les positions de l’association Osez le féminisme ! et qui s’étonnent qu’on fasse un tel tintamarre autour d’une femme, une « domestique » en plus, qu’on culbute – Dieu a créé les filles pour ça, non ?

Tout cela pour dire qu’il y a dans l’affaire DSK de quoi écrire le roman du siècle. Et dans ce roman, s’il y a un personnage qui tient le grand rôle : c’est Nafissatou Diallo, notre Hélène à nous, les Africains. Et, comme les Grecs de l’Antiquité, nous nous trouvons face à la question : la guerre de Nafissatou aura-t-elle lieu ?

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