Israël-Syrie : l’Intifada des frontières

Enjeu d’un éventuel accord de paix entre Israël et la Syrie, le plateau du Golan a été le théâtre d’incidents sanglants à l’occasion de l’anniversaire de la défaite arabe de 1967.

Des manifestants palestiniens évacuant l’un des leurs, blessé par Tsahal, le 5 juin. © Reuters

Des manifestants palestiniens évacuant l’un des leurs, blessé par Tsahal, le 5 juin. © Reuters

perez

Publié le 12 juin 2011 Lecture : 3 minutes.

« Quiconque s’approche de la clôture met sa vie en danger. » Chaque fois qu’une vague de manifestants se ruent sur la frontière, ce message en arabe est émis par haut-parleurs depuis les jeeps Hummer de l’armée israélienne. Déployés le long des barbelés, en ordre de bataille, les soldats effectuent quelques tirs de semonce, ajustent leur fusil M-16, puis visent les jambes des meneurs. Le claquement des balles résonne dans la vallée. Les premières victimes tombent et sont évacuées à la hâte au cri de « Allah Akbar ! » En quelques secondes, la situation a dégénéré. Et Majdal Shams, petite bourgade druze située à l’extrême nord du plateau du Golan, du côté israélien de la frontière avec la Syrie, perdait sa tranquillité pour devenir une ligne de front.

Dimanche 5 juin, à l’occasion de la Naksa – la défaite arabe de 1967 –, des milliers de Palestiniens vivant en Syrie se sont rassemblés en masse pour tenter de franchir la ligne de cessez-le-feu avec Israël. Leurs tentatives ont été durement réprimées. D’après des sources médicales à Damas, vingt-trois manifestants auraient été tués et plusieurs centaines d’autres blessés. Un bilan contesté par les autorités israéliennes, qui affirment qu’à Kouneitra au moins dix personnes ont trouvé la mort en provoquant l’explosion de mines par jets de cocktails Molotov.

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« Processions du retour »

Il n’empêche que c’est la deuxième fois en l’espace de trois semaines que la frontière israélo-syrienne s’embrase. Lors de la commémoration de la Nakba – l’exil palestinien de 1948, consécutif à la création de l’État hébreu –, la foule était parvenue à transpercer les lignes de défense israéliennes : quatre Syriens avaient été abattus dans le chaos ambiant. Cette fois, Tsahal n’a pas été prise de cours. Plusieurs tranchées avaient été creusées le long des barbelés, ultime rempart avant le champ de mines qui s’étend jusqu’au grillage frontalier. Plus loin, trois bataillons de parachutistes, placés en état d’alerte, se tenaient prêts à intervenir. À l’arrivée, le face-à-face meurtrier tourna le plus souvent à une miniguerre de position. D’un côté, les manifestants, déterminés à rééditer leur exploit du 15 mai, progressaient centimètre par centimètre en direction du territoire israélien. De l’autre, les soldats de Tsahal, qui avaient pour consigne de faire preuve de retenue, ouvraient le feu sur chaque mouvement hostile. « C’était comme le tir au pigeon », résume Wajdi Mahmoud, un habitant de Majdal Shams.

À la frontière israélo-syrienne, la situation est restée tendue tout au long de la semaine. Et si le calme est finalement revenu, l’État hébreu craint de voir se multiplier ce type de rassemblements, que les réfugiés palestiniens nomment « processions du retour » et qui s’inspirent des « marches vertes » organisées dans les années 1970 au Sahara occidental. Les événements sanglants de la Naksa suscitent l’inquiétude de la communauté internationale, déjà préoccupée par les troubles intérieurs en Syrie. Précisément, Israël accuse le régime de Bachar al-Assad d’encourager une dégradation de la situation dans le Golan pour faire diversion. « La Syrie n’a pas empêché les manifestants d’atteindre la ligne de démarcation et de tenter de la franchir, a déploré mercredi Haïm Waxman, chef de la délégation israélienne à l’ONU. Cela reflète une volonté flagrante de détourner l’attention de la violente répression qu’elle exerce sur son propre peuple. De telles provocations peuvent entraîner une escalade et doivent cesser immédiatement. »

Pour nombre d’observateurs, une nouvelle guerre israélo-syrienne n’est pas à exclure, d’autant que le plateau du Golan, que l’État hébreu a annexé en 1981 – après l’avoir conquis aux Syriens en 1967 –, demeure un enjeu stratégique crucial, notamment du fait de ses ressources en eau. Le quotidien Haaretz avertit : « Les négociations ne peuvent revenir à la vie en plein crépuscule du régime de Damas. Mais Israël ne pourra pas nier indéfiniment la nécessité de s’ouvrir au processus de paix. »

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