Tunisie : Boris Boillon l’Oriental

En février, son entrée en matière fracassante avait surpris et irrité. Mais à force d’écoute et de disponibilité, l’ambassadeur de France Boris Boillon est désormais comme un poisson dans l’eau.

Sur les hauteurs de Sidi Bou Saïd, au nord de Tunis, le 18 mars. © Nicolas Fauqué/imagesdetunisie.com

Sur les hauteurs de Sidi Bou Saïd, au nord de Tunis, le 18 mars. © Nicolas Fauqué/imagesdetunisie.com

Publié le 14 juin 2011 Lecture : 3 minutes.

On n’échappe jamais tout à fait à son enfance. Les souvenirs ensoleillés de ce fils de pieds-rouges – Français de gauche arrivés en Algérie après l’indépendance – ont fait de lui un inconditionnel de la Méditerranée. Arabisant, Boris Boillon, 41 ans, père de deux petites filles, apprécie autant les subtiles envolées de la poésie de Nizar Kabbani que les chansons de la Libanaise Majda Roumi, qu’il fredonne volontiers. Mais l’ambassadeur de France à Tunis est surtout un fin connaisseur des pays arabes pour avoir passé plus de la moitié de sa vie entre Alger, Le Caire, Damas, Ramallah, Jérusalem et Bagdad – où il est resté dix-huit mois.

En février, son entrée en matière fracassante en Tunisie – il avait apostrophé des journalistes de manière par trop familière – avait surpris et fait craindre que le nouveau représentant de la France ne devienne « l’impossible monsieur BB ». D’autant que le tardif soutien officiel de Paris à la révolution tunisienne lui avait valu un surcroît de critiques. Mais, animé d’un mental de sportif, Boillon, tout en reconnaissant ses maladresses, essuie les plâtres sans regimber et maintient le cap des relations tuniso-françaises, également fragilisées par la crise des migrants clandestins.

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À la tête d’une équipe de moins de dix personnes, sans gros budget, il gère des journées-marathons, enchaîne les réunions et jongle avec les appels téléphoniques tout en donnant à chacun de ses interlocuteurs l’impression qu’il est unique au monde. Bien que décontracté, Boillon est un hyperactif pointilleux qui prend note des moindres détails. Pour convaincre, il n’use pas de ses airs de technocrate à l’allure impeccable, mais avoue simplement « être un amoureux du monde arabe et de la Méditerranée, et croire en l’Union pour la Méditerranée [UPM] comme une vision pour les cinquante prochaines années ». À l’écoute d’un pays en mutation, il constate, dans la continuité de l’historien Fernand Braudel, qu’« après les colonisations puis les dictatures, l’accès à la citoyenneté clôt un cycle de l’histoire ».

Efficace

Devenu familier des nouveaux acteurs de la scène politique tunisienne, ainsi que des représentants de la société civile, il est en passe de concrétiser l’un de ses objectifs : « C’est une opportunité historique pour nouer des liens très forts, de société civile à société civile, entre ONG et avec les collectivités territoriales. Résorber les déséquilibres entre les rives nord et sud est une partie importante de mon travail en Tunisie. » Une approche qui fait dire à Khelil Zaouia, du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) : « Même si la politique de la France reste en deçà de nos attentes, Boris Boillon fait tout pour apporter des changements positifs. »

En cent jours, l’ambassadeur de France aura maintenu et renforcé les relations économiques et politiques entre les deux pays et fait la promotion de la Tunisie auprès de dix ministres français, tout en suscitant des actions de rapprochement et d’échange autour de thématiques telles que la citoyenneté et la bonne gouvernance, l’environnement, mais également la solidarité et le microcrédit.

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Diplomate atypique, ce Sarkoboy que l’on a cru trop fougueux a finalement réussi à séduire Tunis en pratiquant, à l’instar du penseur marxiste italien Gramsci, un savant dosage entre « pessimisme de la raison et optimisme de la volonté ». Depuis qu’il a encadré la visite de Béji Caïd Essebsi, Premier ministre tunisien, à l’Élysée, on se demande même si la Tunisie n’a pas un nouvel ambassadeur à Paris. « Son arrivée de cow-boy nous a peut-être permis de mieux le connaître ; il fait un travail qui profite à la Tunisie », reconnaît Haythem el-Mekki, journaliste et blogueur. 

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