Sénégal : opposition (dés)unie pour la présidentielle

La coalition Benno Siggil Sénégal veut présenter un seul candidat face à Abdoulaye Wade en 2012. Encore faudrait-il que tous ses membres soient sur la même longueur d’onde… Et c’est loin d’être le cas.

Macky Sall a confirmé le 1er juin qu’il ferait cavalier seul à la présidentielle de 2012. © D.R.

Macky Sall a confirmé le 1er juin qu’il ferait cavalier seul à la présidentielle de 2012. © D.R.

Publié le 13 juin 2011 Lecture : 4 minutes.

Ziguinchor, chef-lieu de la Casamance, le 14 mai. La coalition Benno Siggil Sénégal, composée de tout ce que compte, ou presque, l’opposition (35 partis et associations), tient son premier meeting d’envergure. L’élection présidentielle est dans neuf mois, les grandes manœuvres ont débuté.

Ousmane Tanor Dieng, Moustapha Niasse, Abdoulaye Bathily, Amath Dansokho, Landing Savané : ce jour-là, tous les ténors de l’opposition ont fait le déplacement. Seul Macky Sall, le leader de l’Alliance pour la République (APR), manque à l’appel. Raison invoquée : il se trouvait alors en Afrique du Sud. Une heureuse coïncidence. Car ce 14 mai à la tribune, le Benno jure qu’il ne présentera qu’un seul candidat. « À partir de Ziguinchor, nous prenons l’engagement d’avoir un candidat de l’unité », assure Ousmane Tanor Dieng, le secrétaire général du Parti socialiste (PS). Deux semaines plus tard, le 28 mai, les membres du Benno confirment, dans une résolution, qu’ils ne présenteront qu’un candidat qui, s’il était élu, assurerait la direction du pays pour une période transitoire de trois ans maximum avant d’organiser un référendum constitutionnel, des législatives et, surtout, une présidentielle à laquelle il ne pourrait se présenter.

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Favori. Risqué ? Utopique, estiment plutôt les observateurs. « Cette candidature unique n’est pas réaliste. D’ailleurs, il y a déjà plusieurs candidats », note le juriste Babacar Gueye. Depuis plusieurs mois, Macky Sall le répète à l’envi : que le Benno le choisisse ou pas, il sera candidat. Nouvelle coïncidence : quelques heures seulement après l’adoption de cette fameuse résolution, Sall était investi candidat par les « sages » de son parti…

« C’est aux Sénégalais de choisir celui qu’ils veulent voir affronter le candidat du parti au pouvoir. Le premier tour sert à ça. Après, il sera toujours temps de se ranger sous la même bannière », explique son entourage. Le président de l’APR ne l’a jamais caché à ses alliés. Ceux-ci n’ont donc pas été surpris de le voir rejeter la résolution du 28 mai.

Il faut dire que l’ancien bras droit de Wade a le beau rôle : la plupart des observateurs le donnent favori parmi les nombreux prétendants de l’opposition. Au sein du Benno, on a fini par accepter ce paramètre. « Il n’y aura qu’une seule candidature de l’opposition, et une candidature éventuelle de Sall », admet Moustapha Niasse, le secrétaire général de l’Alliance des forces de progrès (AFP).

Une chimère. Sall n’est cependant pas le seul à refuser la candidature unique. Le 28 mai, quatre autres formations s’y sont opposées. Ainsi Cheikh Bamba Dièye, auteur d’un piètre 0,5 % au scrutin de 2007, mais bien placé dans le sondage Moubarak Lô (réalisé mi-2010 à Dakar et dans sa banlieue), reste flou sur ses intentions. S’il a récemment affirmé être prêt à se ranger « derrière n’importe quel candidat », il avait annoncé sa candidature quelques jours plus tôt. Son parti, le Front pour le socialisme et la démocratie (FSD/BJ), est membre du Benno. Mais l’option du candidat unique est « une chimère », estime le maire de Saint-Louis.

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Dans la majorité présidentielle aussi…

Pendant que l’opposition tente difficilement de s’unir, la famille libérale est, elle aussi, en proie aux dissensions. Après Macky Sall en 2008 et Aminata Tall en mars dernier, Idrissa Seck, qui s’oppose à la candidature d’Abdoulaye Wade en 2012, a été forcé de quitter le Parti démocratique sénégalais (PDS). Exclu à l’unanimité des membres du secrétariat national du PDS le 23 avril, l’ancien dauphin de Wade n’a jamais caché son ambition de se présenter à la prochaine présidentielle – c’est d’ailleurs pour cela qu’il a été exclu. En 2007, il avait recueilli près de 15 % des voix.

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Landing Savané aussi pourrait faire cavalier seul. L’ancien allié de Wade a rejoint le Benno fin 2009, quelques semaines après avoir quitté le gouvernement. Le leader d’And-Jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme (AJ/PADS) s’oppose à une candidature unique. « Si les poids lourds se mettent ensemble, ils perdent des voix », pense-t-il.

Quant aux autres ténors de l’opposition, rien ne dit qu’ils accepteront de s’effacer pour l’un d’entre eux. La prochaine étape que s’est fixée le Benno – le choix du candidat – risque d’être houleuse. « La question des ego est essentielle, rappelle un cadre du PS. Aujourd’hui, qui est prêt à laisser la place à un autre ? » Cette question vaut notamment pour Tanor et Niasse. En 2007, incapables de s’entendre malgré leur appartenance à la même famille socialiste, les deux hommes s’étaient neutralisés – Tanor avait recueilli 13,5 %, Niasse moins de 6 %. « Ils ont retenu la leçon, affirme aujourd’hui le cadre socialiste. Ils savent que l’un d’eux doit accepter de ne pas se présenter. » Mais lequel ? Pour l’un comme pour l’autre, cette élection est certainement la dernière : Niasse pour une question d’âge (il va sur ses 72 ans) ; Tanor, son cadet de huit ans, à cause d’une relève de plus en plus pressante au PS.

Jouer collectif. « Les deux s’entendent bien », souligne un ancien socialiste, lui aussi membre du Benno. Malgré tout, c’est loin d’être gagné. « Derrière eux, il y a des militants. On voit mal ceux du PS accepter que leur parti, qui a dirigé le pays pendant quarante ans, ne présente aucun candidat. » Quant à Niasse, s’il se dit enclin à la jouer collectif, le portrait qu’il dresse du futur candidat – « un homme d’ouverture et d’expérience, qui a déjà géré une telle situation » – lui ressemble furieusement. « La question fondamentale, ce n’est pas qui sera candidat, mais quelle sera la répartition des postes en cas de victoire », indique l’ancien Premier ministre de Wade pour qui, c’est sûr et certain, « la période des messies est finie ».

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