Immigration: scandale ou manip ?

Le quotidien britannique The Guardian l’affirme : les navires de l’Otan au large de la Libye auraient laissé périr 61 clandestins sur le point de faire naufrage. Mais tout n’est pas clair dans cette affaire.

Publié le 24 mai 2011 Lecture : 2 minutes.

« Tous les matins, nous trouvions de nouveaux morts qu’il fallait jeter par-dessus bord. » Abu Kurke, 24 ans, prétend être un miraculé. S’il est véridique, son témoignage recueilli par le quotidien britannique The Guardian (8 mai) est accablant pour la marine française. Le jeune homme raconte avoir quitté Tripoli le 25 mars avec 71 autres migrants clandestins (Érythréens et Éthiopiens, essentiellement) à bord d’une embarcation de fortune. Direction : Lampedusa. Leur barque menaçant de faire naufrage, les passagers, parmi lesquels des femmes, des enfants et des réfugiés politiques, auraient appelé le père Moses Zerai, qui dirige, à Rome, une organisation de défense des droits des réfugiés, afin qu’il prévienne les gardes-côtes italiens. Le prêtre affirme avoir prévenu l’Otan, ce que celle-ci dément. Le 26 mars, un hélicoptère de nationalité inconnue aurait survolé l’embarcation, puis largué des bouteilles d’eau et des biscuits. « Les passagers m’ont certifié qu’on leur a parlé en anglais, mais ils n’ont pas vu l’uniforme du pilote », confie Judith Sunderland, de l’ONG Human Rights Watch.

Ministre à bord

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L’embarcation aurait dérivé à proximité d’un porte-avions. Le Charles-de-Gaulle, affirme le Guardian. « Selon les survivants, deux avions ont alors décollé et survolé le bateau, tandis que, sur le pont, les migrants tenaient à bout de bras des bébés affamés. Mais aucune aide n’est venue », écrit le quotidien. Le 10 avril, l’esquif se serait échoué sur une plage près de Misrata. Soixante et un migrants seraient morts de faim et de soif. Les onze survivants auraient été emprisonnés par les forces de Kadhafi (deux seraient morts en détention). « Les rescapés sont toujours à Tripoli et sans papiers, poursuit Sunderland. Ils essaient d’obtenir des laissez-passer pour gagner la Tunisie. »

Même s’il n’est pas rare que des chalutiers soient empêchés par les autorités, italiennes notamment, de porter secours à des clandestins en péril, la thèse selon laquelle l’équipage du Charles-de-Gaulle aurait délibérément laissé mourir les migrants en provenance de Libye, au mépris du droit maritime international, est peu crédible. Les 29 et 30 mars, Gérard Longuet, le ministre français de la Défense, se trouvait en effet à bord en compagnie de neuf journalistes ! Une source jointe par J.A. et présente sur le porte-avions le 29 mars confirme n’avoir ressenti chez les marins « aucun sentiment de malaise trahissant un manquement au devoir de solidarité ».

D’autres zones d’ombres subsistent. Les allégations du Guardian ne reposent que sur le témoignage des neuf rescapés recueilli par le journaliste Jack Shenker. Or Kadhafi a fait des flux migratoires une arme politique… Que s’est-il passé pendant leur incarcération ? Ont-ils été convaincus par les Libyens d’inventer une histoire mettant en cause l’Otan ? L’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a demandé l’ouverture d’une enquête.

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