Le riz thaïlandais au régime sec
La Thaïlande, premier exportateur mondial de riz, va supprimer l’une de ses trois récoltes annuelles. Selon les spécialistes, les prix ne devraient pas flamber.
Que le riz soit sauté, parfumé, gluant, préparé en gâteau ou en pâtes, les 67 millions de Thaïlandais ne peuvent s’en passer. En thaï, « manger » se dit littéralement « prendre un riz », signe de l’omniprésence de la céréale dans la culture nationale depuis des siècles.
S’appuyant sur cette longue tradition, le pays est depuis 1965 le premier exportateur mondial de riz. En 2010, 18 millions de tonnes y ont été produites, soit 33 % de plus qu’il y a dix ans. La moitié de cette récolte a été vendue à l’étranger, ce qui représente 26 % du marché mondial, loin devant le Vietnam (15,5 %) et la Chine (12,9 %) – même si cette dernière reste le principal producteur mondial.
Seulement voilà, après quarante-six ans de domination sans partage, l’ancien royaume du Siam entend faire une pause. Car rien ne va plus dans ses rizières : les petits producteurs souffrent des prix trop bas (inférieurs aux coûts de production pour les moins bonnes qualités), d’une concurrence accrue des pays voisins (Vietnam et Birmanie), et, surtout, depuis plusieurs mois, d’une invasion d’insectes. Le gouvernement d’Abhisit Vejjajiv a donc annoncé en mars son intention de supprimer la troisième récolte annuelle pour éliminer l’espèce de punaise incriminée, incapable de survivre à l’absence de cultures pendant plusieurs semaines. Le ministère de l’Agriculture juge que cette mesure sera aussi l’occasion de reposer les sols et d’orienter la production vers des types de semence à plus forte valeur ajoutée, tel le riz japonais, cultivé dans la région de Chiang Rai (Nord), qui se vend 37 % plus cher que le paddy traditionnel.
Cette décision devrait faire baisser les exportations d’environ 20 % en 2011, ce qui inquiète importateurs et consommateurs de riz de qualité médiocre, notamment en Afrique où les gouvernements se souviennent de l’impact de la hausse des prix de cette céréale dans les émeutes de la faim en 2008.
Déficit compensé
Mais pour Conception Calpe, économiste à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les effets de la mesure seront limités et ne devraient pas menacer la stabilité des prix du riz. « La Thaïlande a considérablement amélioré ses techniques agricoles ces dernières années. Il ne faut pas dramatiser l’impact de cette décision : la suppression de la troisième récolte sera, à moyen terme, compensée par une progression de la productivité sur les deux premières, souligne-t-elle. Et le Vietnam, dont la production a augmenté de 70 % en dix ans, la Birmanie et le Cambodge me paraissent en mesure de combler l’éventuel déficit que cette mesure pourrait causer à court terme. »
Pour la Thaïlande, dont près de la moitié de la population travaille dans l’agriculture, la hausse des profits tirés du riz est un objectif majeur pour garantir la cohésion sociale. Le pays, qui n’a jamais laissé les multinationales mettre la main sur ses plantations, veut conserver un modèle moins productiviste que ses voisins, mais plus haut de gamme et respectueux de l’environnement… pour augmenter ses marges.
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