Tunisie : bataille autour du code électoral avant la Constituante

Parité hommes-femmes, inéligibilité des anciens du RCD, mode de scrutin… Plusieurs dispositions relatives à l’élection de l’Assemblée constituante, prévue en juillet, suscitent la polémique en Tunisie.

Dans une rue de Tunis, en janvier 2011. © AFP

Dans une rue de Tunis, en janvier 2011. © AFP

Publié le 26 avril 2011 Lecture : 2 minutes.

« En votant pour la parité ­hommes-femmes, nous avons agi en démocrates. Mais est-il démocratique d’exclure les anciens du RCD [Rassemblement constitutionnel démocratique, le parti de Ben Ali, le président déchu, NDLR] ? » Cette question taraude les Tunisiens depuis la présentation, le 11 avril, par la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique, d’un projet de décret-loi relatif à l’élection de l’Assemblée constituante, prévue le 24 juillet. Plusieurs de ses dispositions (parité hommes-femmes sur les listes électorales, inéligibilité des ex-responsables du RCD, mode de scrutin) font déjà l’objet de controverses.

En adoptant la parité assortie d’une alternance obligatoire sur les listes électorales, l’article 16 porte la participation féminine à 50 %. Sous peine de se voir exclus du scrutin, les partis devront combler l’absence criante des Tunisiennes (pourtant au coeur de la révolution) au sein de leurs mouvements. « C’est un moment historique pour notre participation politique. La forte majorité qui s’est exprimée en ce sens montre que cette valeur est partagée », souligne Sana Ben Achour, présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates. Cette disposition pourrait toutefois avantager les partis islamistes, où les femmes sont déjà chargées de l’encadrement féminin. Quant au principe de la parité, il ne sera pas facile à appliquer dans certaines régions, où, par tradition, les femmes ne font pas de politique.

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Les rancœurs à l’égard de l’ancien parti au pouvoir se cristallisent autour de l’article 15, qui prévoit dix ans d’in­éligibilité pour tous ceux qui ont exercé des responsabilités au sein du RCD ou du gouvernement, ainsi que pour ceux qui ont soutenu la candidature de Ben Ali pour 2014. Cette mise au ban divise. Certains estiment que c’est aux citoyens, par leur vote, de mettre en minorité le RCD. Pour d’autres, seule la justice peut statuer sur l’éligibilité des candidats. En visant indistinctement tous ceux qui ont exercé des responsabilités depuis vingt-trois ans, dont certains sont déjà aux ports de la justice, la Haute Instance ostracise des personnalités ayant collaboré avec Ben Ali entre 1987 et 1991 – qui furent des années d’ouverture –, comme Saadoun Zmerli, militant des droits de l’homme dont la probité ne fait aucun doute.

« Antidémocratique »

Cette mesure prive les anciens du RCD – des plus hauts dignitaires du parti jusqu’aux responsables des cellules de province – de toute réinsertion politique et réduit au silence la région du Sahel, leur fief. « Ce code antidémocratique élimine près de 200 000 personnes. Il n’y a pas eu crime contre l’humanité, et les membres du RCD ne sont pas tous malhonnêtes », s’exclame Faouzi Elloumi, le maire de Sidi Hassine.

Le mode de scrutin à un tour avec une répartition des sièges à la proportionnelle avantage les petits partis. Mais, nuance Kaïs Saïed, expert en droit constitutionnel, ce mode de scrutin, déjà pratiqué par le RCD, est complexe et pourrait favoriser des tractations financières entre les partis en vue de gagner des sièges. Il incombe désormais au gouvernement de transition de ratifier ce projet de code électoral – ou d’en faire revoir la copie. 

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