Jack Lang : « La France n’a plus de politique internationale »

L’ancien ministre français Jack Lang vient de remettre aux Nations unies un rapport sur la piraterie au large de la Somalie. L’occasion pour lui de dénoncer la complaisance de Paris vis-à-vis du régime Ben Ali. Et de s’expliquer sur le cas Gbagbo.

Jack Lang. © Reuters

Jack Lang. © Reuters

Publié le 21 février 2011 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Comment expliquer l’embarras et la frilosité de la France face aux révolutions tunisienne et égyptienne ?

Jack Lang : Il y a la crainte que l’ancien colonisateur s’immisce dans la vie intérieure de ces pays, mais cet argument n’est qu’un prétexte. Fondamentalement, il manque à la France une ligne. Une politique internationale doit trouver la ligne de crête entre l’exigence de relations d’État à État et l’attention que l’on doit porter au respect des libertés. Les relations institutionnelles ne doivent pas se traduire par de la complaisance – parfois stipendiée – vis-à-vis de tel ou tel régime.

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Est-ce le cas actuellement ?

À la différence de beaucoup d’autres, je ne découvre pas que la Tunisie et l’Égypte étaient des régimes d’oppression. Je ne me suis pas rendu à Tunis depuis une trentaine d’années. En 1997, président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, j’avais boycotté la visite de Ben Ali. Aujourd’hui, le gouvernement est totalement responsable.

Michèle Alliot-Marie doit-elle démissionner ?

Cette question est secondaire. C’est une responsabilité collective, qui concerne l’ensemble de la classe politique. On ne va pas demander à tout le monde de démissionner ! Quant aux responsables socialistes qui s’acharnent sur la ministre, qu’ont-ils dit sur Ben Ali ? Je ne les ai pas entendus. Que chacun fasse son autocritique.

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À propos d’autocritique, parlons de Laurent Gbagbo. Depuis votre lettre du 5 décembre dans laquelle vous l’appeliez à reconnaître les résultats de l’élection présidentielle, avez-vous repris contact avec lui ?

Non, il est inaccessible.

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Durant la campagne électorale, vous vous êtes rendu en Côte d’Ivoire pour lui apporter un « soutien amical ». Est-ce toujours un ami ?

Ce n’est pas un ami au sens intime du terme. Je lui portais une certaine sympathie, car je pensais, en conscience, qu’il pouvait favoriser l’établissement d’une véritable démocratie. Je suis attristé et déçu. Disons que je me suis trompé sur le personnage et que j’ai manqué de flair. Je découvre que c’est une sacrée tête de lard et qu’il a le cuir épais.

Pour lutter contre la piraterie au large de la Somalie, vous préconisez une « somalisation » de l’arsenal judiciaire, avec la création de tribunaux et la construction de prisons…

Fin 2010, je me suis rendu à deux reprises dans la région. Malgré le déploiement de forces maritimes internationales, les actes de piraterie se multiplient et les rançons sont de plus en plus élevées. Le coût est estimé à 7 milliards de dollars. Comment les 1 500 à 2 000 pirates n’auraient-ils pas un sentiment d’impunité ? Faute de débouché juridictionnel, ils sont remis en liberté neuf fois sur dix après avoir été interceptés. Il faut donc élaborer sur place un système de poursuites efficace et conforme au droit international. 

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