Qui est vraiment Mme Besson ?

De son enfance dorée dans la banlieue chic de Tunis à son mariage avec le ministre français de l’Immigration, le 12 septembre dernier, la vie a déjà beaucoup souri à Yasmine Tordjman.

Eric Besson en compagnie de Yasmine Tordjman le 22 août dernier, avant leur mariage. © Carlos Fuentes / Reuters

Eric Besson en compagnie de Yasmine Tordjman le 22 août dernier, avant leur mariage. © Carlos Fuentes / Reuters

Publié le 20 septembre 2010 Lecture : 6 minutes.

Autour d’elle, sa famille avait dressé un mur du silence à propos de sa liaison avec Éric Besson. L’ordre, dit-on, serait venu de Paris. Mais en Tunisie, la loi du silence est presque une habitude. Issue des familles Tordjman, côté paternel, et Turki, côté maternel, des noms connus et respectés dans la bourgeoisie tunisoise née dans le sillage du beylicat ottoman, Yasmine a grandi dans le quartier « VIP » de Marsa Cube, sur les rivages du golfe de Tunis. Plus précisément dans le périmètre devenu le fief du clan Ben Ammar il y a un demi-siècle. C’est là qu’autour de « la maison de Wassila », seconde épouse de Bourguiba, la plupart des membres de la famille et alliés ont fait construire des villas, avec accès direct sur la plage. Celle des parents de Yasmine, sur deux niveaux, est moderne et spacieuse.

Héritage artistique

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Le père, Samy, est le fils de Nabila – fille de Wassila et Ali Ben Chedly, un grand propriétaire terrien comme les Ben Ammar – et Taoufik Tordjman, ancien ambassadeur de Bourguiba, qui a longtemps dirigé une grande banque de la place avant son divorce d’avec Nabila. L’ex-première dame était donc l’arrière-grand-mère de Yasmine, qui n’a cependant aucun lien de filiation avec Bourguiba, Wassila n’ayant pas eu d’enfant avec l’ex-président, dont elle a cependant porté le nom de 1962 à 1986. Samy et désormais son fils Farès sont des habitués de l’hippodrome tunisois de Ksar Saïd, où leurs chevaux, élevés dans le hara familial de Besbessia, comptent souvent parmi les favoris.

Yasmine n’était pas encore née quand Wassila faisait la pluie et le beau temps aux côtés de Bourguiba, jusqu’en 1982. La seule image que gardent les enfants de la « Majda », décédée en 1999, est celle d’une femme déchue mais digne, souvent en voyage à l’étranger. Le clan Ben Ammar continue d’ailleurs de lui vouer un culte sans limites. Mais Yasmine, ses cousins et cousines ont adopté une autre idole : Tarak Ben Ammar. Fascinés par la carrière internationale du producteur de cinéma et neveu de Wassila, ils faisaient des pieds et des mains pour attirer son attention lorsqu’il était là.

Les enfants menaient une vie insouciante, allaient pieds nus à la plage pour bronzer et papoter, et se goinfraient de DVD. À partir de 16 ans, cette jeunesse dorée écumait chaque soir les clubs de Gammarth-La Marsa, lorsqu’elle n’établissait pas ses quartiers d’été à Hammamet. Cette vie en vase clos, où Yasmine faisait figure de cheftaine, s’est prolongée au lycée français Gustave-Flaubert de La Marsa. Les camarades de la jeune fille gardent d’elle un souvenir admiratif. « Ce qui m’avait d’abord frappé chez elle, raconte l’un des ex-membres de la bande, c’est qu’elle avait de l’humour. Elle était rigolote et insouciante. » « Elle est très coquette, précise une autre camarade, ce qui a fait son succès auprès des garçons. Et elle a toujours été une amie sincère. »

C’est cependant l’héritage artistique du côté de sa mère, Samira Turki, dont elle est le portrait craché, qui va déterminer le destin de Yasmine. Son grand-père, Hédi Turki, et son oncle, Zoubeïr, sont des peintres célèbres, fondateurs, au milieu du siècle dernier, du mouvement connu sous le nom d’école de Tunis. Un autre oncle, Brahim, est aussi un « croqueur » de portraits, mais il a épousé une carrière diplomatique (il fut ambassadeur à Paris). Sa mère, Samira, qui a fait arts déco à Grenoble, dirige aujourd’hui un bureau d’études et préside l’association des anciennes élèves d’un lycée prestigieux de la capitale, celui de la rue de Russie (ex-lycée Fallières).

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La liaison devient sérieuse

Forte de ce background artistique, Yasmine s’est donc envolée pour Paris il y a quatre ans pour suivre un cursus de design publicitaire, chaperonnée par sa tante, Hela Béji, et son « tonton », Tarak Ben Ammar. De plus, Wassim, le fils de Hela et neveu de Tarak, est, depuis 2002, associé, dans la société de production WY, à Yannick Bolloré, directeur général de Bolloré Média. Yasmine entre comme stagiaire chez Euro RSCG Worldwide Events, une filiale de Havas (groupe Bolloré). C’est là que le destin attend la jeune femme. Éric Besson, socialiste rallié à Nicolas Sarkozy à la veille du premier tour de la présidentielle de 2007, est, à l’époque, secrétaire d’État chargé de la Prospective, de l’Évaluation des politiques publiques et de l’Économie numérique. Il confie à Euro RSCG l’organisation d’un colloque sur le thème « Nouveau monde, nouveau capitalisme », qu’il préside en janvier 2009 et auquel participent des Prix Nobel d’économie et des personnalités politiques comme Nicolas Sarkozy, Angela Merkel ou Tony Blair.

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Un ex-camarade de la Marsa raconte que « Yasmine, la jeune fille coquette aux yeux de biche, s’est alors laissée éblouir ». Le coup de foudre est-il intervenu dans les travées de la salle de conférences ? Ou a-t-il eu lieu plus tard lors d’un dîner offert par Tarak Ben Ammar ? Était-ce à Paris ? Ou à Nice à bord du yacht du magnat tunisien ? Voire dans la maison familiale de Marsa Cube ? Les versions diffèrent. « C’est vers les mois de mai-juin 2009, déclare un ami de la jeune fille, que nous avons compris que la liaison devenait sérieuse. » Besson débarque une première fois à Tunis en décembre 2009 pour demander sa main, puis à la mi-juillet 2010 pour informer les parents des plans de mariage. Fixée au 16 septembre, leur union devait être célébrée à la mairie du 7e arrondissement de Paris par Rachida Dati. Mais Besson en a déplacé la date et le lieu, des internautes ayant appelé à chahuter la cérémonie pour protester contre sa politique de l’immigration. La cérémonie a finalement eu lieu avec une semaine d’avance, le 12 septembre, au ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire.

« Nsibna Laziz »

Enthousiasme et indifférence se mêlent dans le cercle familial, mais personne n’exprime publiquement ses états d’âme. « Je ne veux pas en entendre parler », marmonne un proche parent. À ceux qui paraissent émettre des réserves, Yasmine répond qu’elle est « majeure et vaccinée ». Ce qui est sûr, c’est que le premier cercle de la famille a donné son accord : la mère, le père, la sœur (Fériel), le frère (Farès) et les tantes (dont Hela) ont assisté au mariage.

Comment ont réagi les Tunisiens ? La liaison entre Yasmine, 23 ans, et Éric Besson, 52 ans, serait passée inaperçue en temps normal, le mariage entre une Tunisienne et un étranger – quelle que soit sa religion –, et même l’écart d’âge entre conjoints étant admis par une bonne partie de la population. Mais la médiatisation de leur liaison en France fait qu’elle ne peut plus laisser indifférent.  Les Tunisiens ont adopté Besson comme on adopte un gendre. Dans les conversations de salon, ils l’appellent « Nsibna Laziz » (« notre cher gendre »), en référence à Nsibti Laziza (« ma chère belle-mère »), titre d’un feuilleton très populaire diffusé pendant le ramadan. « Je me demande si elle ne se marie pas pour la frime, se demande, mauvaise langue, un titi marsois (habitant de la Marsa), et ce qu’il en sera quand le ministre ne sera plus ministre… »

La plus enthousiaste est Dorra Bouzid, pasionaria du féminisme tunisien depuis plus d’un demi-siècle. « J’en suis très heureuse, déclare celle qui signait sous le pseudonyme Leïla dans le journal L’Action, ancêtre de Jeune Afrique. J’aime les histoires d’amour. J’ai commencé à lutter à l’époque où on ne pouvait pas disposer de son corps, avant que Bourguiba ne libère la femme avec la promulgation du code du statut personnel, en 1956. On peut certes s’inquiéter un peu de la différence d’âge, mais il y a de nombreux cas similaires qui ont débouché sur des mariages réussis, comme celui de Pablo Casals, de Charlie Chaplin ou de Johnny Hallyday… Je pense qu’à 23 ans elle sait ce qu’elle fait. Sa mère et son père sont mes amis. Je l’ai félicitée, et elle m’a annoncé qu’elle préparait un événement franco-tunisien à Tunis pour bientôt, dans le design. » 

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