Les grands rêves d’un petit ministère

Publié le 14 juillet 2010 Lecture : 2 minutes.

Alain Juppé et Hubert Védrine s’inquiètent, Bernard Kouchner les rassure. Le 7 juillet, les deux anciens ministres français des Affaires étrangères se sont alarmés du destin du Quai d’Orsay dans le quotidien Le Monde. « L’instrument est sur le point d’être cassé, cela se voit dans le monde entier », écrivent-ils. Pour justifier leur crainte de voir la France en miettes sur la scène internationale, ils avancent un chiffre : en vingt-cinq ans, les moyens financiers et humains du ministère ont baissé de plus de 20 %.

L’actuel locataire ne partage pas leur désarroi. Le 9 juillet, Bernard Kouchner riposte en promettant, dans le même journal : « Nous restons, et resterons, le deuxième réseau du monde derrière les États-Unis, et loin devant les pays émergents cités par les auteurs » (en l’occurrence, le Brésil). Pas sûr, pourtant, que le baume du docteur Kouchner ait les vertus escomptées.

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La diplomatie française quadrille en effet la planète. Avec 156 ambassades, 98 consulats, 17 représentations permanentes, 4 délégations auprès d’organismes internationaux, elle dispose d’un maillage à la hauteur de son rang de membre permanent du Conseil de sécurité. Avec 167 ambassades, seule l’infrastructure diplomatique américaine est plus développée. Le nombre de drapeaux plantés par la France à l’étranger est toujours allé croissant : elle compte 53 ambassades en 1939, 99 en 1961 et 134 en 1981, rappelle le journaliste Franck Renaud dans Les Diplomates, derrière la façade des ambassades de France (Nouveau Monde Éditions).

Quand la maison se vide

Alain Juppé et Hubert Védrine savent bien tout cela. Mais pour eux comme pour un grand nombre de diplomates, le problème est ailleurs : la maison se vide. Entre 1997 et 2007, les effectifs du Quai d’Orsay ont diminué de 11 %. Les trois années précédentes, ils avaient déjà baissé de 8 %. Des ambassades importantes – Maroc, États-Unis – sont concernées. Aujourd’hui, les Affaires étrangères emploient 16 100 personnes (contre plus de 1 million pour l’Éducation nationale et la Recherche confondues), dont 5 600 ont signé des contrats « locaux » (en vertu du droit du travail du pays en question). En France, l’heure est à la restriction des dépenses publiques pour toutes les administrations. Mais les diplomates ont le sentiment de faire plus d’efforts qu’ailleurs.

Entre 2000 et 2008, le budget du ministère a pourtant augmenté, passant de 3,2 à 3,9 milliards d’euros. La hausse est toutefois trompeuse, comme le précisent les auteurs du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, paru en juillet 2008. Le Quai d’Orsay ne dépense pas plus pour ses ambassades. Les nouveaux frais sont destinés aux organisations internationales, aux missions de maintien de la paix, au Fonds européen de développement… Ils sont passés de 380 millions à 1,86 milliard d’euros entre 2000 et 2008. Les bénéfices diplomatiques de ces dépenses sont contestés, une bonne partie étant des contributions obligatoires et liées au simple fonctionnement des organismes destinataires.

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La France est aussi plus parcimonieuse avec sa diplomatie que ses pairs. En 2006-2007, le budget du Quai d’Orsay s’élève à 1,71 milliard d’euros (hors aide au développement et contributions internationales), soit 0,11 % du produit intérieur brut (PIB). Même ratio aux États-Unis. Le Japon, l’Allemagne et l’Italie, eux, sont plus généreux : 0,14 % pour les deux premiers, 0,13 % pour Rome. Leur réseau diplomatique étant moins étoffé que celui de la France, leurs ambassades sont donc mieux loties. C’est la différence entre les enfants uniques et les familles nombreuses.

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