Ainsi parlait Kadhafi

Dans une interview publiée le 1er mai par « Der Spiegel », le « Guide » se déchaîne contre la Confédération helvétique et met les frasques de son fils Hannibal sur le compte de « l’exubérance de la jeunesse ». Extraits.

Mouammar Kaddafi le 28 mars 2010 à Syrte. © AFP

Mouammar Kaddafi le 28 mars 2010 à Syrte. © AFP

Publié le 11 mai 2010 Lecture : 3 minutes.

La Suisse

Mouammar Kadhafi : En Suisse, l’argent est blanchi à grande échelle. Après un braquage de banque, ses auteurs vont toujours investir en Suisse. Tous ceux qui pratiquent l’évasion fiscale vont en Suisse. Tous ceux qui souhaitent ouvrir des comptes secrets vont en Suisse. Et nombre de ces détenteurs de comptes secrets sont morts mystérieusement. […]

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Oui, certains Libyens ont des ­comptes ­secrets, et beaucoup d’entre eux sont décédés dans des circonstances mystérieuses. Partout dans le monde, leurs familles vont porter plainte contre la Suisse. En outre, la Suisse est le seul pays qui autorise l’euthanasie.

Der Spiegel : L’euthanasie médicale est aussi légale aux Pays-Bas. Et des ressortissants libyens, dont on avait prétendu qu’ils n’étaient pas loyaux, ont également été tués à l’étranger…

– Mais aujourd’hui, nous parlons de la Suisse. Il est possible que parmi les Libyens tués à l’étranger certains soient morts parce qu’ils avaient des comptes secrets en Suisse.

– Vous maintenez sérieusement que l’État suisse a commandité l’assassinat de ces personnes ?

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– Les enquêtes le prouveront. Et cela nous renvoie au phénomène du suicide assisté. Un grand nombre de per­sonnes ont été délibérément éliminées de cette façon. La Suisse affirme qu’elles ont exprimé leur envie d’en finir avec la vie. Mais en réalité, il s’agissait de leur prendre leur argent. Plus de 7 000 personnes sont mortes ainsi. Je demande donc la dissolution de la Suisse en tant qu’État. La partie romande irait à la France, la partie italienne à l’Italie et la partie germanophone à l’Allemagne. Même Ayman al-Zawahiri…

– … le bras droit d’Oussama Ben Laden…

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– … a mis l’argent d’Al-Qaïda en Suisse, où il se trouve toujours. La Suisse finance le terrorisme.

Mes fils et moi

– Votre colère contre la Suisse ne vient-elle pas en réalité de l’arrestation de votre fils Hannibal par la police de Genève en juillet 2008, et de son inculpation pour violence contre deux personnes qui étaient à son service ?

– Cette affaire a surtout réjoui la Suisse. Ce pays est un gang de malfrats qui ne fait pas grand cas de la loi. La façon dont Hannibal a été traité prouve que la Suisse ne respecte aucune loi. Un homme employé par mon fils a lancé des accusations contre lui pour pouvoir rester en Suisse. Ils ont le droit de l’arrêter, mais qu’ils le fassent dans les règles ! Les policiers ont agi comme des bandits. Ils étaient habillés en civils et ont enfoncé la porte, attaché mon fils et emmené son épouse à l’hôpital. Ils ont laissé sa fille, qui a 1 an ou 2, seule à l’hôtel. Ensuite ils ont mis Hannibal, menotté, dans un cagibi froid et parfois dans une salle de bains – exactement comme Al-Qaïda traite ses victimes. Un acte de terrorisme.

– Selon les autorités suisses, ce n’est pas du tout ainsi que cela s’est passé. Ils disent que votre fils maltraitait deux personnes.

– Non, non. Rien de tel ne s’est produit. La Suisse n’a pas dit ça, ni à moi ni à personne. C’est la première fois que j’entends ça. […] Parfois, la jeunesse est exubérante. En France, par exemple, mon fils aurait grillé un feu rouge. Il n’y a rien d’extraordinaire là-dedans.

– Puisque nous parlons de vos fils, lequel des sept est le plus proche de vous ?

– J’aime tous mes fils de la même façon. La question de savoir lequel je préfère ne se pose pas.

– En Europe, on a longtemps pensé que votre second fils, Seif el-Islam, vous succéderait.

– Je ne suis pas roi, je n’ai pas besoin d’un héritier du trône [rires]. En Libye, c’est le peuple qui gouverne.

– Votre fils nous a dit que, par principe, la fonction de leader de la révolution ne peut pas être héréditaire.

– C’est vrai.

– Seif el-Islam a été médiateur pour faire libérer de nombreux otages et est respecté à l’étranger. Même s’il ne vous succède pas, que prévoyez-vous pour lui ?

– Il a fait des études et est cultivé ; c’est un homme du monde. À son âge, il n’a plus besoin de moi.

Le pétrole

– Grâce à ses revenus pétroliers, la Libye est aujourd’hui plus solide financièrement que certains pays de l’Union européenne. Combien rapporte le pétrole chaque année à votre pays ?

– Je ne sais pas exactement [il se tourne vers son assistant]. Environ 50 milliards de dollars.

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