L’industrie africaine réhabilitée

Longtemps pénalisées par l’ouverture des marchés et la part belle faite aux négociants, les compagnies privées du continent sont désormais l’atout majeur des États pour relancer la production locale.

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 9 mars 2010 Lecture : 3 minutes.

Sécurité alimentaire : des paroles aux actes
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Sécurité alimentaire : des paroles aux actes

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Entre le marteau et l’enclume. C’est la position inconfortable qu’ont connue les entreprises de l’agroalimentaire africaines durant les « émeutes de la faim » de 2008. Coincées entre la flambée des prix des matières premières agricoles et la chute de la consommation (baisse du pouvoir d’achat, chômage), les industriels ont presque tous connu une stagnation ou une baisse de leur chiffre d’affaires en 2008, tandis que leur rentabilité était plombée par leur incapacité à répercuter l’envolée de leurs factures d’intrants dans un contexte de forte concurrence et d’encadrement draconien des prix par les États.

Déjà largement handicapées sur un continent devenu une véritable passoire pour les importations, les entreprises n’avaient pas besoin de subir en plus les effets dévastateurs de la crise économique mondiale. De l’Algérie au Sénégal, en passant par la Côte d’Ivoire, le Mali ou la Tunisie, l’argent facile généré par les licences d’importation de produits de base ou alimentaires pour les recettes des États et les poches des proches des élites politiques ont pénalisé les entrepreneurs africains.

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Malgré ce contexte hostile, quelques hommes d’affaires ont tiré leur épingle du jeu. Le conglomérat algérien Cevital (1,8 milliard de dollars de chiffre d’affaires en 2008) est désormais le troisième groupe agroalimentaire africain, encadré par quatre mastodontes sud-africains (SABMiller, Tiger Brands…). Cevital (huiles, eaux minérales…) vise les 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2012 grâce aux investissements, aussi bien dans l’amont (semences…) que dans l’aval. Dans le sucre, le groupe d’Issad Rebrab a injecté plus de 30 millions d’euros pour être le premier producteur algérien et tailler des croupières aux importateurs.

Autre phénomène : Poulina Group Holding, en Tunisie. Piloté par Karim Ammar, successeur désigné du fondateur, Abdelwaheb Ben Ayed, le poids lourd de l’agroalimentaire tunisien (margarine, graisses végétales, viande, yaourts…) est coté en Bourse. Au Maroc, la Compagnie sucrière marocaine de raffinage et Lesieur Cristal tiennent le haut du pavé. Au sud du Sahara, Suneor (Sénégal) et Sifca (Côte d’Ivoire) sont les rois des huiles alimentaires.

L’agrobusiness a la cote

Mais si ces groupes font encore figure d’exception, la roue tourne, et les entreprises de transformation sont remises en selle au nom de la sécurité alimentaire. Sacrifiée depuis une vingtaine d’années au nom de la mondialisation et de l’ouverture des marchés, l’agriculture africaine renaît de ses cendres après le mea culpa des institutions internationales. Un retour en grâce du monde agricole qui profite aux entreprises du secteur, devenues l’un des points d’appui majeurs des États et des bailleurs de fonds internationaux (Banque mondiale, AFD, BAD…) pour redonner vie à l’agriculture africaine. La BAD et l’AFD finalisent ce printemps « le fonds agricole africain », qui sera doté de 250 millions de dollars. Sa vocation : soutenir des filières agricoles régionales à travers les entreprises qui les composent grâce à des prêts allant jusqu’à 10 millions de dollars pour les groupes et de 150 000 à 4 millions de dollars pour les PME. Des dizaines de projets sont déjà identifiés dans dix-neuf pays.

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L’agrobusiness a le vent en poupe. Des capital-investisseurs ont multiplié les investissements depuis un an. Le fonds Agri-Vie a misé sur Africa Juice, Aureos Capital sur le producteur laitier Brookside, Proparco sur le groupe avicole Wadi, et Norfund dans la plantation d’avocats Africado. Et Beltone Private veut investir 1 milliard de dollars au Soudan dans des projets agro-industriels. Ce nouvel environnement favorise les vocations. À Abidjan, Foani Services (volaille industrielle) et Ivoire Poulet (distribution de proximité) tentent de percer à l’ombre du géant Sipra (chiffre d’affaires de 19 milliards de F CFA). Les champions de demain ?

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