Olivier Kamitatu : « Il faut plus de pouvoir pour le chef de l’Etat »

Maintenu à son poste après le remaniement du 19 février, l’ex-bras droit de Jean-Pierre Bemba devenu proche de Joseph Kabila préconise une réforme de la Constitution, pour instaurer un régime présidentiel fort.

Olivier Kamitatu, dans les locaux de Jeune Afrique, février 2010 © Vincent Fournier pour JA

Olivier Kamitatu, dans les locaux de Jeune Afrique, février 2010 © Vincent Fournier pour JA

Publié le 10 mars 2010 Lecture : 4 minutes.

Jeune Afrique : Comment expliquez-vous l’immobilisme du gouvernement sortant ?

Olivier Kamitatu : Une coalition entraîne toujours des blocages. Mais ceux-ci tiennent aussi à notre Constitution. C’est un copier-coller de la Ve République française. Notre démocratie n’est pas aussi achevée que celle de la France. Le chef de l’État doit avoir plus de pouvoir. Au lieu d’un binôme président-Premier ministre, nous avons besoin d’un leadership fort, avec une autorité bien établie.

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Appelez-vous à la suppression du poste de Premier ministre ?

Un régime présidentiel peut effectivement se passer d’un Premier ministre.

La présidentielle et les législatives auront-elles bien lieu en 2011 ?

C’est une exigence. Nous avons un mandat de cinq ans.

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Pourtant, une commission d’évaluation de la Constitution examine entre autres questions l’allongement du mandat présidentiel, de cinq à sept ans…

On ne change pas les règles en cours de match. Il reviendra à la chambre issue des prochaines élections de se prononcer s’il y a lieu. Nous constatons en effet que cinq années ne suffisent pas pour reconstruire le pays. À partir de la troisième, la question politique prend le dessus.

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Vous êtes chef de parti. Serez-vous candidat en 2011 ?

Ma candidature serait une perte de temps. Il faut remporter l’élection dès le premier tour, avec une très large majorité. Le deuxième tour est une coquetterie démocratique.

Pensez-vous que la Monuc doit quitter le pays ?

Oui. On ne peut sous-traiter indéfiniment la sécurité du Congo. C’est une question de souveraineté. L’État va fêter ses 50 ans dans quelques mois ! Mais il faut absolument une transition. Nous ne sommes pas totalement prêts. Il faut aussi tenir compte des événements qui vont se dérouler chez nos voisins, comme le référendum au Sud-Soudan [en 2011, NDLR]. La RD Congo est très sensible à ce qui se passe à ses frontières.

L’armée n’est pas toujours à même d’assurer la sécurité. On lui reproche même des viols et des pillages…

Une des missions de la Monuc est de nous aider à former une véritable armée. La coopération militaire avec nos autres partenaires produit également ses effets. Il n’y a pas de fatalité.

Vous étiez membre du Mouvement de libération du Congo (MLC), le parti de Jean-Pierre Bemba. Il est accusé par la Cour pénale internationale de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Avez-vous été contacté par l’équipe du procureur ?

C’est une affaire judiciaire. Je ne répondrai pas à ce genre de question.

Passons au volet économique, l’accord du FMI en décembre dernier doit conduire le pays à une annulation de sa dette extérieure. Sous quel délai ?

Notre objectif est de parvenir au désendettement en juin 2010 à hauteur de 90 % de la dette, qui s’élève à 12 milliards de dollars. Nous serons donc sur une annulation d’une dizaine de milliards.

Pour obtenir cette annulation de dette, le FMI vous a contraint à réduire votre nouvel endettement vis-à-vis de la Chine, qui est passé l’an dernier de 9 à 6 milliards de dollars…

Avec les institutions de Bretton Woods, nous sommes à présent sur la même longueur d’onde. Il s’agit de poursuivre parallèlement l’effort de reconstruction et celui sur le désendettement. Ces deux priorités sont compatibles et au même niveau d’importance. Le modèle chinois nous permet d’atteindre une croissance soutenue par les investissements dans les infrastructures. La croissance est également une préoccupation du FMI.

Neuf milliards, c’était donc trop ?

Ce n’est jamais trop. C’est même insuffisant par rapport aux besoins gigantesques du pays. Mais il est préférable de procéder par tranches selon un calendrier bien établi. C’est ce qui est prévu.

N’est-ce pas paradoxal de négocier une annulation de dette de 10 milliards auprès des partenaires traditionnels pour réemprunter dans la foulée 6 milliards auprès des Chinois ?

Le Congo ne peut pas s’arrêter. Les attentes de la population sont extrêmement fortes. En 2006, les besoins du pays ont été chiffrés à 14 milliards de dollars, dont la moitié en ­ressources ­propres. Le reste doit provenir de l’aide extérieure. Or, les engagements des partenaires traditionnels s’élèvent à 4 milliards. Il nous faut donc trouver des ressources ailleurs.

Quel bilan faites-vous des cinq chantiers du président Kabila ?

Les choses n’avancent peut-être pas au rythme souhaité par le président, et les Congolais n’en ressentent pas encore les effets, mais bon nombre de chantiers ont été ouverts, notamment dans les infrastructures routières. On relie à présent en quelques heures Kinshasa et la ville portuaire de Matadi. La route qui dessert la frontière ougandaise depuis Kisangani est ouverte. Idem entre Lubumbashi et la frontière zambienne. Ces corridors sont stratégiques. La deuxième priorité concerne l’énergie. Ce sont les deux préalables à une croissance forte et à l’industrialisation du pays.

À propos d’industrialisation, quel avenir pour la Gécamines ? Elle semble en très mauvaise posture et incapable de relancer sa production de minerais.

Nous sommes engagés dans une réforme des entreprises publiques devenues des sociétés commerciales. À propos de la Gécamines, il convient de s’interroger sur la façon de valoriser au mieux les permis miniers et les participations de l’État.

La Gécamines est-elle à vendre ?

Elle n’est pas à vendre et restera congolaise.

Une introduction en Bourse ?

C’est l’une des pistes de réflexion, et ce serait logique.

Quant à la relance de la production, peut-on encore y croire ?

Il faudrait investir massivement, et l’État actionnaire n’en a pas les moyens. La Gécamines perd 20 millions d’euros par mois. Il faut d’abord résoudre ce problème avant de s’interroger sur une relance de la production.

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