Leur corruption est la nôtre

Fouad Laroui © DR

Publié le 9 février 2010 Lecture : 2 minutes.

Un demi-litre de lait entier coûte 46 centimes au supermarché qui se trouve en face de chez moi. D’accord, ce n’est pas une information sidérante et vous devez vous demander où je veux en venir. Patience. Dans le même supermarché (je veux dire la même enseigne) qui se trouve à la gare centrale, le demi-litre de lait coûte 96 centimes d’euro. Cherchez l’erreur… Il s’agit quand même d’une différence de 108 %, soit du simple au double.

Comment s’explique cette aberration ? C’est très ­simple : mon supermarché dessert un quartier résidentiel où ne s’aventurent jamais les touristes. On est donc entre nous, entre autochtones d’Amsterdam. En revanche, les touristes font leurs courses au supermarché de la gare centrale puisque c’est autour de cette gare que s’agglutinent les hôtels.

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J’ai eu la curiosité de comparer aussi les prix du pain, de la bière, des jus de fruits : toujours cette différence du simple au double.

– Et alors ? me dites-vous.

Et alors, combien de fois n’ai-je pas entendu des touristes européens, de retour du Maroc ou de Tunisie, se plaindre des arnaques, du taxi qui leur demande systématiquement le double (ou même plus…) de ce qu’il demande aux autochtones ? D’accord, c’est très désagréable, on a l’impression d’être pris pour un pigeon, mais quelle est la différence avec la situation dans les quartiers touristiques de Paris, d’Amsterdam ou de Rome ? Aucune. Ou plutôt si, il y a une différence : ici, l’arnaque se pratique au grand jour, les prix excessifs sont dûment affichés…

Traversons maintenant la Manche pour faire un tour au palais de Westminster, chez les Anglais, qui se ­vantent d’avoir inventé la démocratie moderne. Il y a quelques mois, un énorme scandale avait secoué le Parlement britannique : des ministres avaient dû démissionner, des députés étaient partis sur la pointe des pieds, le rouge de la honte aux joues. C’est que ces zigotos s’étaient amusés, au cours des dernières années, à passer en notes de frais des dépenses bizarres : l’achat d’une petite maison pour la mare aux canards (sic), le nettoiement des ­douves d’un château, la location de films olé olé. Mieux – ou pire : certains s’étaient fait rembourser des hypothèques qu’ils avaient fini de payer des années auparavant.

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Or voilà le hic : on ne peut pas traiter ces députés de corrompus car ces remboursements scandaleux étaient parfaitement conformes à la loi ! On revient donc à cette histoire de demi-litre de lait : ce qui distingue un député soudanais ou kényan corrompu d’un député British corrompu, c’est que ce dernier s’arrange pour « officialiser » sa corruption.

C’est peut-être la seule différence entre le Nord et le Sud… 

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