Le marché africain comme facteur de croissance

Les entreprises marocaines ont presque fini de réaliser l’électrification du pays. Pour pérenniser leur activité, elles doivent désormais exporter leur savoir-faire. Ce qu’elles font, sur le continent, avec un certain succès.

Publié le 17 mars 2009 Lecture : 4 minutes.

En Afrique subsaharienne, outre le problème de la production – avec une capacité de 495 kWh/habitant, équivalente à celle de la seule Espagne, contre 1 330 kWh/habitant au Maghreb –, la question de l’électrification est un enjeu central de développement. Seuls 24 % des Subsahariens ont accès à un réseau électrique, les 76 % restants, soit 500 millions de personnes, vivant sans électricité ou contraints de produire localement leur propre énergie. Les dirigeants subsahariens veulent remédier à cette contre-performance en faisant passer le taux d’accès à l’électricité à 35 % de la population d’ici à 2015… Ce qui représente un investissement de 47 milliards de dollars par an, soit entre 6 % et 7 % du produit intérieur brut (PIB) total de la région.

Un objectif dont les opérateurs publics et privés marocains du secteur de l’électricité espèrent tirer profit. Le Programme d’électrification rurale global (PERG) engagé en 1996 est désormais quasiment achevé (avec un taux de couverture de 98 %) et, si elles veulent pérenniser leur activité et assurer leur croissance, il est désormais temps pour les entreprises du secteur d’exporter leur savoir-faire sur de nouveaux marchés. Malgré une rude concurrence internationale, le PERG a en effet été entièrement mené par des entreprises marocaines, ce qui a permis à ces dernières de développer et de prouver leurs compétences dans l’ingénierie, la gestion et la réalisation des travaux d’électrification. « Nous n’étions pas habitués à une telle compétition, mais nous en sommes sortis plus forts et plus compétitifs », explique Ahmed Rahmani, directeur général de Cegelec-Maroc. « Pour ce qui nous concerne, précise-t-il, nous avions atteint en 2008 une cadence d’électrification de quatre villages par jour. Et nous travaillions parfois dans des zones très difficiles, à 2 000 mètres d’altitude, en transportant notre matériel à dos de mulets. »

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Des industriels devenus crédibles

C’est l’Office national de l’électricité (ONE), l’opérateur public et principal acteur du secteur, qui s’est, le premier, exporté sur le marché africain. Il intervient depuis dix ans en Afrique de l’Ouest, dans le cadre de la coopération Sud-Sud, pour des actions ponctuelles, des services de consulting ou la mise en place de programmes d’assistance technique. Depuis deux ans, la coopération est passée à une phase d’investissements directs dans la réalisation et la conduite de projets d’infrastructures. En décembre 2007, l’ONE s’est ainsi vu attribuer un contrat de concession au Sénégal pour électrifier 550 villages (représentant 360 000 habitants) des villes de Saint-Louis, Dagana et Podor, où il assurera la distribution et la gestion de l’électricité pendant vingt-cinq ans.

Plus de la moitié des entreprises privées du secteur se sont également tournées vers l’exportation de matériels et de services. Elles décrochent des contrats sur tout le continent, en particulier dans les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) et de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), où les normes de systèmes électriques sont compatibles.

« Les Africains savent que le PERG a été un succès : c’est la vitrine du Maroc. Grâce à lui, nous sommes devenus crédibles », explique Salaheddine Kadmiri, président de la Fédération nationale de l’électricité et de l’électronique (Fenelec). D’autant que le plan d’électrification n’a pas seulement été une réussite technique. « Il fallait produire rapidement et à moindre coût. Nous avons donc développé des concepts innovants en termes de financements. Et c’est précisément le financement qui pose des problèmes en Afrique », ajoute Salaheddine Kadmiri. Les opérateurs privés proposent donc à leurs clients africains, outre une offre industrielle complète, des solutions de financement originales qui s’inspirent de l’exemple marocain, où l’ONE finançait à 50 %, les collectivités territoriales à 25 %, et les citoyens les 25 % restants.

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Le bon accueil que reçoivent les opérateurs du secteur en Afrique tient aussi « à l’engagement diplomatique de Sa Majesté, qui nous facilite les choses et a fait beaucoup pour la promotion du “produit” marocain », explique un chef d’entreprise. Les entrepreneurs souhaiteraient cependant que les attachés commerciaux des ambassades et le gouvernement les soutiennent plus fermement sur le plan de la garantie, de l’accompagnement et de la promotion.

Une tactique d’approche à peaufiner

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« Au Maroc, la culture de l’exportation est très récente. Nous sommes habitués à un export de produits finis, comme dans l’agriculture ou le textile, mais quand on exporte une technologie, il faut changer d’approche et suivre l’exemple des pays asiatiques », ajoute Ahmed Squalli, président du fabricant NRJ international. Les entreprises de la filière comptent donc aussi sur la nouvelle stratégie développée par le ministère du Commerce extérieur et par le Centre marocain de promotion des exportations (CMPE), en caressant l’espoir de connaître la même réussite que leurs compatriotes du secteur des BTP, qui sont un exemple à suivre en Afrique.

Toutefois, si les entrepreneurs se réjouissent de la présence en Afrique de banques marocaines comme Attijariwafa Bank et BMCE, ils se heurtent encore à de nombreuses contraintes sur le terrain. « Il peut arriver que l’absence de tissu industriel ou le manque d’infrastructures, notamment routières, rendent le travail plus difficile, explique Ahmed Squalli. Par ailleurs, il serait souhaitable que des conventions fiscales soient signées avec nos partenaires africains, pour faciliter les échanges. » En tout cas, les opérateurs du secteur de l’électricité ne manquent pas d’idées pour développer la coopération sur le continent. La Fenelec réfléchit même à la possibilité de mettre en place des conventions pour accorder des bourses à des étudiants ou des ingénieurs subsahariens qui souhaiteraient parfaire leur formation au Maroc… Et qui, de retour dans leur pays, deviendraient les meilleurs promoteurs du savoir-faire marocain.

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