Laroussi Oueslati

Conseiller régional Provence-Alpes-Côte d’Azur et président de l’université du Sud-Toulon-Var, ce Tunisien d’origine rêve d’entrer un jour à l’Assemblé nationale.

Publié le 19 janvier 2009 Lecture : 4 minutes.

Laroussi Oueslati est tellement volubile qu’il est presque impossible de l’interrompre. Son bureau est un joyeux bazar où se côtoient, pêle-mêle, un ballon de rugby, un globe terrestre, des livres d’histoire, des ouvrages d’art, des recueils de poésie, des statuettes en bronze, des estampes japonaises, de la vaisselle orientale et même un drapeau européen. Mais qu’on ne s’y trompe pas : Laroussi Oueslati est un homme très organisé. Simplement, ses innombrables activités lui laissent peu de temps pour le rangement…

À 48 ans, ce Méditerranéen né à Carthage (Tunisie) est docteur ès sciences, grand amateur de voyages et ancien conseiller municipal de Toulon. Il est surtout président de l’université du Sud-Toulon-Var.

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Composée de cinq campus, celle-ci dispose d’un budget de 60 millions d’euros, emploie 500 enseignants et accueille quelque 10 000 étudiants. Après en avoir été le vice-président pendant cinq ans, Laroussi a été élu à sa tête il y a deux ans. Un poste aux responsabilités largement accrues depuis l’adoption, en août 2007, de la loi Pécresse renforçant l’autonomie des universités françaises. Désormais, ces dernières sont censées gérer leur budget, recruter leur personnel et professionnaliser leurs services administratifs comme n’importe quelle entreprise privée.

Depuis 2004, Oueslati est aussi conseiller régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’une des plus importantes collectivités territoriales de l’Hexagone. Délégué aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, il est aussi vice-président de la commission Développement économique et Relations internationales. C’est un proche du socialiste Michel Vauzelle, le président de la région, connu pour son engagement en faveur du codéveloppement. « Je le représente dans l’espace euroméditerranéen pour toutes les questions socio-économiques, culturelles et universitaires », annonce fièrement Laroussi.

Arrivé en France à l’âge de 9 ans, ce fils d’ouvrier, aîné d’une famille de neuf enfants, a toujours été un bûcheur. « Enfants, nous dormions tous dans la même pièce. Il était le seul à garder la lumière allumée tard le soir pour travailler. Il s’est toujours débrouillé tout seul », se souvient Faouzi, son frère, aujourd’hui patron d’une entreprise de maçonnerie dans la région toulonnaise.

Dans la famille Oueslati, entreprendre des études supérieures ne va pas de soi. C’est pourtant ce que fait le jeune Laroussi, à Nice, Toulon et Aix, jusqu’à l’obtention d’un DEA. Sa spécialité : l’électronique et l’informatique. Nommé assistant à l’université Pierre-et-Marie-Curie, à Paris, puis à celle de Toulon, il y soutient une thèse sur la modélisation, l’identification et la commande des systèmes complexes appliquées aux serres agricoles, au microclimat et à l’effet de serre. Devenu maître de conférences, il enseigne, à Toulon toujours, les mathématiques, l’informatique, l’automatique et la physique appliquée. Mais le jeune homme a d’autres ambitions…

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Ayant assuré la présidence départementale d’un syndicat étudiant, il se découvre une vocation politique. En 1995, à 35 ans, il est élu conseiller municipal. Un baptême du feu plutôt chaud. Car le Front national de Jean-Marie Le Pen remporte cette année-là la mairie de Toulon. « Jusqu’en 2001, je me suis retrouvé en opposition frontale avec les conseillers d’extrême droite. C’était très dur. Souvent, les insultes fusaient », se souvient-il.

Oueslati, qui est viscéralement attaché à la laïcité, se reconnaît dans les grandes avancées sociales et culturelles qu’a connues la Tunisie au temps de Bourguiba. Ancré à gauche mais convaincu de « la primauté de l’individu sur l’organisation », cet admirateur de Pierre Mendès-France se définit comme « un réformiste, non un révolutionnaire ». Raisons pour lesquelles, en 1992, il choisit d’adhérer au Parti radical de gauche plutôt qu’au Parti socialiste.â©De la Tunisie, Laroussi Oueslati parle peu. À l’évidence, son horizon s’étend bien au-delà, à tout l’espace méditerranéen. Ça tombe plutôt bien : avec la création de l’Union pour la Méditerranée (UPM), le président Nicolas Sarkozy ne s’efforce-t-il pas de promouvoir une plus grande intégration de la zone méditerranéenne ? Pour ce qui le concerne, Laroussi vient de créer à l’université de Toulon une école baptisée « civilisations et sociétés euroméditerranéennes comparées ».

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Après avoir signé des partenariats avec diverses universités en Tunisie et au Maroc, il entend développer une coopération avec des établissements d’Afrique subsaharienne, au Sénégal notamment. Il compte sur ce créneau pour permettre à l’université du Sud-Toulon-Var, coincée entre ses consœurs niçoise et marseillaise, de se faire une place au soleil. Son objectif, explique-t-il, est de constituer « une structure à taille humaine spécialisée dans la mer et l’Euroméditerranée ».

S’il consacre beaucoup de temps à des projets internationaux, Oueslati ne néglige pourtant pas le local. Il rêve toujours plus ou moins secrètement d’un succès lors d’un scrutin uninominal. Gagner sur son seul nom, plutôt que sur une liste… Pour l’instant, son expérience en la matière se limite aux législatives de juin 2007. Investi par le PS, le Mouvement républicain et citoyen et le PRG dans la 7e circonscription du Var, il a posé, son éternel sourire aux lèvres, aux côtés de Ségolène Royal, Élisabeth Guigou et François Hollande. Ces soutiens de poids ont été insuffisants. Avec 13,13 % des voix, il a été battu dès le premier tour. Dommage, il aurait été l’un des très rares représentants de l’immigration à siéger à l’Assemblée nationale… « Issu de la diversité, républicain, laïc, président d’université : j’étais un peu le candidat symbole », commente-t-il, lucide. Dans cette région où la droite, extrême ou pas, réalise traditionnellement ses meilleurs scores, Laroussi ne manque pas d’un certain panache : « J’aurais pu être parachuté dans une circonscription où j’aurais été assuré de l’emporter, mais ça ne m’a pas paru souhaitable. »

À l’approche de la cinquantaine, il explique que sa vie « est composée de cycles de dix ans » : « J’ai changé de pays à l’âge de 9-10 ans, puis décidé de devenir universitaire à 20 ans. À 30 ans, j’ai découvert le syndicalisme et la politique. À 40, les sphères de la décision. » Que se passera-t-il pour lui à 50 ans ? « Peut-être débarquerai-je à l’Élysée ou à Matignon ! » plaisante-t-il.

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