Jean-Pierre Bemba

Chef du Mouvement de libération du Congo (MLC)

Publié le 12 janvier 2009 Lecture : 3 minutes.

Le règlement de la prison de Scheveningen, une banlieue cossue de La Haye, interdit les visites le soir, fêtes comprises. Alors, pour Noël et le jour de l’an, Jean-Pierre Bemba a fait comme d’habitude. Il a dîné avec les autres pensionnaires : Charles Taylor, ex-président du Liberia, Thomas Lubanga, Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo, un trio de miliciens congolais. Et, comme d’habitude, le repas n’avait rien d’une agape. Tant mieux pour la silhouette de Bemba, que ses médecins jugeaient par trop massive : selon son épouse, Liliane, le chef du Mouvement de libération du Congo (MLC) a « beaucoup maigri » depuis son arrestation, en mai dernier, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Ceux qui n’ont pas rendu visite au poids lourd de l’opposition congolaise ces huit derniers mois pourront juger de sa ligne par eux-mêmes : du 12 au 15 janvier, il comparaît publiquement devant la Cour pénale internationale (CPI), à La Haye, dans le cadre de l’audience de « confirmation des charges ». Quatre jours pendant lesquels la Chambre préliminaire III est censée écouter le procureur, l’Argentin Luis Moreno-Ocampo, expliquer pourquoi Jean-Pierre Bemba Gombo, 46 ans, doit être jugé.

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Viols, tortures, meurtres, atteintes à la dignité de la personne, pillages… Au total, huit chefs d’accusation. Ces exactions auraient été commises entre octobre 2002 et mars 2003, à Bangui et dans les environs, par les soldats du MLC, quand ces derniers ont franchi la frontière pour prêter main-forte au président centrafricain de l’époque, Ange-Félix Patassé, menacé par une tentative de coup d’État. En tant que patron du MLC, Bemba serait pénalement responsable. À l’issue de l’audience, la Chambre décidera si le dossier d’accusation comporte assez de preuves pour que l’affaire soit renvoyée en jugement. Le cas échéant, le procureur devra apporter de nouveaux éléments. La Chambre dispose de soixante jours pour se prononcer.

La tenue d’un « procès Bemba » n’est donc pas encore acquise. La CPI en a pourtant cruellement besoin qui, depuis son installation, en 2003, n’a encore procédé à aucun jugement et souffre d’un déficit de crédibilité. Censée punir les grands criminels et dissuader leurs émules, elle n’a fait arrêter à ce jour que du menu fretin – des chefs de milice. À l’exception de Jean-Pierre Bemba. Ancien vice-président, sénateur (de l’Équateur), challengeur de Joseph Kabila à la présidentielle de 2006, leader de l’opposition, homme d’affaires réputé richissime, c’est un gros poisson. Exactement ce qu’il faut à la Cour et à son procureur pour gagner leurs lettres de noblesse.

Mais pour ses partisans, l’affaire est entendue : « Jean-Pierre » n’ira pas jusqu’au procès. Le chef du MLC jouit du soutien d’un clan convaincu, qui a prévu d’assister à l’audience. Dans les deux salles réservées au public – d’une capacité d’accueil de cent cinquante personnes –, Bemba pourra se consoler à travers des regards familiers : ceux de son épouse, Liliane, de ses cinq enfants, qui devraient faire le voyage depuis Bruxelles – où ils sont scolarisés – le 14, de son père, Jeannot, venu de Kinshasa, de son frère, Nzoma, de son beau-frère, de sa belle-sœur… Il y aura aussi les amis politiques, comme François Muamba, secrétaire général du MLC et président par intérim, des députés et des sénateurs du parti, des membres de la diaspora…

La ligne de défense, établie par quatre avocats, est prête. Elle tient en quelques points : le premier responsable des viols et autres atrocités est celui qui avait appelé les hommes du MLC en renfort et en avait le contrôle direct, en l’occurrence Ange-Félix Patassé ; Jean-Pierre Bemba n’était pas en Centrafrique au moment des faits ; les auteurs des crimes ont déjà été punis par la Cour martiale du MLC.

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Bref, « Jean-Pierre n’a pas peur », assure un collaborateur avec lequel il parle tous les jours au téléphone. Même son de cloche chez son épouse, qui lui rend visite plusieurs fois par semaine : « Il va très bien, il m’étonne de jour en jour. » Un discours invariablement optimiste depuis des mois, comme pour conjurer l’inquiétude.

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