Chronique d’un flop annoncé

Réuni à Oran dans le but de réduire une nouvelle fois sa production, l’Opep n’a pas convaincu les marchés : inexorablement, le prix du baril de brut continue de baisser. Jusqu’à quand ?

Publié le 29 décembre 2008 Lecture : 4 minutes.

C’est sans surprise que les treize pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) réunis dans les salons de l’hôtel Sheraton d’Oran ont mis fin, le 17 décembre, à un faux suspense. En réalité, la décision du cartel de baisser sa production avait été prise bien avant. Le rendez-vous algérien n’avait d’autre objectif que d’enrayer la vertigineuse chute des cours du brut, tombés à leur plus bas niveau depuis quatre ans : 40,50 dollars le baril, à la veille du sommet. Soit une perte de 107 dollars par rapport au record historique de 147,27 dollars établi le 11 juillet. « Nous espérons qu’une baisse sensible des approvisionnements réorientera les cours vers les 75 dollars », confiait Ali al-Naïmi, le ministre saoudien du Pétrole.

C’est manqué. La décision de réduire la production de 2,2 millions de barils/jour (mbj) à partir du 1er janvier 2009 a, au contraire, précipité la dégringolade des cours. Le lendemain, 18 décembre, le baril se négociait à 37,71 dollars au New York Mercantile Exchange (Nymex), son niveau le plus bas depuis le 1er juillet 2004… Anticipé par le marché, l’électrochoc attendu par le cartel, qui contrôle 40 % de la production mondiale, n’a donc pas eu lieu. « Un rebond vers les niveaux de prix espérés par l’Opep prendra du temps », commente Simon Wardell, analyste au cabinet londonien Global Insight.

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Consommation en berne

« S’il le faut, nous sommes prêts à opérer à l’avenir d’autres réductions drastiques », indiquait, le 17 décembre, de manière presque prémonitoire, Chakib Khelil, le ministre algérien de l’Énergie et des Mines (et président de l’Opep jusqu’à la fin du mois). L’organisation n’a pourtant pas ménagé ses efforts. La réduction annoncée représente 7 % de la production de ses membres. Elle s’ajoute à une précédente réduction de 2 mbj décidée en septembre-octobre.

Mais rien n’y fait. Le cartel ne convainc pas les marchés, tant le contexte mondial est défavorable : économie en récession jusqu’à l’été 2009, au moins ; secteur automobile en pleine implosion ; places boursières exsangues ; scandales financiers et faillites à répétition ; essoufflement d’une économie chinoise très gourmande en énergie fossile…

Surtout, l’Opep a fait les frais de la publication, le jour même du sommet d’Oran, du montant des réserves américaines de brut, qui augmentent de 500 000 barils et atteignent ainsi leur plus haut niveau depuis cinq ans. Pour ne rien arranger, l’Institut américain du pétrole a révélé dans la foulée que la demande de pétrole dans le pays avait diminué de 7,4 % en un an. Elle n’avait pas été aussi faible depuis novembre 1998.

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Après les États-Unis et le Japon, la Chine, à son tour, a annoncé le 15 décembre le recul de sa demande de pétrole. Pour la première fois depuis trente ans, selon le département américain de l’Énergie, la demande mondiale devrait enregistrer deux baisses consécutives : 500 000 b/j cette année, 450 000 b/j en 2009.

Comment les prix de l’or noir pourraient-ils remonter dans ces conditions ? D’autant que 40 millions de barils de brut sont déjà stockés sur des tankers par des traders et des sociétés pétrolières. De la Banque mondiale à l’Opep, un consensus s’était établi sur le prix d’équilibre souhaitable du baril : 75 dollars. Au fur et à mesure que l’économie mondiale plonge, ce souhait devient de moins en moins réalisable.

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Scénario catastrophe

Difficile de s’y retrouver entre les pronostics des établissements financiers pour 2009 : 105,20 dollars le baril pour la Barclays Bank, 105 pour Goldman Sachs, 55 pour Morgan Stanley, 47,5 pour la Deutsche Bank… Cette dernière est convaincue que le prix plancher (40 dollars) sera atteint au quatrième trimestre 2009, avant une possible remontée à 55 dollars en 2010 et à 80 dollars en 2011, conséquence d’une reprise de la croissance mondiale. « La conjugaison d’une inflation plus élevée et d’un renchérissement du loyer de l’argent pourrait ramener le prix du baril vers les 150 dollars d’ici à cinq ans », pronostique pour sa part Francisco Blanch, analyste chez Merrill Lynch.

Pour l’instant, les pays de l’Opep se débattent pour que le baril ne tombe pas à 30 dollars. Un scénario catastrophe qui n’est plus à exclure. Force est de reconnaître que les producteurs portent une bonne part de responsabilité dans cette situation. Ils traînent auprès des marchés la réputation justifiée de ne pas faire suivre leurs décisions d’effets. Ainsi, la baisse de production de 2 millions de b/j décidée à l’automne n’a en réalité pas dépassé 500 000 b/j. À mots couverts, l’Arabie saoudite a reproché à l’Iran, au Venezuela et au Nigeria de se soustraire à leurs engagements.

Avec un prix du baril encore plus bas, les spécialistes estiment que seule l’Arabie saoudite pourra tenir la promesse d’Oran. Les autres pays, dont les économies sont maintenues sous perfusion par la rente pétrolière, sont incapables de réduire leurs ventes de brut. Leurs budgets 2009 ayant été établis sur la base d’un prix du baril compris entre 55 et 70 dollars, onze des treize pays de l’Opep feront face à un déficit budgétaire si les prix ne remontent pas. Un danger qui guette aussi le Mexique et la Russie. Cette dernière joue d’ailleurs un jeu ambigu en annonçant son intention de réduire sa production de 320 000 b/j si les prix restent faibles, mais sans davantage de précision.

À l’inverse, si l’Opep réussit son pari d’ici à quelques mois, la remontée des prix profitera à tous les pays producteurs, des plus importants (Gabon, RD Congo, Guinée équatoriale, pour ne citer que les africains) aux plus petits (Cameroun, Tchad, Égypte, Soudan, Tunisie). « N’appartenant pas au cartel, ils échappent aux contraintes de production. Si le baril remonte, ils en profiteront davantage puisqu’ils produiront plus, au grand dam de l’Opep », souligne Francis Perrin, rédacteur en chef de Pétrole et gaz arabes. Rendez-vous le 15 mars 2009, à Vienne, pour le prochain sommet. Avec José Maria Botelho de Vasconcelos, le ministre angolais de l’Énergie et des Mines, aux commandes.

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