Toujours plus de contraintes en Algérie

Obligation d’avoir un actionnariat local majoritaire, interdiction du crédit à la consommation, surveillance accrue… Face aux exigences des autorités, rien n’est simple pour les institutions financières, notamment étrangères.

Publié le 14 janvier 2011 Lecture : 4 minutes.

Alors que la spéculation allait bon train avant la sortie du texte officiel, la loi de finance complémentaire 2010 (LFC), adoptée le 25 août, confirme et renforce la volonté des autorités algériennes d’encadrer et de placer sous haute surveillance les investisseurs étrangers. Un protectionnisme économique amorcé par l’État en 2008 et qui rejaillit sur les 14 banques étrangères installées sur le territoire.

Déjà, la LFC 2009 avait imposé l’obligation, pour toute nouvelle société lancée par des investisseurs étrangers, d’avoir un actionnariat local majoritaire (51 % du capital). La mesure a fait couler beaucoup d’encre. Mais le législateur a réaffirmé ce principe pour le seul secteur bancaire dans la LFC 2010. Il est vrai que les textes régulant le marché financier n’avaient pas été mis à jour entre-temps…

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Bien sûr, la disposition n’est pas rétroactive et ne concerne pas les banques déjà implantées sur le sol algérien. Mais elles devront l’appliquer en cas de création d’une nouvelle filiale. Plus inquiétant encore : en cas de modification de l’actionnariat ou de levée de fonds, l’État s’octroie le droit d’imposer aux banques étrangères d’accueillir dans leur capital un investisseur local pour en faire l’actionnaire de référence. De même, les responsables de leurs filiales algériennes doivent désormais avoir le statut de résident en Algérie. Enfin, les banques privées, étrangères ou nationales, doivent obtenir l’autorisation des autorités pour céder des actions à des tiers, et ces cessions doivent impérativement se réaliser sur le sol algérien. Pour veiller à la bonne application de cette mesure, l’État a élargi aux entreprises étrangères son droit de préemption, qu’il ne pouvait jusqu’alors invoquer et mettre en œuvre que pour les sociétés à capitaux nationaux.

Être présent au plus près du capital des banques, avoir un droit de regard sur les opérations de change : telle est la volonté des autorités. Elle traduit une quasi-obsession de la maîtrise des réserves et devises, qui se fonde notamment sur les déboires qu’a connus le gouvernement algérien avec le groupe Orascom. Les autorités reprochent l’attitude de l’investisseur égyptien, qui a revendu au groupe français Lafarge, pour plus de 2 milliards de dollars, fin 2007, deux cimenteries acquises deux ans plus tôt pour moins de 700 millions de dollars à l’occasion d’une privatisation. Une plus-value record qui a irrité jusqu’au président Abdelaziz Bouteflika, à l’initiative de ce tour de vis réglementaire à l’encontre des investisseurs étrangers. La pilule n’est pas passée, à tel point que la cession annoncée de l’activité télécoms d’Orascom (sous la marque Djezzy) était toujours dans l’impasse mi-2010, l’État algérien menaçant d’exercer son droit de préemption.

Un épisode d’autant plus irritant pour les autorités que tout sujet lié à la gestion des réserves de devises touche à la souveraineté du pays. Pour comprendre cette susceptibilité, il faut « remonter aux années 1990, lorsque l’Algérie était en situation de quasi-cessation de paiement de sa dette », explique Mohand Sidi Saïd, l’ex-vice-président de Pfizer, qui avait investi dans la première usine pharmaceutique étrangère en Algérie pendant la décennie noire. « La situation économique difficile, ajoutée aux déficits de la balance commerciale et de la balance des paiements, a plongé le pays dans la crise », ajoute-t-il.

Ce verrouillage de l’économie à l’encontre des investisseurs étrangers se retrouve aussi au plan fiscal. La LFC 2010 a ainsi généralisé à tous les secteurs la taxe sur les superprofits (selon un taux qui varie de 30 % à 80 %), appliquée auparavant uniquement dans l’activité pétrolière. Cette mesure constitue un frein réel au développement du secteur bancaire. Elle pourrait bien dissuader de potentiels investisseurs, et pénaliser par ricochet les établissements locaux en limitant le développement de produits financiers compétitifs.

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QUELS RELAIS DE CROISSANCE ?

La suppression en 2009 du crédit à la consommation a déjà eu des conséquences non négligeables sur l’activité des banques. Filiale du français BNP Paribas, Cetelem, qui s’était imposé avec près de 45 % du marché, devrait être réintégré à sa maison mère avant fin 2010, licenciant au passage quelque 80 % de ses effectifs. Le crédit immobilier constituera-t-il un relais de croissance pour les banques ? Il est trop tôt pour le dire, d’autant que la mise à niveau des compétences dans ce domaine est nécessaire et que l’offre de logements est encore limitée.

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Le marché sera en outre certainement stimulé par l’entrée en vigueur, le 31 mars 2011, du décret imposant le chèque pour tout règlement supérieur à 500 000 dinars (environ 5 000 euros). Un sacré tour de force dans un pays où 80 % à 85 % des transactions se font encore en espèces. Cette mesure devrait très certainement accélérer le phénomène de bancarisation.

Mais les banquiers savent s’adapter. Et, au final, les mesures adoptées par les autorités depuis deux ans ne vont pas toujours contre leurs intérêts. Introduit sans réelle concertation comme moyen de paiement des importations en 2009, le crédit documentaire (Credoc), qui a provoqué un tollé au sein du patronat algérien, a surpris les établissements bancaires qui n’y étaient pas préparés. Quelques mois plus tard, sa généralisation constituait une véritable rente pour les banques, au grand dam des importateurs qui doivent avancer jusqu’à 110 % de leurs achats afin de supporter les risques de change, pour lesquels aucun instrument monétaire n’existe.

« Pour un investisseur étranger, chaque pays a ses contraintes. Quel pays peut encore offrir des perspectives de retour sur investissement de 15 % à 20 %, sachant qu’on ne peut espérer guère plus de 6 % dans les pays occidentaux ? Le marché bancaire algérien est difficile mais pas inquiétant », assure un ancien dirigeant de banque privée. Quelques questions toutefois se posent : l’Algérie peut-elle se développer sans l’apport des investisseurs étrangers, de leurs capitaux, de leurs savoir-faire, de leurs technologies ? L’économie ne risque-t-elle pas d’étouffer avec cette résurgence étatique, source de problèmes durant des années ? La sagesse l’emportera-t-elle ?

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