Togo : pourquoi Tidjani est tombé en disgrâce

 Arrêté le 22 juillet, l’ex-ministre de la Défense du Togo, Assani Tidjani, est accusé d’avoir comploté contre le chef de l’État Faure Gnassingbé avec le demi-frère de ce dernier, Kpatcha, en 2009.  

Tidjani a été l’un des hommes clés de la succession père-fils au Togo. © AFP

Tidjani a été l’un des hommes clés de la succession père-fils au Togo. © AFP

Christophe Boisbouvier

Publié le 17 août 2011 Lecture : 3 minutes.

Mais qu’a donc fait le général Tidjani ? Officiellement, le régime lui reproche d’avoir trempé dans le complot d’avril 2009 imputé au député Kpatcha Gnassingbé, l’un des demi-frères du chef de l’État. Ce 22 juillet 2011, il est arrêté. Le 29, le procureur général près la cour d’appel de Lomé annonce que « la poursuite des investigations a conduit à une nouvelle interpellation », sans même mentionner le nom de celui qui a été, comme ministre de la Défense, l’un des hommes clés de la succession père-fils de 2005. La gêne est manifeste. Surtout, les Togolais se posent tous la même question : « Pourquoi le régime a-t-il attendu plus de deux ans avant de l’arrêter ? »

Simple coïncidence? Comme tous les ans, à la mi-juillet, le président Faure Gnassingbé s’est rendu dans plusieurs localités de la région de Kara, au Nord, pour assister aux « évalas », ces fameuses joutes de lutte traditionnelle qui opposent de jeunes Kabyès (ethnie du chef de l’État). Or, le jour de sa visite dans le village natal de la mère de Kpatcha, les questions ont fusé : « Pourquoi Kpatcha est-il en prison depuis deux ans ? » ; « S’il y a des reproches à lui faire, pourquoi n’est-il pas jugé? »… La tension était palpable.

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Dossier crédible

Et c’est dans la même déclaration que le procureur général a annoncé l’arrestation de Tidjani et l’organisation imminente d’un procès, « le cas échéant dans les prochains jours ». Trente et une personnes ont été inculpées depuis 2009. Vingt et une ont été écrouées. Les autres sont en liberté provisoire. Commentaire d’un familier du régime: « Avec l’arrestation de Tidjani, le pouvoir veut montrer qu’il va au procès avec un dossier crédible. »

Le général à la retraite Assani Tidjani est-il vraiment impliqué dans la « tentative d’atteinte à la sûreté de l’État d’avril 2009 » ? À Lomé, beaucoup en doutent. Certes, Tidjani a longtemps été un proche de Kpatcha. Mais au début de l’année 2009, les deux hommes se sont brouillés pour une affaire de trafic d’armes avec la Côte d’Ivoire. Surtout, les généraux Zoumaro Gnofame, Seyi Mememe et Gnakoudè Béréna – l’actuel commandant militaire de l’Onuci – ont été, eux aussi, très proches de Kpatcha Gnassingbé. Or ils ne sont pas inquiétés. Il est vrai que tous trois appartiennent à des ethnies importantes du nord et du centre du Togo. « Tidjani, lui, est d’origine yorouba. Ses parents viennent du Nigeria. Pour le régime, il est la proie la plus facile à saisir », explique un connaisseur.

Grosse imprudence

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Connu pour son franc-parler, le général Tidjani paie aussi, sans doute, une grosse imprudence. Après l’insurrection du nord de la Côte d’Ivoire, en 2002, il est devenu à la fois l’agent du régime togolais auprès de Guillaume Soro et l’un des principaux conseillers militaires de la rébellion. Bien entendu, il a aussi ses entrées à Ouagadougou. Or, il y a quelques semaines, lors d’une rencontre informelle à Abidjan avec quelques compatriotes dont le général Béréna, Tidjani s’est lâché contre le projet de Faure Gnassingbé de dissoudre le Rassemblement du peuple togolais (RPT) pour créer un nouveau parti. Aussitôt, ses propos ont été rapportés à Lomé. Après la victoire militaire du camp Ouattara-Soro en Côte d’Ivoire, le président togolais redoute-t-il que le général Tidjani ne se sente pousser des ailes ? Probable.

Faure se débarrasse méthodiquement de tous les officiers qui ont participé à la cérémonie d’allégeance du 5 février 2005.

« En fait, depuis son arrivée au pouvoir, Faure se débarrasse méthodiquement de tous les officiers qui ont participé à la cérémonie d’allégeance du 5 février 2005, analyse un proche du régime. Il ne veut plus rien devoir à ceux qui l’entourent. Au contraire, c’est avec des gens qui lui doivent tout, comme son aide de camp, le colonel Bakali, ou le chef des renseignements, le colonel Massina, qu’il veut faire le long chemin. » Reste un obstacle de taille : le procès Kpatcha à venir.

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