Afrique : un ramadan hors de prix ?

En Afrique, mois sacré rime systématiquement avec hausse des prix. Pays par pays, de l’Algérie au Sénégal en passant par le Maroc, la Tunisie, le Mali ou la Côte d’Ivoire, Jeune Afrique fait le point sur les tendances observées en ce début de ramadan 2012, qui risque de battre des records.

Hausse des prix et surconsommation : le ramadan est difficile à boucler pour de nombreux musulmans. © AFP

Hausse des prix et surconsommation : le ramadan est difficile à boucler pour de nombreux musulmans. © AFP

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Publié le 20 juillet 2012 Lecture : 7 minutes.

Comme d’habitude, les prix se sont envolés à la veille du ramadan en Algérie, au grand dam des ménages qui peinent à s’approvisionner sur les marchés. Les fruits et les légumes ont connu une hausse fulgurante à l’approche du mois de jeûne. Le kilo de courgette, légume roi en cette période dans la région d’Alger, est passé de 25 à 90 dinars (0,25 euros à 0,90 euros)  en quelques jours. Tendance haussière également pour les viandes : l’agneau est à 1 300 dinars (13 euros) le kilo, le bœuf à 1 100 dinars (11 euros) et le poulet à 380 dinars (3,8 euros).

D’après l’Union générale des artisans et commerçants algériens (UGCAA), une hausse moyenne de 20% est attendue sur les prix des produits de grande consommation pendant la première semaine du mois sacré, avant de redescendre à un niveau « normal » au cours de la deuxième semaine.

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Pour tenter d’atténuer la flambée des prix, le ministre du Commerce, Mustapha Benbada, a appelés les citoyens à pratiquer une consommation rationnelle pour ne pas contribuer indirectement à une hausse des tarifs. Il a aussi annoncé une augmentation du contrôle des activités commerciales et une intensification de la lutte contre la spéculation sur certains produits alimentaires. 

Traditionnellement, les prix s’envolent à Alger pendant le ramadan.

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Si les autorités algériennes assurent que les fruits, légumes, ou encore céréales seront disponibles en quantité suffisante, les précautions semblent avoir été prises aussi avec les viandes rouge et blanche. Pour atténuer la surchauffe des prix, les pouvoirs publics comptent sur un stock d’environ 10 000 tonnes de poulet congelé. Et quelque 10 000 tonnes de viande rouge ont été importées pour assurer des réserves suffisantes. Enfin, les Algériens les plus démunis pourront bénéficier du traditionnel couffin de ramadan. Cette année, l’État en distribuera 1,2 millions à travers le pays. Huile, tomate en conserve, semoule, farine, riz, ou encore légumes secs, ces « kits de solidarité » contiennent des produits de première necessité qui permettront aux centaines de milliers de familles nécessiteuses de faire quelques économies. Coût de l’opération : 50 milliards de dinars, soit l’équivalent de 50 millions d’euros. Un budget en hausse de 5% comparativement au ramadan 2011. Tarek Hafid, à Alger

  • Maroc : pénurie maîtrisée, pas l’inflation

Cette année, le ministère de l’Agriculture et de la Pêche se veut rassurant. Dans un communiqué officiel publié au début de juillet, il écarte toute pénurie sur le marché national durant le mois de ramadan. Il ne devrait donc pas y avoir de hausse significative des prix. Plusieurs produits phare du ftour, comme la datte, le lait ou les œufs seraient disponibles en quantité suffisante, chacun affichant une disponibilité supérieure au niveau de consommation moyen enregistré pendant le mois sacré. Le royaume disposerait par exemple de 37 000 tonnes de dattes pour une demande se situant entre 27 000 et 30 000 tonnes.

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Autre bonne nouvelle, il ne devrait pas y avoir de manque du côté des fruits et légumes, le ramadan coïncidant avec plusieurs productions de saison. Selon le gouvernement, la tomate, la pomme de terre et l’oignon afficheraient notamment un très bon niveau de disponibilité. Concernant les viandes, la quantité de viandes rouges disponibles (bovines, ovines et caprines) est estimée à 32 000 tonnes. Cette offre serait suffisante pour couvrir les besoins de consommation nationale de ces produits, estimée à 26 500 tonnes. La quantité de poulet de chair et de dinde serait également suffisante.

Malgré ces annonces réconfortantes des pouvoirs publics, la hausse des prix est à nouveau une réalité sur les étals marocains. À quelques jours du début du ramadan, épices, féculents, dattes et beurre sont proposés à des prix jusqu’à 3 fois plus élevés ceux de gros. Par exemple, le kilo de pois chiches, vendu environ 12 dirhams (1,2 euros) au gros, se revend entre 25 et 30 dirhams (entre 2,5 et 3 euros) au détail.

  • Tunisie : hausse des prix sans précédent

Pendant le mois de ramadan, la consommation est multipliée par 1,5 en Tunisie. Les ménages puisent dans leur épargne ou s’endettent pour boucler le mois saint. Cette situation est exacerbée par une hausse sans précédents des denrées alimentaires. Si les prix de la farine, des pâtes, de l’huile et du sucre sont contenus car compensés, ceux des fruits, des légumes et des viandes caracolent en raison des baisses de production, de l’approvisionnement du marché libyen et de l’augmentation des coûts matières premières.

À la veille du ramadan, il fallait compter 2 dinars (1 euro) pour 1 kilo de poivrons, 12 dinars (6 euros) pour du poulet et 3 dinars (1,5 euros) pour du raisin. Préparer un repas revient en moyenne à 20 % de plus qu’en 2011, malgré les ajustements de prix exercés par l’État. Les Tunisiens les plus démunis pourront compter sur la générosité des mieux lotis, sur les soupes populaires ou encore sur les paniers distribués par les partis politiques et les associations.

Comme ses voisins maghrébins, l’État tunisien a fait attention à ses réserves avant le mois de ramadan. Béchir Zaafouri, ministre du Commerce et de l’Artisanat, a annoncé que ses services avaient constitué des stocks suffisants pour les principales denrées alimentaires. Les autorités ont également renforcé les opérations de contrôle pour contrer les circuits de distribution irréguliers et encadrer les prix de vente au détail. Frida Dahmani, à Tunis

  • Égypte : importations massives et subventions

En Égypte aussi, le mois de ramadan s’annonce coûteux. En juin, les prix des denrées comestibles ont connu une baisse de 1,5% par rapport au mois de mai. Mais l’inflation annuelle a atteint 9%, touchant notamment les prix de la viande de bœuf et des volailles, qui connaîtront probablement une nouvelle hausse durant le mois de jeûne. Les prix du riz, du blé et du sucre restent eux relativement stables.

Pour essayer d’enrayer cette prévisible hausse des prix, les autorités ont annoncé en mai l’arrivée de plus de 30 000 tonnes de viandes en provenance du Canada, d’Argentine, d’Inde ou encore du Brésil. Les boulangeries subventionnées par l’État recevront près de 77 000 tonnes de blés pour faire face à la hausse de la demande. Au Caire, le gouvernement devrait également augmenter de 25% la quantité de bombonnes de gaz distribuées. Tony Gamal Gabriel

En moins d’un an, le prix des denrées alimentaires a enregistré une hausse considérable en Côte d’Ivoire. Cette tendance s’observe encore sur les marchés à la veille du ramadan. En 2011, le sac de riz de 50 kilos destiné à la grande consommation coûtait 17 500 F CFA (27 euros), et se négocie aujourd’hui à 18 500 F CFA (28,20 euros). Bien qu’un accord ait été conclu pour le riz, des commerçants abusent le gouvernement en maintenant leurs prix au même niveau.

En Côte d’Ivoire, seul le sucre a fait l’objet d’une baisse de prix.

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Selon les statistiques mensuelles de l’Institut national de la statistique (INS), l’inflation a bondi de 1% en juin. La bouteille d’huile de palme de 0,90 litre qui s’achetait dans la grande distribution entre 700 F CFA (1 euro) est passée à 1 000 F CFA (1,50 euros). Seul le sucre a fait l’objet d’une baisse grâce à un protocole d’accord, signé le 29 juin entre le gouvernement et les professionnels de la filière sucre, qui le respectent. En échange, le gouvernement accorde certaines facilités aux opérateurs économiques pour leur faire supporter les coûts de cette mesure. Par ailleurs, le gouvernement envisage aussi de faire des dons alimentaires aux couches les plus vulnérables pour leur permettre de supporter les dépenses du mois de ramadan. Baudelaire Mieu, à Abidjan 

  • Mali : des exonérations pour faire face

Le mois de ramadan survient en pleine crise politico-militaire au Mali. Le pays, divisé et totalement instable, est menacé par une crise alimentaire. Pourtant, les prix des denrées de première nécessité sont relativement stables : le kilo de farine se négocie par exemple à 900 F CFA (1,40 euros) et le litre d’huile l’huile à 1 000 F CFA (1,50 euros).

De son côté, le gouvernement malien a pris les devants pour rassurer les consommateurs face à une éventuelle hausse des prix. Depuis le 8 mai, 118 opérateurs économiques bénéficient de mesures d’exonération sur des produits de grande consommation comme le riz et le sucre. Le ministre du Commerce Ahmadou Touré a multiplié les visites dans les magasins de stock pour contrôler les cahiers de charges et exhorter ces opérateurs à respecter les prix établis par le gouvernement.

Chez les détaillants, le prix du kilo de sucre a ainsi été fixé à 540 francs CFA (0,8 euros) et celui du kilo de riz à 340 francs CFA (0,5 euros). Mais dans les boutiques, ces prix ne sont pas toujours respectés. Dans certaines échoppes de Bamako, le kilo de sucre atteint déjà par exemple 600 francs CFA (0,9 euros). Baba Ahmed, à Bamako

  • Sénégal : les effets collatéraux de la crise malienne

Au Sénégal, l’État s’est lancé dans une politique de réduction des prix des denrées de première nécessité. Au marché Tilène de Dakar, les prix restaient stables à la veille du ramadan, voire en légère baisse. Le kilo de sucre en poudre est par exemple vendu à 600 F CFA  (0,90 euros), contre 690 au mois de mars, et celui du riz ordinaire à 280 F CFA (0,40 euros), contre 325 en mars.20px;" />

Seule la viande à connu une légère hausse depuis bientôt un mois. De 2 200 F CFA (3,40 euros), le kg de viande est passé à 2 500 F CFA. « C’est une première car jamais le kilo de viande n’a atteint ce prix », reconnaît Mamadou Ba. D’après ce boucher du marché Tilène, cette augmentation s’explique en partie par la crise au Mali voisin. « Le Mali ravitaillait le marché sénégalais en bœuf mais depuis le début de la crise, ce n’est plus possible, confie-t-il. Et les éleveurs sénégalais ne peuvent pas à eux seuls satisfaire le marché ».

Ces derniers jours, l’inquiétude des Sénégalais se focalisait également sur la hausse des prix du pain. La presse a évoqué le risque d’une augmentation du prix de ce produit, en raison de la récente hausse du cours du blé sur le marché mondial. Interpellées par la Fédération nationale des boulangers du Sénégal (FNBS), les pouvoirs publics ont indiqué, par la voix du directeur adjoint du commerce intérieur, Ibrahima Bâ, qu’elles « feraient tout pour que le prix du pain ne connaisse pas de hausse ».

Nicolas Ly, à Dakar

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