Magic System : « Fiers d’être ivoiriens »

Six ans après le célèbre « Premier Gaou », les quatre compères d’Abidjan sont de retour sur la scène internationale avec un album haut en couleur où ils plaident pour la paix et la réconciliation au pays des Éléphants.

Publié le 25 juillet 2005 Lecture : 5 minutes.

Le nouveau Magic System est dans les bacs en France depuis le 14 juin. Six ans après le célèbre Premier Gaou, Tino, Goudé, Manadja et Asalfo sont de retour sur le marché international du disque avec Cessa kiè la vérité. Un troisième album de quatorze titres tout en couleurs qui plaide, entre autres, pour la paix et la réconciliation au pays des Éléphants. Avec Alpha Blondy, invité spécial de cet opus, ils lancent ce message aux Ivoiriens : « Apprenons à vivre ensemble comme des gens intelligents. Sinon, nous mourrons ensemble comme des gaou, des gnata… des idiots. » Face à la crise qui secoue leur pays depuis septembre 2002, ils crient en choeur : « On est allés trop loin ! Et ça, ce n’est pas bien. »

Jeune Afrique/l’intelligent : Sur la pochette de votre album, le nom de votre groupe est inscrit aux couleurs nationales. Pourquoi ?
Magic System : Nous estimons que l’heure est venue pour Magic System de revaloriser l’image de la Côte d’Ivoire. C’est vrai que la guerre qui s’éternise ne facilite pas les choses, mais nous gardons espoir. Par le passé, on n’avait pas besoin de promotion, notre pays était la destination par excellence. Tout le monde rêvait d’Abidjan, d’Assinie et ses plages, de Man et ses ponts de lianes…
Aujourd’hui, il ne fait pas bon être ivoirien, notre pays est devenu zone interdite. Malgré tout, il faut que les gens sachent que nous sommes fiers de nos origines. À la communauté internationale et à nos fans français nous disons : « Si vous aimez Magic System, soyez indulgents. En Côte d’Ivoire, il n’y a pas que la violence montrée à la télé. Il y a aussi la culture, les valeurs morales d’un pays, ses richesses touristiques. »
J.A.I. : L’album ne parle quand même pas que de la Côte d’Ivoire ?
M.S. : Non, pas tout l’album. Sur les quatorze titres, il y en a trois qui parlent de la situation en Côte d’Ivoire. On a d’abord « Bouger Bouger », le premier single. C’est une chanson qui appelle tout le monde à faire la fête, à danser. Mais avec un message fort et poignant à l’adresse des hommes politiques et de tous les Ivoiriens. Il faut qu’ils bougent pour que la situation avance. Ça fait trois ans que la crise dure. Dans la chanson, nous disons que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Si on se bouge un peu, on peut espérer des lendemains meilleurs. Dans « Tikilipo », politique en verlan, en duo avec Alpha Blondy, on demande à tous les Ivoiriens de revenir au pays. On veut que les enfants se retrouvent pour jouer comme par le passé, sans distinction d’ethnie ni de religion et que Dioulas et Bétés puissent se marier comme avant. Enfin, dans « Molo Molo », le message est clair. Évitons la précipitation pour résoudre les problèmes. Sinon, c’est l’effet inverse qui risque de se produire.
J.A.I. : Que comptez-vous faire pour lancer ce message, à part la promotion de l’album lui-même, bien sûr ?
M.S. : On a un projet sur le métier. Il s’agit d’une tournée appelée « Magic Tour » qui nous permettra de sillonner toute la Côte d’Ivoire pour porter un message de paix. D’Abidjan à Korhogo en passant par Bouaké et Man, aucune ville ne sera oubliée. Il y a aujourd’hui des villes où les artistes ne peuvent plus se produire à cause de la guerre. Malgré le risque encouru, on ira jouer pour les populations des zones sous haute tension qui nous ont apporté leur soutien quand tout allait bien. Il n’y a pas de raison de rester dans un camp où il y a du miel et de refuser d’aller dans l’autre où il y a du piment. Même les zones sous contrôle des Forces nouvelles recevront notre visite. C’est notre participation à l’effort de réconciliation, souhaitée par tous. Au sein du groupe, il y a deux membres qui viennent de l’Ouest et deux du Nord. Nous sommes des unificateurs.
J.A.I. : Vos prochaines grandes dates ?
M.S. : Le 27 août, on donne un grand concert au Palais de la culture à Abidjan avec les 113, Leslie, Jocelyne Labylle, Mohamed Lamine…
Le 5 novembre, on sera à l’Élysée Montmartre, à Paris. On attaquera après toute la France avec Marseille, Bordeaux, Toulouse…
J.A.I. : Vous avez bénéficié d’un gros budget pour votre dernier album.
M.S. : C’est exact. Depuis sa conception jusqu’à sa sortie, en passant par la promotion, notre maison de disques a dû débourser environ 1 million d’euros. Ils ont fait le maximum pour que cet album se réalise. On y a mis tout notre talent de notre côté. On a tous pris le travail au sérieux et chacun est satisfait au final.
J.A.I. : Magic System est-il coproducteur de Cessa kiè la vérité ?
M.S. : C’est trop dire. Mais on a essayé de négocier des pourcentages un peu plus importants que pour les albums précédents. Il faut qu’on mange un peu. On a faim en Afrique. (Rires.)
J.A.I. : Quelles sont vos relations avec les autres artistes africains en France ?
M.S. : À chacun de nos concerts, on essaie de tendre la perche aux autres. C’est vrai qu’on a beaucoup de succès en ce moment. Mais, rassurez-vous, nous n’avons pas la grosse tête et gardons les pieds sur terre. Quand on a fait le Zénith, on a fait venir nos compatriotes Fitini et Les Garagistes pour jouer en première partie. Pour notre concert en 2002 à l’Élysée Montmartre, c’est Meiway qui a été choisi pour faire taire les rumeurs qui disaient qu’on s’était un peu brouillés. On l’a invité pour dire à tout le monde qu’on a toujours respecté les aînés.
J.A.I. : Cela fait six ans que l’aventure internationale dure. Quel est votre secret ?
M.S. : On a eu la chance de grandir ensemble. Nous étions des amis avant de faire de la musique. On se connaît donc bien. En plus, on a mis en place une organisation bien huilée avec Asalfo comme leader. Il a l’avantage d’être notre aîné. Il a notre entière confiance pour gérer le groupe comme il l’entend. Il nous rend des comptes quand c’est nécessaire. C’est ce qui nous différencie des autres groupes. Les Magic System n’ont aucun problème de leadership. Par exemple, si un concert nous rapporte 2 millions de F CFA, chacun des quatre membres du groupe empoche 500 000 F CFA. Le partage est donc équitable. L’argent ne réussira jamais à nous diviser.
Il se peut qu’on se tire parfois dessus, mais ce sont des choses qui arrivent à tout le monde. On reste soudés envers et contre tout. Cela fait six ans qu’on connaît le succès, et aucun d’entre nous n’a jamais pensé à une carrière en solo. Le jour où Asalfo, par exemple, quittera Magic System, ce ne sera pas pour chanter seul. Il arrêtera complètement la musique. C’est vous dire !

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