Décès de l’économiste Samir Amin, théoricien de la « déconnexion »

L’économiste Samir Amin est décédé le 12 août 2018 à Paris, à l’âge de 86 ans. Ce théoricien du « développement inégal » n’avait jamais renoncé à ses convictions puisées dans le marxisme.

Samir Amin, lors d’une conférence en 2016. © Flickr/CC/Fraktion Die Linke. im Bundestag

Samir Amin, lors d’une conférence en 2016. © Flickr/CC/Fraktion Die Linke. im Bundestag

Publié le 13 août 2018 Lecture : 2 minutes.

Directeur du Forum du Tiers-monde, l’économiste franco-égyptien Samir Amin est décédé dimanche 12 août à Paris. Il avait 86 ans. « Contrairement à nombre de ses collègues séduits par « l’économie libérale et planétaire », lui n’a jamais renoncé à des convictions puisées dans l’idéologie marxiste », écrivait Jeune Afrique à son sujet en 2005.

L’annonce de sa mort a déclenché une vague de réactions sur les réseaux sociaux, à la fois de la part d’hommes politiques, d’économistes ou d’anciens élèves. Macky Sall, le président sénégalais, a notamment salué celui qui a « consacré toute sa vie au combat pour la dignité de l’Afrique, à la cause des peuples et aux plus démunis ».

Un vrai croyant en une Afrique démocratique et unie », selon Célestin Monga

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Selon Célestin Monga, vice-président et chef économiste de la Banque africaine de développement (BAD), « vous n’aviez pas besoin de partager tous ses points de vue marxistes pour le voir comme l’un des esprits les plus aiguisés de l’économie et un vrai croyant en une Afrique démocratique et unie. Le monde a perdu un géant, un esprit magnifique et une espèce rare de professeur ».

Le projet d’un « autre développement »

Né au Caire en 1931, Samir Amin appartient à la génération des économistes tiers-mondistes qui ont tenu le haut du pavé durant toute la décolonisation. Après avoir obtenu son doctorat en économie, il a travaillé entre 1957 à 1960 pour l’administration de Nasser, avant de conseiller entre 1960 et 1963 le gouvernement du Mali. Il est ensuite devenu professeur aux universités de Poitiers, Dakar et Vincennes.

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Il a dirigé à partir de 1970 l’Institut africain de développement économique et de planification de Dakar (Idep), rattaché à la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique. Il a quitté cette organisation en 1980, pour cofonder le Forum du Tiers-monde, une association regroupant plus d’un millier d’intellectuels d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, dont le bureau africain est à Dakar.

« Alors que la faillite du développement paraît consommée en Afrique, Amin multiplie les analyses et les discussions sur le projet d’un « autre développement » dans un monde polycentrique où les quatre ou cinq « grands » qui ont remplacé les deux superpuissances militaires américaine et soviétique n’ont pas cessé pour autant de marginaliser les victimes des stratégies du capital mondial (ou « mondialisé ») », expliquait Jeune Afrique en 2005.

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« À « l’ajustement » aux tendances dominantes, Amin oppose donc la « déconnexion » qui consiste, pour une nation défavorisée, à soumettre ses rapports avec l’extérieur aux exigences prioritaires de son propre développement. Ce « nationalisme progressiste », qui n’exclut pas la coopération régionale comme instrument de lutte contre les monopoles mondiaux, constitue, selon lui, une étape de la longue transition du capitalisme mondial au socialisme mondial ».

En février 1977, il signait dans Jeune Afrique une tribune consacrée aux chemins de l’unité du monde arabe.

auto;font-family:Tribune de Samir Amin dans Jeune Afrique, en février 1977.Juliette REDIVO

« Il faut amorcer des formes d’organisation qui permettent aux travailleurs et aux peuples de toute la Planète de coordonner leurs stratégies de lutte, de passer de stratégies défensives, laissant l’initiative au pouvoir capitaliste impérialiste dominant, à une stratégie offensive contraignant l’adversaire à, lui, se retrouver sur la défensive et à répondre à nos initiatives, celles des travailleurs et des peuples », écrivait-il sur son blog en décembre 2017.

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