Mondial 2030 : « Le Maroc n’a aucune chance seul, il faut une candidature conjointe du Maghreb »

Vingt-quatre heures après avoir perdu l’organisation du Mondial 2026 face au trio USA-Canada-Mexique, le Maroc a annoncé sa candidature pour la Coupe du monde 2030. Certaines voix s’élèvent déjà pour demander à présenter une candidature conjointe entre les pays du Maghreb. Notamment celle du député tunisien Riadh Jaidane.

Moulay Hafid Elalamy, ministre marocain de l’Industrie. © Pavel Golovkin/AP/Sipa

Moulay Hafid Elalamy, ministre marocain de l’Industrie. © Pavel Golovkin/AP/Sipa

16266028_10211459071174572_7732308306510870922_n CRETOIS Jules

Publié le 14 juin 2018 Lecture : 4 minutes.

Le Mondial 2026, c’était hier. Aujourd’hui, c’est déjà 2030. Le Maroc n’aura pas perdu de temps. Suite à sa cinquième défaite dans sa course à l’organisation de la Coupe du monde de football, le pays a annoncé ce jeudi 14 juin qu’il serait de nouveau candidat… pour 2030.

La décision semble avoir été prise dans la soirée du 13. L’agence de presse marocaine, la MAP, citant un communiqué du Palais royal à Rabat fait en effet d’un appel entre Mohammed VI et l’émir du Qatar, dont le pays a voté « Maroc » pour la candidature 2026 : « Au cours de cet entretien téléphonique, Cheikh Tamim a informé le Souverain du plein soutien du Qatar au Maroc dans le cas où le Royaume présente sa candidature à l’organisation du Mondial 2030… »

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Le Maroc risque d’affronter une redoutable candidature commune Uruguay-Argentine-Paraguay. « On peut gager que la candidature par excellence serait une candidature maghrébine associant d’autres pays de la région », disait déjà à Jeune Afrique, en février dernier Pascal Boniface, spécialiste de géopolitique et notamment de diplomatie sportive. Et dès le 14, Kheïreddine Zetchi, président de la Fédération algérienne de Football (FAF), s’est dit en faveur d’une candidature commune dans la presse algérienne. Alors, « Maghreb United » en 2030 ?

Un député tunisien, Riadh Jaidane, président du mouvement L’appel des Tunisiens à l’étranger, semble y croire et a lancé depuis sa page Facebook un appel aux gouvernements tunisien, marocain, algérien, libyen et mauritanien pour présenter une candidature conjointe pour l’organisation du Mondial.


Jeune Afrique : Maintenant que le Maroc est officiellement candidat, encouragez-vous la Tunisie à se proposer en tant que co-organisatrice ?

Riadh Jaidane : Absolument ! Le Maroc n’a aucune chance seul, il faut absolument une candidature conjointe.

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Pourquoi une candidature conjointe est-elle si importante ?

Dans la géopolitique sportive actuelle, la candidature d’un pays seul n’a pas beaucoup de chance d’aboutir. La candidature triple des États-unis, du Canada et du Mexique a manifestement été un atout. Les autres pays candidats pour 2030 l’ont d’ailleurs bien compris. L’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay présentent ensemble une candidature sud-américaine.

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C’est également l’esprit que défend Gianni Infantino, président de la Fédération international de football association (FIFA). Il avait d’ailleurs été l’instigateur du nouveau concept de l’Euro 2020 qui se jouera partout en Europe, alors qu’il était encore secrétaire générale de l’Union des associations européennes de football (UEFA). De plus, à partir de 2026, la Coupe du monde passera de 32 à 48 pays, les candidatures conjointes deviendront presque inévitables.

Est-ce que cette candidature conjointe vous semble réalisable, compte-tenu des conditions sécuritaires, politiques et économiques des pays de la région ?

J’estime que oui. Sur le plan sportif, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie sont de grandes nations du football. Les trois équipes nationales de ces pays ont toutes déjà remporté la Coupe d’Afrique des nations (CAN). Le Maroc et la Tunisie ont déjà organisé auparavant des compétitions sportives internationales avec réussite.

Nous possédons un savoir faire en la matière. Si la Tunisie connaît aujourd’hui des difficultés financières, elle pourra compter sur l’appui de ses voisins. Et surtout apporter de la plus-value sur d’autres domaines.

Plusieurs cadres tunisiens ont participé à la présentation de la candidature du Qatar pour le mondial 2022 et ont donc déjà de l’expérience dans cette compétition. S’agissant de la Libye, la situation sécuritaire va de mieux en mieux. La Conférence de Paris qui a eu lieu le mois dernier, a débouché sur l’annonce de la tenue d’élections avant la fin de l’année 2018. D’ici 2030, je pense que le pays sera prêt. Mais pour pouvoir présenter une candidature sérieuse, il faut commencer dès maintenant.

Une telle candidature a-t-elle plus de chance d’aboutir qu’une candidature simple du Maroc ?

Je pense qu’il sera très difficile pour la FIFA de refuser une candidature maghrébine, fortement symbolique. La Tunisie est dressée mondialement comme le modèle de transition démocratique. Le Maroc en sera à sa sixième candidature, il a également développé nombre de ses infrastructures dans ce sens. L’Algérie possède des moyens financiers importants. La Libye si la situation sécuritaire s’améliore pourra être une co-organisatrice importante étant donné son poids dans la région. Et même si la Mauritanie n’a pas de grandes traditions en matière de football, elle représentera l’Afrique de l’Ouest et pourrait symboliquement beaucoup apporter à cette candidature.

La géopolitique sportive est aussi de notre côté. En 2014, c’est l’Amérique du Sud qui a accueilli avec le Brésil, en 2018 c’est l’Europe avec la Russie, 2022 ce sera l’Asie avec le Qatar et 2026 ce sera l’Amérique du Nord avec les États-unis, le Canada et le Mexique. 2030, ce sera au tour de l’Afrique, surtout qu’il s’agit d’une date importante, celle du centenaire de cette compétition.

Qu’apporterait cette candidature aux pays de la région ?

Au-delà des répercussions économiques positives, cette candidature aura également des incidences politiques. Le Maghreb arabe est une union qui a du mal à exister sur l’échiquier politique internationale. Une telle candidature lancerait une dynamique jusque-là inédite. Surtout, cette candidature aboutira à une décision historique : celle de l’ouverture des frontières entre l’Algérie et le Maroc.

Le vote de l’Algérie en faveur de la candidature du Maroc pour le Mondial 2026 n’est pas à prendre à la légère. Ce vote est bien la preuve que le sport peut-être un moyen – voir le seul moyen – de réconciliation. Si cette candidature est portée par les politiques et que les sociétés nord-africaines adhèrent à cette candidature cela va permettre de réaliser un rêve que nous partageons depuis plusieurs générations, celui de voir un Maghreb uni.

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