The Nation : des maisons écologiques contre la crise du logement au Nigeria

Le Nigeria fait face à un déficit massif de logement d’environ 17 millions d’unités. En outre une partie importante de la population n’a toujours pas accès à l’électricité et à l’assainissement. Chinwe Ohajuruka, a lancé Compréhensive Design Services pour résoudre ce problème.

L’éco-village de Port Harcourt au Nigeria. © CDS

L’éco-village de Port Harcourt au Nigeria. © CDS

Publié le 16 juin 2018 Lecture : 4 minutes.

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Une vague d’urbanisation rapide a forcé des millions de Nigérians à habiter dans des bidonvilles et des squats, alors que la population du pays s’accroît plus vite que sa capacité de construire de nouveaux logements. Aujourd’hui, plus de 80% des Nigérians vivent dans des conditions insalubres et beaucoup d’entre eux n’ont pas d’électricité.

Transformer les défis de l’industrie du bâtiment en opportunités de développement

Mais pour certains d’entre eux, la situation pourrait s’améliorer grâce à l’entreprise Comprehensive Design Services (CDS), qui vise à proposer des logements à ceux qui n’en auraient autrement pas accès. L’entreprise cherche à améliorer les conditions de vie de la population locale en construisant des maisons abordables, avec des sources d’énergie renouvelable fiables, de l’eau propre et des installations pour favoriser le recyclage.

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CDS a été fondé par l’architecte et l’entrepreneure sociale Chinwe Ohajuruka, lauréate pour l’Afrique subsaharienne du Prix Cartier Women’s Initiative en 2015.  « Comprehensive Design Services cherche à transformer les défis de l’industrie du bâtiment nigériane en opportunités de développement », explique-t-elle.

Prototype 1 de l'Eco-Village © CDS

Prototype 1 de l'Eco-Village © CDS

En 2012, CDS était l’un des 17 vainqueurs (sur 495 candidatures) de l’African Diaspora Marketplace (ADM II) Business Plan, un concours s’adressant aux entrepreneurs, basé aux États-Unis. Entre 2013 et 2015, elle a construit 12 unités d’habitation écologiques et abordables, réparties dans deux quartiers de Port Harcourt. Quatre d’entre elles appartiennent au gouvernement nigérian. « La vie des huit familles [38 personnes] qui y vivent s’est améliorée ; désormais, elles habitent dans des logements décents où ils ont accès à de l’eau propre, de meilleures conditions d’hygiène et des sources d’énergie renouvelable. Elles vivent dignement et c’est ça le plus important », souligne Ohajuruka.

L’entreprise travaille actuellement à la construction d’un nouveau lotissement résidentiel, comprenant près de 40 logements dont des studios et des maisons avec une ou deux chambres. L’année dernière, le ministre du Logement nigérian, Babatunde Fashola, a souligné que de nombreux facteurs limitent l’accès à la propriété dans le pays. Parmi eux, le prix élevé des terrains à bâtir, le manque de financements, les taux d’intérêt exorbitants, les coûts importants des matériaux et de la construction ainsi que les délais d’attente pour l’obtention des titres fonciers.

Nous essayons d’améliorer les conditions de vie des Nigérians

Selon Ohajuruka, peu de promoteurs immobiliers souhaitent investir dans des logements abordables, à cause des marges bénéficiaires serrées. « Nous avons remarqué qu’il y avait un besoin spécifique et avons trouvé un moyen de construire des logements de bonne qualité rapidement, à moindre coût et dans le respect de l’environnement », assure-t-elle.

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« Nous essayons de montrer l’exemple et d’améliorer les conditions de vie des Nigérians, avec des logements simples et durables. Nous nous attaquons à des problèmes structuraux très complexes et proposons des solutions simples. Il faut avancer une maison à la fois », ajoute Ohajuruka. « C’est pourquoi nous dessinons, concevons et construisons des habitations compactes, auto-réfrigérantes, avec l’eau courante et qui fonctionnent à l’énergie solaire. C’est une façon naturelle et novatrice de lutter contre le réchauffement climatique. »

Chinwe Ohajuruka à l'Eco-Village © CDS

Chinwe Ohajuruka à l'Eco-Village © CDS

L’architecture traditionnelle, le secret d’Ohajuruka

Pour ce faire, l’entrepreneure s’est lancée dans l’architecture bioclimatique. « Cela consiste à concevoir des logements adaptés au climat en revenant aux principes de construction anciens tels que rester à l’écart du soleil, de la pluie et des insectes, maximiser la ventilation et la lumière naturelles, surélever l’habitation pour être à l’abri des inondations et, si possible, récupérer l’eau de pluie », détaille-t-elle. L’eau, elle, provient de nappes phréatiques, grâce à une pompe alimentée par de l’énergie solaire.

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« On a le meilleur climat au monde, mais nos bâtiments sont devenus surchauffés, renfermés et sombres, nous forçant à utiliser des ventilateurs et des climatiseurs », précise Ohajuruka. « Il faut que nous construisions des édifices adaptés au climat et non le contraire. »

Elle souligne que CDS n’a pas inventé la technique bioclimatique, mais s’est basé sur l’architecture traditionnelle au Nigéria, qui était mieux adaptée au climat que les bâtiments de nos jours. « Nous avons simplement adapté et modernisé certains principes clé de l’architecture traditionnelle. Nous ne sommes pas les seuls à le faire au Nigéria. Beaucoup d’architectes soucieux de l’environnement font de même, parfois mieux que nous”, note-t- elle.

Les bâtiment sont abordables et écologiques

Financé au début par l’USAID et la Fondation Western Union, CDS cherche désormais à lever des fonds dans le secteur privé. Ohajuruka explique que les bâtiments de CDS coûtent 25 à 50% de moins à construire que d’autres habitations similaires, et consomment 50 à 75% moins d’énergie. « C’est pour ça que nous disons qu’ils sont abordables et écologiques. Leur prix varie en fonction de la quantité disponible sur le marché : plus nous construisons, plus nos logements sont abordables grâce aux économies d’échelle réalisées », ajoute Ohajuruka.

Le défi de CDS

Malgré tout, elle affirme qu’il faut faire encore un effort colossal pour résoudre la crise du logement qui ravage le Nigéria. « Je suis convaincue qu’il nous reste encore beaucoup à faire si l’on veut combler le déficit de 17 millions de logements dans le pays. Il faut penser au développement durable à grande échelle », note-t-elle.

« Notre plus grand défi à ce jour repose sur le fait qu’on n’a fait que gratter la partie visible de l’iceberg. Élargir notre champ d’action n’a pas été facile. Mais, il est souvent dit qu’il faut chercher à résoudre un problème pour mieux le comprendre. Aujourd’hui, on a compris pourquoi offrir des logements abordables est un problème d’envergure mondiale. Grâce à Dieu, nous sommes sur le bon chemin, et il est hors de question de revenir en arrière, peu importe les défis que nous devrons relever », affirme l’entrepreneure.

Sur le long terme, Chinwe Ohajuruka espère reproduire cette initiative à travers l’Afrique subsaharienne. Elle reste optimiste : “Nous y allons doucement, mais sûrement”.

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