Côte d’Ivoire : petits arrangements et mauvais signaux

La mouvance présidentielle du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, coalition de six partis politiques) devient coutumière de violations de textes qu’elle a pourtant elle-même inspirés ou adoptés. Une tendance préoccupante, alors que l’incivisme gagne du terrain et que les autorités affirment vouloir la combattre.

Plus de 10 000 personnes étaient rassemblées au congrès du RDR à Abidjan en septembre 2017. © Anna Sylvestre-Treiner / Jeune Afrique

Plus de 10 000 personnes étaient rassemblées au congrès du RDR à Abidjan en septembre 2017. © Anna Sylvestre-Treiner / Jeune Afrique

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  • André Silver Konan

    Journaliste et éditorialiste ivoirien, collaborateur de Jeune Afrique depuis Abidjan.

Publié le 20 avril 2018 Lecture : 2 minutes.

Tribune. L’acte fondateur du futur parti unifié dénommé « accord politique », signé par six dirigeants de la mouvance présidentielle (Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié, Albert Toikeusse Mabri, Soro Brahima, Joseph Séka Séka et Siaka Ouattara), contient une anomalie juridique de taille : il n’est pas daté.

Dévoilé le 16 avril 2018 et confirmé le même jour par une déclaration, datée celle-là, de Bédié, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et président du présidium du RHDP, cet acte a été signé par le président Ouattara pour le compte du Rassemblement des républicains (RDR), parti dont la présidente est pourtant Henriette Dagri Diabaté.

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Une autre anomalie, d’autant que le titre de président honoraire du parti, dont jouit Alassane Ouattara depuis le dernier congrès du RDR, ne lui donne pas le droit de prendre des engagements qui impacteraient durablement la survie du parti.

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Anomalies dans les nominations

De fait, ces petits arrangements avec les textes opérés par des dirigeants commencent à devenir gênants. Un exemple récent est la nomination du médiateur de la République.

Alors que la nouvelle Constitution, votée en 2016, impose en son article 166 que la nomination intervienne « après avis du président de l’Assemblée nationale et du président du Sénat », le chef de l’État a attendu la veille de l’élection du président du Sénat pour y procéder. Adama Toungara, député et maire d’Abobo (Abidjan) a donc été nommé de facto, sans recours à l’avis du président du Sénat – pas encore en place.

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De même, alors que les textes fixent à 99 le nombre de sénateurs, dont un tiers nommés par le président, c’est un Sénat incomplet, comprenant les 66 sénateurs élus (au terme d’un scrutin boycotté par l’opposition) qui a procédé à l’élection de Jeannot Ahoussou-Kouadio à la présidence du Sénat.

Autre « petit arrangement », celui qui a prévalu lors de la nomination de Robert Beugré Mambé au poste de gouverneur de district d’Abidjan, chargé des Jeux de la Francophonie. Au mépris des textes régissant les districts adoptés par le gouvernement deux ans plus tôt, le poste a été attribué à titre « temporaire » – avec, en outre, le rang de ministre auprès du président de la République -, sans que ce dernier ait démissionné au préalable.

Quel genre de signal l’élite envoie-t-elle ainsi au petit peuple ?

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Que le gouvernement ivoirien choisisse d’ignorer un arrêt de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) lui enjoignant de réformer la Commission électorale indépendante (CEI) – jugée inféodée à la mouvance présidentielle et dont le président, Youssouf Bakayoko, poursuit un mandat forclos depuis plus de deux ans – relève sans doute d’un choix politique.

Cependant on est tenté de se poser la question : à quel choix obéissent des décisions consistant à ne pas respecter les règles qu’on a soi-même fixées ? Dans un pays où les autorités décrient l’incivisme d’une certaine catégorie de personnes, quel genre de signal l’élite envoie-t-elle ainsi au petit peuple ?

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