Guinée : 34 ans après sa mort, Sékou Touré alimente toujours le débat sur les réseaux sociaux

Le 26 mars 1984 s’éteignait Ahmed Sékou Touré, le premier président de la Guinée indépendante, après un règne d’un quart de siècle. Trente-quatre plus tard, son bilan suscite toujours la controverse parmi les Guinéens. Si certains se souviennent avant tout de son « Non à De Gaulle », d’autres rappellent les nombreuses exactions de l’ancien chef de l’État.

Sékou Touré (archives). © Archives Jeune Afrique-REA

Sékou Touré (archives). © Archives Jeune Afrique-REA

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Publié le 28 mars 2018 Lecture : 4 minutes.

Sékou Touré : le héros et le tyran. C’est ainsi que l’historien guinéen Ibrahima Baba Kaké avait intitulé l’ouvrage (paru en 1984 aux éditions Jeune Afrique) qu’il a consacré au premier président guinéen, Sékou Touré. Une formule qui résume bien la dualité du personnage : d’un côté, le panafricaniste, père de l’indépendance, qui a opposé un « Non » catégorique – et historique – à la proposition du général De Gaulle d’entrer dans la Communauté française ; de l’autre, le dictateur qui a régné de 1958 à 1984, 26 années au cours desquelles, selon Amnesty International, 50 000 Guinéens auraient été exécutés, souvent après avoir été torturés au sinistre Camp Boiro.

Trente-quatre ans après sa disparition, le 26 mars 1984 aux États-Unis, où Sékou Touré avait été hospitalisé à la suite d’un malaise cardiaque, le temps n’a pas permis de concilier les positions de ses compatriotes. Et la controverse trouve aujourd’hui un nouvel écho sur les réseaux sociaux.

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• Les « pro-Sékou »

Siaka Barry, ancien ministre guinéen de la Culture, compte parmi les partisans de l’ex-président guinéen. Panafricaniste revendiqué, il était absent du pays pour cette date anniversaire de la mort de Sékou Touré. Mais sur Facebook, il a réitéré son admiration envers « l’Éléphant » – « Sily », en soussou –, l’animal fétiche du « responsable suprême de la Révolution guinéenne ».

Autre ancien ministre à saluer la mémoire de Sékou Touré, Lansana Kouyaté, ancien Premier ministre. « Depuis 34 ans, Ahmed Sekou Touré nous a quittés. Nous nous rappelons ce jour de surprise et de consternation aussi bien en Guinée qu’à l’extérieur de la Guinée », écrit-il sur Twitter, avant de se faire l’écho de la dualité de l’image laissée par l’ancien président guinéen : « Quel homme de son envergure n’a pas suscité de sentiments contrastés s’inscrivant dans l’histoire de tout pays où s’est joué à la fois honneur, dignité, courage dont l’aboutissement a été la liberté ? »

« Il y a 34 ans que le héros, le père de l’indépendance, le libérateur des pays Africains, le panafricain convaincu s’en allait pour toujours », regrette sur sa page Facebook Arfamoussaya Macka Diaby, un internaute guinéen.

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Et Aboubacar Karakany Koulibaly de renchérir de son côté : « Tout le monde vit, pourtant l’Histoire ne parle que de ceux qui triment dur. Quelqu’un l’a abrégé en disant : « Tous les hommes font l’Histoire, mais l’Histoire ne retient que les grands hommes. « Cette date du 26 mars marque une désolation non seulement pour la Guinée mais aussi pour toute l’Afrique. […] Dors en paix Baobab, la Guinée, l’Afrique et le monde entier te pleurent à jamais ».

• Les « anti-Sékou »

Les adversaires de Sékou Touré ont également célébré à leur manière l’anniversaire de sa disparition. Abdoul Bah, un Guinéen de la diaspora, n’a pas tardé à répondre à l’ancien ministre Siaka Barry. Selon lui, les Guinéens devraient plutôt organiser des journées de pardon que de célébrer leur premier président.

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L’actualité sur l’anniversaire de la mort de Sékou Touré n’a pas laissé le chef de file de l’opposition guinéenne indifférent. Si Cellou Dalein Diallo lui reconnaît le mérite d’avoir été le père de l’indépendance nationale, il regrette néanmoins les purges et les exécutions : « Pour moi, la restriction des droits humains, le Camp Boiro, les pendaisons publiques, les arrestations massives, les tortures à l’électricité… tout cela reste quand-même un fait aussi inoubliable dans notre pays », a déclaré le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) au site Guinée 7.

Mamadou Diallo, un internaute guinéen, perçoit quant à lui la mort de Sékou Touré comme une délivrance. « Le 26 mars 1984, la Guinée sortait de la pire dictature qu’elle ait connue, celle de « Sékou Tyran ». Pour rappel, ce boucher a détruit l’élite guinéenne, sapé durablement la nation et désorganisé méthodiquement le pays, le résumant d’abord à son parti, puis à sa personne », écrit-il, avant de formuler un vœu : « Je souhaite sincèrement que ce pays sorte de la malédiction dans laquelle ce soit-disant père de la nation nous a plongé : la liberté dans la pauvreté et la souffrance. »

Analyse plus nuancée pour Diérétou Diallo, sur Twitter, qui pense simplement que « ce n’est pas sain d’idéaliser quelqu’un comme Sékou Touré et de l’afficher sans complexe, ni pour soi, ni pour une grande partie de Guinéens qui ont été affectés par le camp Boiro ».

• Au-delà de la Guinée

Au-delà des frontières guinéennes, certains ne cachent pas leur admiration pour l’ancien président. On les trouve notamment parmi les adversaires du Franc  CFA.

Ti’ngué Fouê, un internaute ivoirien militant d’Urgence Panafaricaniste, l’organisation dirigée par Kémi Seba, cite pour sa part une phrase de l’ancien président guinéen : «  »Nous disons non de manière catégorique à tout aménagement du régime colonial et à tout esprit paternaliste. Il n’y a pas dignité sans liberté, nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage. 26 mars 1984 – 26 mars 2018 : 34 années déjà que tu nous a quitté en nous léguant la force de rester digne quoi qu’il advienne ! », écrit-il sur Facebook.

• Le bad buzz d’Elie Kamao

Le reggaeman guinéen Elie Kamano a voulu saluer à sa manière la mémoire de Sékou Touré. « J’ai eu le privilège, quand j’étais tout petit, de parler au téléphone quelquefois avec le président Ahmed Sekou Touré lorsqu’il téléphonait a mon père, qui fut durant 22 ans son pilote d’hélicoptère », a-t-il écrit sur sa page Facebook.

Sauf que l’auteur de ces lignes est officiellement né en 1984, année de la disparition du responsable suprême de la Révolution guinéenne. Ce que n’ont pas manqué de souligner, pour s’en moquer, de nombreux internautes. Sur Twitter comme sur Facebook, le hashtag #parlercommeElie connaît un vif succès, accompagnant les histoires les plus drôles et, surtout, imaginaires.

C’est le cas de cet internaute qui dit se souvenir d’un képi offert par le général de Gaulle quand il avait trois ans.

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