L’accueil des migrants africains est-il uniquement l’affaire de l’Europe ?

Nous avons tous vu ou reçu de belles photos de Paris sous la neige ces derniers jours, mais au-delà de ces photos évocatrices de cartes postales, l’hiver est-il vécu de la même manière, que l’on soit à la rue ou à l’abri, dans le confort d’une demeure ?

Des installations de fortune de réfugiés à Paris, le 21 décembre 2017. © Thibault Camus/AP/SIPA

Des installations de fortune de réfugiés à Paris, le 21 décembre 2017. © Thibault Camus/AP/SIPA

AichaYatabary
  • Aïcha Yatabary

    Dr Aïcha Yatabary est médecin, spécialiste en santé publique, aide humanitaire et coopération internationale, écrivain et présidente du mouvement Femmes santé solidarité internationale.

Publié le 12 février 2018 Lecture : 3 minutes.

[TRIBUNE] Les associations ne cessent de tirer la sonnette d’alarme quant à la prise en charge des migrants et des réfugiés et à leurs conditions d’accueil qui demeurent précaires, malgré l’engagement constant des différents acteurs de la société civile qui sont affectés à la résolution de cette problématique. Actuellement, les centres d’accueil sont saturés, certaines forces de l’ordre s’adonnent à des pratiques de gazage régulier des migrants au cours de leur sommeil, à leur reconduite vers la frontière italienne dans des zones où ils risquent leur vie à cause des milieux naturels arides, elles lacèrent leurs tentes et ils sont parfois privés de leurs couvertures (dans le cadre du démantèlement des campements).

Face à ces difficultés, les autorités pointées du doigt font référence à l’insuffisance de ressources. Ce sont les moyens qui font défaut. Cela nous renvoie à une question essentielle : la prise en charge des migrants, relève-t-elle uniquement de la responsabilité des pays qui les accueillent, ou relève-t-elle également de la responsabilité des États africains ?

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L’un des éléments clés des Objectifs de Développement Durable, les ODD, est la participation de tous les États, de tous les citoyens, riches ou pauvres, en fonction de leur niveau de richesse, à l’atteinte des objectifs de l’agenda 2030 : c’est la responsabilité commune mais différenciée. Cela signifie que depuis l’entrée en vigueur de l’agenda 2030, les pays du Sud mettent désormais la main à la pâte, en fonction de leurs capacités, pour résoudre les défis qui se posent à eux et au reste du monde, en termes d’environnement et de développement durable, au lieu de tendre la main inlassablement aux pays riches.

La problématique de la prise en charge des migrants africains en Europe, ceux qui dorment actuellement sous des tentes, à même le sol, en plein hiver, n’est-elle pas une occasion de mettre en œuvre ce principe de responsabilité commune mais différenciée défini par les ODD ? Les pays africains doivent aider les associations et les États qui s’occupent de ces migrants, à vivre dans des conditions plus décentes, afin que leur dignité ne soit pas atteinte au-delà de ce que nous observons en ce moment. Il en est de même pour les migrants qui sont détenus dans les « camps de concentration » en Libye.

Chez nous en Afrique, quand on envoie son enfant effectuer un séjour chez un hôte, même en étant pauvre, on lui remet un régime de bananes plantain et une poule pour aider son futur tuteur à le nourrir

Cette prise en charge commune par les pays qui accueillent les migrants et les pays de leur provenance, doit se faire en tenant compte du niveau économique de chaque État. C’est une question de responsabilité, concernant les États africains et le reste du monde. Mais la responsabilité est plus évidente à propos des États africains.

Cette notion de responsabilité commune, même si elle ne devait entraîner qu’une participation ponctuelle de l’Afrique, permettra dans ce cas précis, d’offrir des conditions d’accueil plus dignes aux migrants, le temps que passe la période de l’hiver.

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Chez nous en Afrique, quand on envoie son enfant effectuer un séjour chez un hôte, même en étant pauvre, on lui remet un régime de bananes plantain et une poule pour aider son futur tuteur à le nourrir.

Il serait bon que nous mettions en vigueur, concernant nos migrants, ce principe inhérent à nos valeurs traditionnelles, basées sur l’honneur et l’équité. Il serait bon de nous inspirer à nouveau de ces valeurs, qui demeurent universelles, car le respect et la dignité que nous réclamons pour le peuple noir, les peuples du sud en général, se méritent.

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Ainsi, la résolution de la question de la prise en charge des migrants doit se faire aussi bien en amont qu’en aval. Parce qu’il est inconcevable de laisser ces enfants, femmes et hommes sous ces tentes, à même le sol, livrés à leur triste sort.

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