Côte d’Ivoire : quand l’impunité tue sur les routes

Les chiffres officiels font froid dans le dos : 1 458 accidents de la circulation, en deux semaines, en janvier 2018, 81 décès, 2 888 blessés. En Côte d’Ivoire, les années passent et se ressemblent en termes de comptabilité macabre sur les routes.

32 personnes sont mortes le 5 août 2011 dans un accident de bus à Abidjan, en Côte d’Ivoire. © DING HAITAO/SIPA

32 personnes sont mortes le 5 août 2011 dans un accident de bus à Abidjan, en Côte d’Ivoire. © DING HAITAO/SIPA

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  • André Silver Konan

    Journaliste et éditorialiste ivoirien, collaborateur de Jeune Afrique depuis Abidjan.

Publié le 23 janvier 2018 Lecture : 3 minutes.

À en croire Youssouf Kouyaté, le directeur général de la Police, les causes des accidents sont, entre autres : le très jeune âge des chauffards (15 à 20 ans), la conduite sous l’effet de psychotropes ou en état d’ébriété, le non-respect voire la méconnaissance du code de la route, la délivrance de permis de conduire dans des conditions obscures, la corruption sur les routes, le mauvais état des routes et du matériel roulant, etc.

En réalité, toutes ces causes citées plus haut sont des conséquences. La vraie cause est l’impunité. Tout simplement. Une impunité dont l’une des manifestations les plus révoltantes reste les petits arrangements avec les textes et les procédures.

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En effet, autant les autorités sont promptes à dresser des tableaux macabres des accidents de la route, autant il n’y a personne pour dresser un tableau récapitulatif des poursuites pénales contre des personnes ayant été impliquées dans des accidents, surtout mortels.

Police, justice, individus : à qui la faute ?

Combien de jeunes adolescents n’ayant pas le droit de conduire un véhicule ont été arrêtés par la police, jugés et condamnés ? À combien de personnes la police a déjà fait passer un éthylotest ? Et si tant est que la police conclue que des personnes conduisent en état d’ébriété, combien ont déjà été arrêtées, inculpées et condamnées par la justice ? Pour l’heure, les journaux qui traitent de faits divers ne rendent pas compte de ces jugements…

La faute aux autorités policières qui ne poursuivent pas l’enquête jusqu’au bout ?

Combien de personnes font l’objet d’une instruction après un accident de la route, ayant occasionné la mort d’hommes ? La faute à qui ?

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Au chauffard qui passe un coup de fil à un oncle haut placé dans l’administration, pour que le policier en face de lui, lui rende son permis de conduire, sans autre forme de procès ? Aux autorités policières qui ne poursuivent pas l’enquête jusqu’au bout ? Ou alors à la justice, qui passe tout cela par pertes et profits ?

Faux permis de conduire

Que dire des permis de conduire qui seraient délivrés dans « des conditions obscures » ? À qui la faute ? Au ministre qui signe un document à la vue de dossiers techniques légalement constitués ou à la police qui, ayant mis aux arrêts un chauffard ne prend pas le soin de mener une enquête sur les conditions d’obtention de son permis de conduire ?

Si un conducteur n’est pas capable d’identifier clairement son auto-école, cela signifierait qu’il l’a obtenu dans « des conditions obscures »

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Pourquoi est-il si compliqué en Côte d’Ivoire de remonter la filière des faux permis de conduire (s’il en existe, comme le laisse entendre le directeur de la police), alors que l’enquête paraît si simple ? Il suffit que la police qui interpelle un individu pris en flagrant délit de grave infraction au code de la route, mène une enquête préliminaire sur l’endroit où celui-ci a obtenu son permis de conduire.

Si un conducteur n’est pas capable d’identifier clairement l’auto-école (en novembre 2017, le ministère des Transports a suspendu 18 auto-écoles pour irrégularités) dans laquelle il a suivi ses cours, cela signifierait qu’il l’a obtenu dans « des conditions obscures ».

La vie des Ivoiriens sur les routes se trouve entre les mains de leur police et de leur justice

La police aurait ainsi le droit de le mettre aux arrêts et le parquet pourrait remonter la filière de ses complices, y compris les fonctionnaires qui auraient introduit des dossiers irréguliers, dans le circuit officiel. Ce même mode opératoire doit être observé pour les visites techniques et les assurances de véhicules.

Il n’y a pas de remède miracle, pour réduire l’inconscience sur les routes, si ce n’est qu’un retour à l’orthodoxie. En définitive, la vie des Ivoiriens sur les routes se trouve entre les mains de leur police et de leur justice. Aucune autre structure régalienne n’est mieux placée qu’elles pour mettre un terme à l’impunité qui tue sur les routes. Aucune !

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