Maroc : Mohammed VI, un super-ambassadeur en Tunisie

En visite officielle à Tunis du 30 mai au 1er juin, le souverain chérifien Mohammed VI a fait la promotion du modèle marocain. Et capté l’attention de ses hôtes.

Le Premier ministre tunisien, Mehdi Jomaa (à g.) et Mohammed VI. © FETHI BELAID / AFP

Le Premier ministre tunisien, Mehdi Jomaa (à g.) et Mohammed VI. © FETHI BELAID / AFP

Publié le 16 juin 2014 Lecture : 3 minutes.

La première visite officielle de Mohammed VI à Tunis depuis la révolution, du 30 mai au 1er juin, a été rondement menée, à l’instar de ses derniers voyages à Bamako et à Abidjan. Le souverain chérifien a fait la promotion d’un modèle marocain édifié à coups de réformes multisectorielles et a appelé à l’instauration d’un nouvel ordre maghrébin, lequel nécessite une réelle intégration.

À cet égard, la diplomatie économique a pris les devants avec la tenue d’un forum de chefs d’entreprise où la vieille rivalité sur des secteurs tels que le tourisme ou le textile semble avoir volé en éclats. "Nous avons des problématiques similaires. Nous ne devons plus nous considérer comme concurrents mais comme partenaires", assure un patron tunisien, tandis que Hichem Elloumi, vice-président de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), qui "rêve de voir disparaître les frontières" et dont le groupe, Chakira, est présent au Maroc, souligne "les opportunités d’investissements et, surtout, la complémentarité en matière de croissance et d’emploi".

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>> À lire aussi l’interview de Hichem Elloumi : "je rêve de voir disparaître les frontières au Maghreb"

Wided Bouchamaoui, présidente de la centrale patronale, a pour sa part plaidé pour le renforcement des échanges et souligné un déséquilibre : seules 30 entreprises marocaines opèrent en Tunisie, pour 100 sociétés tunisiennes implantées au Maroc.

Le Maghreb économique place les hommes politiques face à leurs responsabilités, notamment en matière d’amélioration de l’environnement des affaires et de facilitation de l’investissement du secteur privé, mais la phase transitoire que traverse la Tunisie ne laisse que peu de marge de manoeuvre au gouvernement. Kamel Bennaceur, ministre tunisien de l’Industrie, de l’Énergie et des Mines, estime qu’il est possible de porter à 10 % le volume des échanges globaux entre les deux pays, contre 1 % actuellement.

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Soutien du Maroc et de l’Algérie

Avec ses partenaires internationaux, Tunis joue surtout la carte économique pour résoudre sa crise interne, mais avec Rabat l’enjeu est aussi la construction maghrébine, laquelle est surtout politique. La vision du Maghreb proposée par le souverain chérifien supplante les tentatives de relance de l’Union du Maghreb arabe (UMA) amorcées par le président provisoire tunisien, Moncef Marzouki.

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"Le Maroc est le seul à pouvoir le faire à condition que le contentieux sur le Sahara avec l’Algérie soit levé. Sans cette dernière, il n’y a pas de Maghreb", explique Karim Abdelmalek, du parti Al-Massar, tandis que Béji Caïd Essebsi, ancien Premier ministre et fondateur de la formation Nida Tounes, assure que "c’est une bonne chose que le Maroc et l’Algérie soutiennent la Tunisie dans un moment difficile ; cet appui nous conforte".

Les dirigeants d’Ennahdha se sont abstenus de tout commentaire en raison des liens privilégiés de Mohammed VI avec l’Arabie saoudite.

Les dirigeants d’Ennahdha se sont abstenus de tout commentaire en raison des liens privilégiés de Mohammed VI avec l’Arabie saoudite – hostile aux Frères musulmans – et de sa mise en avant du rite malékite comme terreau cultuel et culturel commun. Clairement, les politiques tunisiens ne veulent pas choisir entre l’un où l’autre des frères maghrébins, mais souhaitent, comme Mustapha Ben Jaafar, président de la Constituante, "s’inspirer de l’expérience marocaine en matière de justice transitionnelle et de gestion des affaires religieuses".

"Notre seule pomme de discorde est le football"

Seule voix discordante, celle du Front populaire, dont le porte-parole, Hamma Hammami, s’est élevé contre les pressions exercées, selon lui, sur les journalistes et les artistes au Maroc. "Nous avons la même chose en Tunisie, mais le Maroc protège dans sa Constitution ses minorités et reconnaît ses racines arabo-andalouses, ainsi qu’hébraïques, ce qui n’est pas le cas chez nous", répondent des militants de la société civile, qui ont apprécié les signes forts lancés par le roi.

"Il s’est promené dans Tunis, alors que ni nos ministres ni nos leaders politiques n’osent le faire. Il n’a pas oublié les liens historiques entre les dirigeants du mouvement national marocain, dont son grand-père, Mohammed V, et Farhat Hached, fondateur du syndicalisme tunisien. Au fond, notre seule pomme de discorde est le football", conclut avec humour Wejdi Gharbi, étudiant tunisien à Casablanca.

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