Égypte : le gotha africain affiche ses ambitions au forum de Charm el-Cheikh

Kagamé, Ouattara, Condé… Plusieurs chefs d’État africains ont assisté à ce forum destiné à favoriser l’investissement dans le continent. Réussites, couacs et… quelques indiscrétions.

Le président rwandais, Paul Kagame, lors du Africa Forum 2017 à Charm el-Cheikh, le vendredi 8 décembre 2017. © DR / Africa Forum 2017

Le président rwandais, Paul Kagame, lors du Africa Forum 2017 à Charm el-Cheikh, le vendredi 8 décembre 2017. © DR / Africa Forum 2017

ProfilAuteur_LaurentDeSaintPerier

Publié le 12 décembre 2017 Lecture : 4 minutes.

Après l’Africa Investments Forum & Awards organisé à Paris le 23 novembre, l’Égypte tenait, le week-end dernier, son propre événement dédié aux affaires sur le continent. « Africa 2017, des affaires pour l’Afrique, l’Égypte et le monde » est le slogan sous lequel s’est tenu ce forum continental dans la ville balnéaire de Charm el-Sheikh.

Après un galop d’essai en 2016 où il s’était fait représenter par son Premier ministre, le président égyptien, Abdelfattah al-Sissi, peut se targuer d’avoir remporté un premier pari, celui d’avoir su intéresser cette année ses homologues du continent. Le Guinéen Alpha Condé, l’Ivoirien Alassane Ouattara et le Rwandais, Paul Kagame, y étaient présents à ses côtés quand d’autres États ont envoyé des délégations de plus haut niveau que lors de la première édition.

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L’objectif, similaire à celui des autres forums panafricains qui se multiplient d’Est en Ouest et du Nord au Sud, est de favoriser l’investissement privé intra-continental au service du développement. « Malgré d’immenses efforts pour améliorer le climat des investissements, l’Afrique attire encore trop peu de capitaux privés, constate le président Alpha Condé lors de la cérémonie d’ouverture. Elle n’a pas réussi à se défaire de l’image d’une zone risquée pour les investissements, or il n’en est rien. »

500 millions de dollars

Dans la foule qui se presse devant le stand Starbucks du grand hall du centre de conférence Jolie Ville après les discours présidentiels, Alain Ebobissé, ancien haut fonctionnaire de la Banque mondiale et patron du fonds d’investissements énergétiques Africa 50 lancé par la même institution, rappelle l’autre défi de l’investissement privé en Afrique : « Les pouvoirs publics africains réalisent qu’ils n’ont pas assez de moyens pour résoudre les besoins énormes de leurs populations et de leurs industries. L’appel au secteur privé est maintenant une condition sine qua non et nous sommes satisfaits de voir que plusieurs chefs d’État reconnaissent ce fait par leur présence ».

Cette tribune nous donne l’occasion de présenter les opportunités locales

Déficit d’informations sur le climat des affaires continental, déficit de confiance de la part des gouvernements à l’égard du secteur privé : ces grandes agapes où communient ministres et chefs d’entreprises visent à inverser la donne.

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Pour ce conseiller technique du gouvernement guinéen, Africa 2017 est aussi l’occasion de faire connaître son pays auprès d’acteurs éloignés : « Cette tribune nous donne l’occasion de présenter les opportunités locales car nombre des investisseurs qui sont là aujourd’hui ne se sont jamais rendu en Guinée. Aujourd’hui, nous avons l’occasion de pouvoir toucher directement des hauts responsables. »

Difficile de mesurer les résultats concrets de l’événement, même s’il a été l’occasion de présenter quelques beaux coups, comme la signature d’un apport de 500 millions de dollars de la panafricaine Afreximbank à la Banque égyptienne de développement de l’export (EBE) pour le développement des exportations et des investissements égyptiens sur le continent, ou l’annonce par le directeur de l’Agence libyenne de promotion des investissements du projet du Canadien Winfield Resources Limited de construire dans son pays une raffinerie géante pour 10 milliards de dollars.

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Mieux fréquenté et plus riche que la première édition du forum égyptien en 2016, celle de 2017 n’a toutefois pas été exempte de critiques. « Des États ouest-africains sont présents au plus haut niveau mais je regrette l’absence d’une délégation de poids du Sénégal qui a pourtant l’habitude participer massivement à des rencontres de ce genre. Il manque aussi des Maliens », souligne le conseiller gouvernemental guinéen.

Invités annulés, badges introuvables

Apporteur d’affaires algérien du cabinet EPC Partner basé à Tampa aux États-Unis, Yacine Echarif est un habitué des congrès d’investisseurs. Il constate pour sa part « un grand nombre d’Égyptiens présents, pour trop peu de subsahariens. Il manque aussi une plateforme efficace de mise en relation et les badges sont minuscules, pour beaucoup écrits en arabe : difficile de savoir qui est qui… »

Lors des discours présidentiels, une gaffe de taille a médusé l’assistance qui a vu apparaître sur l’écran géant « S.E. Alpha Condé, président de la République de Côte d’Ivoire » quand le Guinéen s’est dirigé vers le pupitre. Les journalistes apprenaient au fur et à mesure l’absence de nombreux « conférenciers confirmés » comme le Zimbabwéen patron d’Econet, Strive Masiyiwa, ou l’ex-ministre française, Rachida Dati.

La rigueur organisationnelle n’était pas encore au rendez-vous. De nombreux participants ont dû sillonner la cité balnéaire à la recherche de leurs badges, tel l’industriel algérien, Slim Othmani, intervenant l’après-midi de son arrivée le 8 décembre, qui est allé d’hôtel en hôtel avant d’apprendre que le sien avait été perdu et qu’un autre devait être édité.

Une bataille diplomatique aussi

Des leçons qui seront retenues pour la prochaine édition, espèrent les participants interrogés qui, satisfaits, promettent toutefois de revenir. Car la concurrence est rude sur le continent, notamment au Nord où l’Algérie tient dans quelques mois son deuxième forum d’investissement africain.

Un engouement arabe pour l’Afrique subsaharienne qui trahit aussi les batailles diplomatiques en cours dans les cénacles institutionnels du continent, à l’heure où l’Algérie réalise le terrain perdu face au rival marocain et où l’Égypte tente bec et ongles de brider l’Éthiopie dans son exploitation, par le grand barrage Renaissance bientôt achevé, des eaux du Nil.

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