Exécutions extrajudiciaires : le Rwanda conteste le rapport de Human Rights Watch

Kigali conteste les conclusions d’un rapport de Human Rights Watch sur les exécutions sommaires de petits délinquants commises par la police rwandaise. Une commission rwandaise accuse notamment l’ONG d’avoir présenté comme mortes des personnes toujours vivantes ou décédées de causes naturelles.

Visite au palais de l’Élysée du président rwandais Paul Kagame du 11 au 13 septembre 2011. © Vincent Fournier/Jeune Afrique-REA

Visite au palais de l’Élysée du président rwandais Paul Kagame du 11 au 13 septembre 2011. © Vincent Fournier/Jeune Afrique-REA

Publié le 16 octobre 2017 Lecture : 4 minutes.

La guerre des nerfs entre le Rwanda et Human Rights Watch (HRW) connaît un nouveau rebondissement. Juste après la publication d’un nouveau rapport sur l’usage de la torture par l’armée rwandaise, Kigali vient de rendre public une contre-expertise… d’un autre rapport de l’ONG de défense des droits de l’homme, vieux de quatre mois celui-là.

Publié en juillet 2017, ce document recensait 37 cas d’exécutions extra-judiciaires commises par la police et les forces de sécurité, voire par le DASSO (District Administrative Security Support Organ), un nouveau service de maintien de l’ordre mis en place en 2014.

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Commises dans les districts frontaliers de la RDC de Rubaru et Rutsivo, le rapport affirmait que ces exactions visaient des Rwandais accusés de vol de bétails ou de motos, voire parfois de nourriture, ou qui étaient soupçonnés de s’être adonnés à une forme de pêche à filet maillant connue sous le nom de « kaningini », illégale au Rwanda sur le lac Kivu.

Selon l’ONG, aucun n’avait bénéficié d’un procès pour établir leur culpabilité avant d’être sommairement exécutés. HRW affirmait que leur assassinat avait été ordonné suivant une consigne donnée aux forces de l’ordre, selon laquelle « tous les voleurs doivent être tués », qui avait donné son nom au rapport (« All Thieves Must Be Killed »,  en anglais).

Toujours vivants

Mais dans une contre-enquête publiée ce 9 octobre, la Commission nationale rwandaise des droits de l’homme conteste vivement les conclusions de HRW et se livre à une contre-enquête détaillée en donnant les noms et la situation de quasiment tous ceux cités par HRW.

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Selon elle, sur les 37 personnes que l’ONG présente comme ayant été tuées par les forces de sécurité rwandaise, sept seraient en réalité toujours vivantes. Quatre autres seraient décédées de causes naturelles, comme par exemple de maladie, parfois même depuis 2005 voire 1999, et six autres ont été tuées dans des accidents. Par ailleurs, une personne que HRW présente comme assassinée par l’armée rwandaise a en fait été tué par des soldats congolais.

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Dans dix autres cas, l’administration rwandaise affirme n’avoir jamais entendu parler des personnes citées par HRW.

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Dans trois cas, Human Rights Watch accusait les autorités de ne jamais avoir traduit en justice les auteurs de crimes, dont un soldat. C’est faux, réplique la Commission rwandaise : tous ont été condamnés.

La Commission rwandaise relève par ailleurs des erreurs factuelles, comme par exemple des noms de famille mal orthographiés, ce qui prête à confusion. Un homme, qui aurait été tué parce qu’il pratiquait la pêche illégale, est en réalité sain et sauf et n’a jamais été pêcheur.

Un autre n’était pas non plus pêcheur, mais membre de la marine rwandaise. Des personnes présentées comme victimes d’exécutions extra-judiciaires se sont en réalité simplement noyées, parce que leur embarcation a chaviré par exemple.

« Trahison » de Human Rights Watch

Surtout, le Rwanda conteste l’idée centrale dans le rapport de HRW que ces exécutions avaient été sciemment décidées par les autorités, selon la consigne que tous les voleurs devaient être exécutés.

Si dix personnes ont effectivement été abattues par les forces de l’ordre, « ces individus ont été tués pendant qu’ils traversaient de nuit la vallée de Cyanzarwe depuis la RDC, une route souvent utilisée par des éléments du FDLR [les rebelles hutus du Front démocratique pour la libération du Rwanda] pour passer au Rwanda et y perturber la sécurité, écrivent les auteurs du rapport de la  Commission nationale rwandaise des droits de l’homme. Les autorités locales ont interdit aux habitants de traverser la vallée de nuit pour des questions de sécurité ».

Sur Twitter, de nombreux Rwandais s’en sont donné à coeur joie, accusant HRW de se ridiculiser. Mais sur le même réseau social, Human Rights Watch, par la voix de sa directrice pour l’Afrique centrale Ida Swayer, affirme s’en tenir à son rapport de juillet. Et se dit même prête à discuter de ses méthodes avec la Commission rwandaise des droits de l’homme.

Human Rights Watch publie régulièrement des rapports sur les violations des droits de l’homme au Rwanda. Au point qu’elle s’est même vue accuser d’avoir un traitement biaisé sur ce pays par un ex-diplomate américain qui a vécu au Rwanda, Richard Johnson.

Dans un livre intitulé Rwanda : la trahison de Human Rights Watch, celui-ci accuse l’ONG de chercher systématiquement à déstabiliser le pouvoir du Front patriotique rwandais (FPR) du président Paul Kagame, salué pour avoir mis un terme au génocide des Tutsis au Rwanda, qui a fait 800 000 morts en 1994.

Le gouvernement et le président Paul Kagame, au pouvoir depuis 2000, est cependant l’objet de nombreuses critiques et accusations, ces dernières années, portant sur des atteintes à la liberté d’expression et un manque d’ouverture politique.

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