Togo – Yark Damehane : « Il faut éviter que les manifestants se dirigent vers la présidence »

Que s’est-il passé le 19 août dernier lorsque deux personnes ont trouvé la mort ? Des caches d’armes existent-elles ? Quel est le dispositif de sécurité prévu pour les manifestations des 20 et 21 août ? Yark Damehane, ministre de la Sécurité et de la Protection civile, a répondu aux questions de Jeune Afrique.

Des forces de sécurité togolaises, à Lomé, le 8 mars 2010 (image d’illustration). © SUNDAY ALAMBA/AP/SIPA

Des forces de sécurité togolaises, à Lomé, le 8 mars 2010 (image d’illustration). © SUNDAY ALAMBA/AP/SIPA

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Publié le 18 septembre 2017 Lecture : 5 minutes.

Jeune Afrique : L’opposition prévoit des manifestations les 20 et 21 septembre à Lomé et dans plusieurs villes du pays. Pouvez-vous assurer qu’il n’y aura pas de répression, comme cela a été le cas le 19 août, quand la dispersion d’une manifestation de l’opposition à Lomé a provoqué la mort de deux personnes ?

Yark Damehane : Le 19 août dernier, deux personnes ont été présentées comme ayant succombé lors de la marche de l’opposition. Personnellement, j’ai mis un point d’interrogation sur la cause réelle de leur mort. En effet, le premier mort, selon les images que nous avons vues, présentait des blessures causées sans doute par des balles. Mais des balles tirées par qui ? Dans quelles circonstances et où ? Quant à la seconde personne présentée par l’opposition, il s’agissait d’un accidenté. Où a eu lieu l’accident ? Dans quelles circonstances ? Était-ce en rapport avec l’opération de maintien de l’ordre ? Je rappelle que les organisateurs de la manifestation ont enlevé les corps, avant même qu’une équipe n’arrive sur les lieux, pour commencer des formalités d’identification des corps. Il n’y a donc pas eu d’autopsie sur les corps, de sorte que je continue à m’interroger.

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Que s’est-il passé le 19 août, pour qu’une marche encadrée par les forces régaliennes dégénère en affrontements ?

Au moment de commencer la marche, les éléments envoyés sur les lieux ont échangé avec les organisateurs sur l’itinéraire qui avait été arrêté. Les organisateurs étaient d’accord avec cet itinéraire et les éléments envoyés sur place les ont assurés de l’encadrement de la marche. Celle-ci a bien commencé, les manifestants sont partis en suivant l’itinéraire. Alors que la tête de la marche suivait l’itinéraire, une partie des marcheurs a voulu s’engager vers la voie nationale numéro un, la voie internationale la plus importante du pays, sans doute, pour perturber, voire bloquer le trafic. Ils ont tenté de forcer un barrage formé par des éléments. C’est à partir de ce moment que les problèmes ont commencé.

Si les militaires avaient riposté, le bilan aurait été lourd

Des manifestants ont fait irruption dans un commissariat situé non loin de là, ils ont emporté un pistolet et un AK47 et brûlé deux autres. Ils s’en sont aussi pris à deux militaires qui étaient postés devant une banque et qui n’avaient rien à voir avec le maintien de l’ordre, ce jour-là. Nous rendons grâce à Dieu parce que, contrairement à ce qu’on a voulu faire croire, si les militaires avaient riposté, le bilan aurait été lourd. En effet, quand un militaire armé se sent menacé par des civils ou quand sa propre sécurité est directement menacée, beaucoup de choses peuvent arriver. Ils ont fait preuve de sang-froid, c’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils ont été désarmés par les manifestants qui ont emporté leurs armes.

Les armes emportées auraient été par la suite rendues…

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Seule une arme sur les trois arrachées aux militaires a été retrouvée. Le pistolet volé au commissariat a été ramené par un religieux et les deux AK47 enterrées quelque part, par ceux qui les ont volées, ont été retrouvées grâce à un appel anonyme. Je vous apprends qu’après ces vols d’armes par des manifestants nous avons lancé une opération de recherche et de contrôles d’armes qui a abouti à la découverte de deux AK47 qui sont totalement différentes des armes conventionnelles utilisées par les militaires. Cela soulève des questions.

Soupçonnez-vous l’existence de caches d’armes à Lomé ?

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Il y a deux hypothèses qui se dégagent. Soit ces armes appartiennent à un gang qui les utilise pour opérer des braquages, soit leurs détenteurs ont des intentions inavouées. Cela est d’autant plus curieux qu’à Lomé, les manifestants demandaient qu’on les laisse aller au grand carrefour GTA, qui n’est pas loin de la présidence, ce que nous ne pouvions pas accepter. Le jour de la manifestation, quoique cette destination ne fût pas sur l’itinéraire validé d’un commun accord, certains manifestants ont toutefois tenté de se rendre à la présidence. L’organisateur (Tikpi Atchadam, NDLR) a le schéma du Burkina Faso en tête.

Qu’est-ce qui vous porte à le croire ?

C’est lui-même qui l’a dit. À la veille de son meeting, un journaliste l’a interviewé et il a dit que la révolution a été possible au Burkina Faso seulement quand les villes de l’intérieur du pays sont entrées en contestation, au même moment qu’à Ouagadougou, la capitale. C’est le sens qu’il donnait aux manifestations du 19 août 2017. Nous avons le choix entre le laisser faire et réagir pour éviter des affrontements. Le laisser faire, c’est laisser les manifestants prendre la direction de la présidence. Nous avons clairement dit qu’il faut éviter que les manifestants se dirigent vers la présidence ou vers le siège des institutions de la République. Pour les manifestations des 20 et 21 septembre, certains veulent aller à la place de l’Indépendance, non loin de l’Assemblée nationale. Alors que cette place ne peut pas contenir 3 000 personnes. Le but de leur jeu, qui s’apparente à des techniques de provocation, est de montrer des images de dispersion de leurs manifestations, avec des bombes lacrymogènes. Ce genre d’image fait toujours sensation, nous l’avons bien compris.

Notre rôle est de ne pas permettre que des fous mettent à mal la sécurité des biens et des personnes

Qu’allez-vous faire pour éviter les incidents ?

Devons-nous laisser les manifestants dicter leur propre loi et accepter, dans ce cas, qu’ils mettent la République à terre, ou devons-nous définir avec les organisateurs un itinéraire bien clair qui sera encadré ? C’est nous qui avons intérêt à ce que les choses soient calmes. Ils doivent le comprendre. Ils demandent souvent des choses impossibles, mais nous faisons des concessions. Unir (Union pour la République, parti présidentiel) compte aussi marcher les 20 et 21 septembre. Devons-nous laisser tous les marcheurs, qu’ils soient proches de l’opposition ou proches du pouvoir, faire ce qu’ils veulent ? Dans tous les camps, il y a des fous. Notre rôle est de ne pas permettre que des fous mettent à mal la sécurité des biens et des personnes. Là-dessus, je reste très ferme.

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