Hissein Brahim Taha : « Pour lutter contre l’immigration illégale, il faut prendre le mal à la racine »
Un mini-sommet sur la crise migratoire a réuni lundi à Paris des dirigeants africains et européens. Au menu des discussions : la nécessaire distinction entre réfugiés économiques et demandeurs d’asile, l’importance de l’aide au développement et de la lutte antiterroriste. Parmi les participants, le ministre tchadien des Affaires étrangères, Hissein Brahim Taha, qui plaide pour davantage d’engagements de la part des Européens.
Jeune Afrique : Vous vous étiez opposé à la volonté du président Emmanuel Macron d’installer des « hot spots » – des centres d’accueil où l’on distingue les réfugiés des migrants économiques – au Niger et au Tchad. Aujourd’hui, vous semblez plus nuancé. Pourquoi ?
Hissein Brahim Taha : Nous étions contre le fait d’installer dans notre pays des centres de tri entre migrants économiques et demandeurs d’asile. Cela aurait contribué à créer un appel d’air, qui serait vite devenu incontrôlable pour le Tchad. Le président Macron a, semble-t-il, abandonné cette idée de « hot spots », et c’est tant mieux. Par contre, comme cela a été énoncé lors de nos discussions hier à Paris, nous nous sommes mis d’accord sur l’opportunité de la réinstallation des réfugiés déjà présents sur notre territoire. Il en existe 500 000 au Tchad, pour la plupart des réfugiés en provenance d’Afrique de l’Est, connus et listés par le HCR.
Le président Déby a insisté sur l’importance de l’aide au développement pour lutter contre l’immigration illégale. De son côté, l’Europe a mis en avant son engagement financier de 1,8 milliard d’euros envers l’Afrique lors du sommet de la Valette en 2015. Selon vous, doit-elle en faire plus ?
Comme l’a indiqué le président Déby, pour lutter contre l’immigration illégale, il faut prendre le mal à la racine. Pourquoi autant de jeunes décident de se lancer dans un voyage aussi périlleux ? Car ils fuient la misère, le chômage et le manque de perspectives. Les besoins du continent sont énormes, et ce n’est malheureusement pas 1 ou 2 milliards d’euros qui changeront la donne. Ce qui ne veut pas dire non plus que nous sommes dans une logique d’assistanat. Nous préférons que l’Europe incite le secteur privé à investir sur le continent africain, plutôt que de reverser de l’argent public.
Nous ne pouvons plus accepter que nos jeunes meurent par milliers dans le désert ou en mer
Ces dernières semaines, vous avez reçu la visite d’une mission de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), et d’une délégation diplomatique française. Quels étaient leurs objectifs ?
De comprendre les besoins du Tchad, avant de formuler des propositions pour lutter contre l’immigration illégale. Ils ont notamment saisi l’importance de la sécurisation de la frontière entre le Tchad et la Libye, qui demeure très difficile à contrôler. Imaginez : c’est une zone désertique de 1 200 km de long, traversée par des orpailleurs, des passeurs et des personnes armées. Sécuriser la zone nécessite d’importants moyens financiers et des équipements modernes. Cela coûte très cher et nous ne pouvons être seuls sur ce front.
Y a-t-il eu des engagements chiffrés de la part de vos partenaires européens ?
Non, l’objectif de cette rencontre était d’abord de montrer notre volonté de travailler ensemble et de mettre fin au drame de l’immigration illégale. Nous ne pouvons plus accepter que nos jeunes meurent par milliers dans le désert ou en mer Méditerranée.
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