Mohamed Ziane : « La grâce accordée aux détenus du Rif est un acte d’apaisement politique »

L’avocat du chef de la contestation, Nasser Zefzafi, estime que cette grâce est un bon début pour la résolution d’une crise qui n’a que trop duré. Et qui a démontré la défaillance de la classe politique.

Pour l’avocat Mohamed Ziane, la classe politique marocaine a failli dans la gestion du dossier du Rif. © YouTube/Kifache TV/Capture d’écran

Pour l’avocat Mohamed Ziane, la classe politique marocaine a failli dans la gestion du dossier du Rif. © YouTube/Kifache TV/Capture d’écran

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 1 août 2017 Lecture : 3 minutes.

Au lendemain de la grâce royale, qui a bénéficié à un groupe des détenus du Hirak du Rif (la mouvance), l’avocat, Mohamed Ziane livre son analyse sur cette initiative, censée calmer la contestation qui dure dans la région depuis neuf mois. Il fait aussi le point sur le procès en instruction de  son client, Nasser Zefzafi, chef de la contestation, qui devait se tenir ce mardi 1er août.

Jeune Afrique : Votre client, Nasser Zefzafi, devait comparaître ce mardi 1er août pour la troisième fois devant le juge d’instruction de la Cour d’appel de Casablanca. Pour quel résultat ?

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Mohamed Ziane : Cette séance devait être consacrée à la confrontation des preuves collectées par le parquet général. Je m’attendais donc à visionner des vidéos, voir des photos et tout ce qui, du point de vue du parquet, prouve les accusations de financement étrangers qui pèsent sur mon client. Mais la séance a été ajournée sans fixation de date.

Pourquoi, selon vous ?

D’après ce que je sais, de nouveaux éléments sont apparus dans le dossier du journaliste Hamid El Mahdaoui, qui vient d’être condamné à de la prison ferme dans le cadre des contestations d’Al Hoceïma. Ce dernier aurait reçu une importante somme d’argent en provenance des Pays-Bas. Les enregistrements téléphoniques qui démontrent l’existence de ce transfert pourraient impliquer Nasser Zefzafi. J’attends de voir.

On ignore le nombre exact de détenus du Hirak graciés par le roi. Avez-vous des informations à ce sujet ? 

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Selon les données que m’a communiquées le ministère de la Justice, il s’agit de 41 personnes en tout. Mais je prends cette information avec réserve, dans l’attente de la publication d’une liste officielle. Jusqu’à aujourd’hui, le réseau des avocats qui défendent les détenus du Hirak n’a pu recenser que 17 personnes (sur 176 incarcérations, NDLR) qui étaient en prison et qui sont effectivement rentrées chez elles.

Onze sont sorties de la prison d’Al Hoceïma, cinq de celle de Nador et une personne de la prison de Casablanca, la jeune chanteuse Sylia, de son vrai nom, Salima Ziani. Ces personnes étaient quasiment toutes en détention. Mais selon le Ministère de la Justice, la grâce royale a également concerné des personnes en état de liberté. Ce qui expliquerait la différence entre le recensement des avocats et le chiffre des 41 personnes graciées avancé par le Ministère.

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Pourquoi d’après vous la liste globale des détenus graciées n’a pas encore été publiée ?

Normalement, pour le cas des personnes en prison, chaque directeur de prison reçoit la liste de ceux qu’il doit relâcher. En ce qui concerne les personnes poursuivies en état de liberté, la commission chargée d’étudier les demandes de grâces doit leur envoyer un document disant que le roi les a graciées. Cette opération n’a visiblement pas encore été bouclée. D’où, à mon avis, le retard de la publication de la liste globale. Ce que je sais, c’est que la plupart étaient poursuivies pour des faits mineurs comme participation à une manifestation non-autorisée, trouble à l’ordre public et attroupement sur la voie publique.

En graciant les détenus d’El Hoceïma, le roi a démontré qu’il ne croit pas à la thèse du séparatisme

Pourquoi le noyau dur du Hirak détenu à de Casablanca n’a-t-il pas bénéficié de cette grâce ?

Ils sont poursuivis pour des faits plus lourds. Mais je pense que l’initiative royale est un bon début. En accordant sa grâce à ces jeunes, le roi met fin aux accusations de séparatisme qui les ont injustement visés. On avait reproché à la jeune Sylia d’avoir chanté la majesté du peuple et non celle du roi. C’est inique. En la graciant, le roi a aussi en quelques sorte mis en doute les déclarations du gouvernement, qui avait qualifié les contestations d’Al Hoceïma de séparatisme et de sédition.

Que signifie pour vous cette grâce royale ?

C’est un acte politique d’apaisement. J’avais espéré que le gouvernement aille à Al Hoceïma et discute face-à-face avec les jeunes manifestants. Mais le problème, c’est qu’il estime qu’ils ne sont pas représentatifs, il ne veut parler qu’avec les élus. En même temps, dans son dernier discours du trône, le roi a affirmé que la classe politique était incompétente. Pour ne rien vous cacher, on ne sait plus à quel saint se vouer.

Quelles sont vos attentes sur ce dossier ?

Je m’attends à ce que le gouvernement étale les preuves qu’il dit détenir contre les jeunes du Hirak. Pour le moment, je n’ai encore rien vu. La séance de confrontation des preuves qui devait avoir lieu ce matin a été reportée.

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