Le panafricanisme : idéal pour la jeunesse africaine ou outil factice de gouvernance politique ?

Le panafricanisme est-il une construction politique réelle visant à rassembler les Africains pour réaliser le développement global du continent ou une simple chimère, voire un simple idéal émotionnel de mobilisation des politiques africaines ?

Photo de famille lors du sommet de l’Union africaine, à Addis-Abeba, le 30 janvier 2017. © Mulugeta Ayene/AP/SIPA

Photo de famille lors du sommet de l’Union africaine, à Addis-Abeba, le 30 janvier 2017. © Mulugeta Ayene/AP/SIPA

Lucien-Pambou
  • Lucien Pambou

    Professeur de sciences économiques et politiques, rédacteur associé de la revue Géopolitique africaine.

Publié le 26 juin 2017 Lecture : 3 minutes.

La question mérite d’être posée car, 60 ans après les indépendances, les pays africains ont beaucoup de mal à faire vivre le panafricanisme comme procédure d’intégration des économies africaines aux plans politique, économique et social. Chaque pays membre de l’UA essaie de tirer son épingle du jeu au lieu de travailler de façon collective avec les autres.

Le panafricanisme est plus un outil de gouvernance politique à la disposition des chefs d’État africains pour mobiliser les populations. C’est plus un panafricanisme d’intérêt que lié à la réalité concrète des populations africaines. L’Afrique peine à prendre des décisions face aux nombreux maux dont elle est la victime, à savoir la famine, les guerres civiles, le terrorisme, la mal-gouvernance, la corruption et l’abaissement des droits démocratiques (confiscation de la liberté de la presse, emprisonnement des hommes politiques de l’opposition, etc.).

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Pourquoi le panafricanisme a-t-il du mal à devenir une réalité ? Trois problèmes expliquent ce recul : les limites financières de l’UA, la stratégie des hommes politiques pour durer au pouvoir et le développement du terrorisme.

Les limites financières de l’UA constituent un frein à l’expansion du panafricanisme

L’UA, dépositaire du panafricanisme politique, est confrontée à des difficultés financières qui deviennent endémiques. 70% du budget de l’UA est financé par l’UE, les États-Unis et la Chine qui a construit le siège de l’UA à Addis Abeba. L’UA n’a pas les moyens financiers de son panafricanisme. Une réflexion sur les sources de financement au cours du 27e sommet de l’UA en 2016 à Kigali a été demandée à Kaberuka, ancien président de la BAD. Il pense qu’une taxe de 0,2% sur les importations « éligibles » peut contribuer à résoudre en partie les problèmes de financement. On peut s’interroger sur la pertinence du concept d’éligibilité. Ne faudrait-il pas, au contraire, inverser l’ordre de la taxation en portant celle-ci sur les produits pétroliers agricoles et miniers exportés et en luttant de façon radicale contre la corruption des élites ?

La question institutionnelle n’a jamais été réellement tranchée

Le panafricanisme est un outil stratégique à la disposition des chefs d’État africains

Les hommes politiques africains utilisent la mobilisation pour le panafricanisme comme un outil de gouvernance pour montrer leur attachement à l’Afrique. L’UA est une variable résiduelle. Les chefs d’État préfèrent en faire un élément de théorie politique plutôt que de gouvernance réelle sur le terrain. Quelle UA veulent les Africains depuis les indépendances ? Une UA supranationale ou celle qui préserve la coopération des États souverains ? La question institutionnelle n’a jamais été réellement tranchée et les chefs d’État africains préfèrent le statu quo actuel à une décision radicale. La question : comment passer d’un panafricanisme de confusion politique à un panafricanisme fondé sur la réalité des faits ? L’Afrique ne doit pas se contenter de regarder passer les trains de la modernité. Il faut dépasser le panafricanisme d’évocation et d’empathie compulsionnelle.

L’Afrique doit être à l’avant-garde dans la lutte contre le terrorisme

Le Sahel devient une zone de multiplication des actes terroristes. La Minusma, la force Barkhane au Mali, le G5 Sahel, doivent obliger l’UA à prendre en charge la défense de ses membres. La France et l’UE y contribuent, mais cela demeure insuffisant. La France va demander au conseil de sécurité la création d’une force anti-terroriste pour combattre les djihadistes et les trafiquants de drogue dans le Sahel. C’est un pas important. Aux Africains de se saisir de cet acte fondateur pour donner du contenu à leur lutte contre le terrorisme.

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