Niger : les Filles de Illighadad, des voix tombées du ciel

Il y a encore un an, Les Filles de Illighadad chantaient dans la brousse, entre Tahoua et Agadez. Aujourd’hui, les trois musiciennes touarègues font la tournée des plus grands festivals européens.

Les trois membres du groupe llhigadad. © DR

Les trois membres du groupe llhigadad. © DR

fxf

Publié le 22 juin 2017 Lecture : 3 minutes.

Quoi de plus naturel, pour un groupe de musique issu d’un peuple nomade, que de vous donner rendez-vous dans un aéroport ? Dans le hall, Les Filles de Illighadad sont assises à côté de leurs instruments, attendant patiemment leur vol pour Casablanca, avant de prendre leur correspondance pour le Portugal, où elles sont attendues au Festival islamique de Mértola.

« De Niamey vers le monde », vante l’affiche lumineuse d’une compagnie aérienne juste au-dessus d’elles. Ces trois jeunes filles d’à peine plus de 20 ans partent en tournée européenne pour la troisième fois depuis novembre 2016. En avril 2017, elles étaient invitées au Printemps de Bourges, en France, où elles ont fait le tour des radios. En quelques mois, elles ont déjà parcouru toute l’Europe, en avion ou en voiture : Royaume-Uni, Belgique, Allemagne, Suisse…

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Des voix et des sonorités dépouillées

Aujourd’hui, Fatou Seidi Ghali, Alamnou Akrouni et Mariama Salah Assouan prennent l’avion comme si elles prenaient le bus pour Niamey. Pourtant, il y a encore un an, elles n’avaient jamais quitté leur village d’Illighadad, situé entre Tahoua et Agadez, au cœur de l’Aïr et de la brousse. « Quand on était petites, on n’avait tellement pas l’habitude de croiser des voitures que l’on se cachait lorsque on en voyait une arriver au loin, se souvient Mariama Salah Assouan. Quand on voyait un avion dans le ciel, on priait, on criait même pour qu’il nous envoie un cadeau. »

Il y a quelques mois, lors de son premier voyage en France, en plein hiver, elle est arrivée pieds nus. « Je ne savais pas qu’il faisait si froid chez vous, heureusement, on m’a gentiment offert des chaussettes et des chaussures », avoue-t-elle. Avec les premiers cachets, la jeune femme veut financer ses études d’infirmière. « Pour être utile à ma communauté. Il n’y a pas beaucoup de médicaments chez nous… », dit-elle.

Les Filles de Illighadad avaient l’habitude de faire brouter le bétail et de chanter pour faire passer le temps

Près de leur village natal, les Filles de Illighadad avaient l’habitude de faire brouter le bétail. « Nous les filles, nous étions souvent chargées de garder les bêtes. Et comme il n’y avait ni télévision ni radio, on chantait pour faire passer le temps avec nos amis peuls », explique Fatou Seidi Ghali, voile sur la tête, avant de chantonner, tout bas, une mélodie.

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Fondatrice du groupe, qu’elle dirige à la guitare et au chant, elle a commencé très jeune à jouer du takamba (luth à une corde), avant de se mettre à la guitare acoustique, un cadeau de son frère. Au début, elle chantait avec ses deux amies pour passer le temps, puis elles ont joué devant la famille lors des fêtes, avant de composer un album intitulé Les filles de Illighadad, édité par Sahel Sounds, label de musique saharienne fondé par l’Américain Christopher Kirkley.

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Elles composent leurs propres chansons

Alamnou Akrouni accompagne leurs mélodies très blues avec un tendé, le tambour traditionnel. Leurs chansons évoquent la condition des femmes, l’amour, l’histoire des Touaregs, la religion, la mélancolie du temps et, souvent, la dureté du climat. « La chanson Tilili plaît beaucoup au village, ce titre signifie « la jeune fille touareg ». C’est l’histoire d’une jeune femme qui est partie loin et a la nostalgie de son village, précise le manager du groupe, Ahmoudou Madassane, qui les accompagne parfois à la basse. Il faut savoir que chez nous, dans notre culture, les femmes sont des princesses. On les protège, mais elles sont très libres. »

Fatou Seidi Ghali n’a pas peur du succès. Elle a déjà investi l’argent récolté pour acheter du bétail afin d’agrandir le troupeau, au village. « Nous, les histoires de jihadistes, ça ne nous dit rien… Ce sont des histoires qu’on raconte de l’autre côté des montagnes. Les seuls problèmes qui nous obsèdent, ce sont la sécheresse et la famine. » Tout est dit. Dans le désert, on ne parle jamais trop.

Les Filles de Illighadad se lèvent, saluent poliment, sourient avec pudeur et retournent dans la zone voyageur. Tout à l’heure, elles regarderont par le hublot un feu dans la brousse, en imaginant que ce sont peut-être d’autres petites filles qui l’ont allumé, au village, en espérant recevoir un cadeau tombé du ciel.

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