Maroc : le leader de la contestation dans le nord, Nasser Zefzafi, recherché par la justice

Le leader de la contestation populaire qui secoue depuis six mois le nord du Maroc était officiellement recherché samedi, après avoir interrompu le prêche d’un imam dans une mosquée.

Nasser Zefzafi, leader de la contestation populaire dans la région du Rif, dans le nord du Maroc, le 6 mai 2017 à Al-Hoceima. © Mohamed el-Asrihi/AFP

Nasser Zefzafi, leader de la contestation populaire dans la région du Rif, dans le nord du Maroc, le 6 mai 2017 à Al-Hoceima. © Mohamed el-Asrihi/AFP

Publié le 27 mai 2017 Lecture : 3 minutes.

Dans un communiqué, le procureur du roi a ordonné vendredi soir « l’ouverture d’une enquête et l’arrestation de Nasser Zefzafi » après que celui-ci ait fait « entrave, en compagnie d’un groupe d’individus, à la liberté du culte dans la mosquée Mohammed V à Al-Hoceima ».

Cette annonce est intervenue au terme d’une journée qui a vu une tentative d’arrestation de Nasser Zefzafi, l’annonce erronée de son arrestation puis des heurts -apparemment limités- avec les forces de l’ordre déployées à Al-Hoceima.

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Selon le procureur du roi, le leader du « hirak » (la mouvance) a empêché, lors de la prière du vendredi, « le prédicateur de poursuivre son prêche, prononçant un discours provocateur où il a insulté l’imam et semé des troubles qui ont attenté au calme et à la sacralité du lieu de culte ».

L’incident a été filmé par téléphone portable et diffusé sur Facebook, des images sur lesquelles on voit Nasser Zefzafi s’en prendre avec véhémence à l’imam, qu’il traite de « menteur ».

Un « acte sans précédent »

« Est-ce que les mosquées sont faites pour Dieu ou le makhzen (pouvoir)? », s’écrit-il, avant de dénoncer « ceux qui veulent faire capituler le Rif », la région frondeuse et conservatrice où est située Al-Hoceima, et « les étrangers qui viennent violer nos femmes ». Ses compagnons ont salué ce discours aux cris de « Dieu est le plus grand ».

Et de fustiger au passage le festival de musique Mawazine, qui vient de s’achever à Rabat, avec « des corps nus que l’on voit en direct sur la télévision d’un Etat qui se dit musulman ».

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Le ministre des Affaires islamiques, Ahmed Toufik, qui avait annoncé à tort son arrestation vendredi, a dénoncé « un acte sans précédent », un délit « grave ».

Interrogé par l’AFP, un proche de Nasser Zefzafi a expliqué que ce dernier avait réussi à échapper aux policiers venus l’interpeller à la sortie de la mosquée.

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Nasser Zefzafi est intervenu peu après en direct sur les réseaux sociaux depuis le toit de sa maison à Al-Hoceïma, entouré d’une foule de ses partisans.

« Je n’ai pas peur. S’ils veulent m’arrêter, qu’ils viennent! », a-t-il lancé. Dans une autre vidéo, publiée peu après, il a dit être « sain et sauf » et a appelé à des manifestations pacifiques.

Une source autorisée au ministère de l’Intérieur a confirmé qu’il n’avait pas été arrêté, faisant par ailleurs état de jets de pierres sur les forces de l’ordre.

Des groupes de jeunes s’étaient rassemblés vendredi en plusieurs endroits de la ville de 56 000 habitants, où les forces de l’ordre ont pris position en nombre.

Trois blessés graves

L’agence de presse officielle MAP a fait état de « heurts » entre manifestants et policiers, qui ont fait plusieurs blessés, dont « trois graves », du côté des forces de sécurité.

Un journaliste marocain travaillant pour le site d’informations en ligne Hespress a par ailleurs été pris à partie et violenté par des manifestants, selon ce même site.

Des profils Facebook pro-contestation ont affirmé que la maison de Zefzafi avait été fouillée par la police. On ignorait samedi matin où il se trouvait.

« Ça s’est agité avec les jeunes, avant de se calmer dans la nuit », a expliqué un habitant, interrogé au téléphone, alors que le jeûne du mois de ramadan a débuté samedi.

Dans la région du Rif, la province d’Al-Hoceïma est le théâtre de manifestations récurrentes depuis la mort fin octobre 2016 d’un vendeur de poisson, broyé accidentellement dans une benne à ordures.

L’incident avait suscité l’indignation dans le pays, prenant la forme à Al-Hoceïma d’un mouvement plus social et politique. Mené par un groupe de militants locaux, le « hirak » a de nombreuses revendications pour le développement du Rif, qu’il estime marginalisé.

Son leader, Nasser Zefzafi, multiplie sur les réseaux sociaux les harangues enflammées contre l’exécutif et en faveur du Rif, sur fond de discours identitaire teinté de conservatisme et de références islamiques.

L’Etat marocain a depuis annoncé la mise en oeuvre d’un catalogue de projets de développement de la région, désormais une « priorité stratégique ». Une délégation de sept ministres s’était rendue sur place en début de semaine.

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