La lutte contre l’homophobie et la transphobie fait partie de l’histoire de la résistance africaine

Fidèle à son histoire de résistance, l’Afrique aussi commémore le 17 Mai, Journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie (IDAHO).

La Journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie (IDAHO) a lieu chaque 17 mai, y compris en Afrique © Dolores Ochoa/AP/SIPA

La Journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie (IDAHO) a lieu chaque 17 mai, y compris en Afrique © Dolores Ochoa/AP/SIPA

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  • Cheikh Traore

    Dr Cheikh Traore est un médecin mauritanien exerçant comme consultant international. Il se passionne pour les questions de genre, de diversité sexuelle et leur lien avec la santé et le développement. En plus d’accompagner des réseaux LGBTI et des personnes vivant avec le VIH en Afrique, il a pour client plusieurs agences gouvernementales et internationales comme l’Onusida, l’OMS et le Fonds mondial de lute contre la tuberculose et le paludisme.

Publié le 16 mai 2017 Lecture : 5 minutes.

Lorsque les sujets liés à la sexualité où les expressions de genre qui transgressent les normes sont soulevés dans nos médias et réseaux sociaux, les réactions sont presque toujours vives et imprégnées d’émotions. Les réactions vont aussi de l’indifférence à la condamnation sans oublier les propos réguliers sur notre identité africaine, nos religions, et notre différence supposée avec l’Occident et le reste du monde sur ces questions.

Ces sujets soulèvent rarement des débats de fonds, les opinions de ceux qui sont « contre » dominant toujours, soulevant ainsi des biais considérables et de la désinformation. Quant à la question des personnes transgenres ou au genre non-conformes aux normes en vigueur, ici aussi les croyances et idées reçues sont légion. Même nos médecins et intellectuels les plus brillants, manquent de vocabulaire pour exprimer leurs pensées.

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Les progrès réalisés sur les avancées en matière de droits des homosexuels et autres minorités de genre, sont rarement rapportés dans la presse continentale. Et pourtant des progrès et des ouvertures existent, et sont notes chaque année dans plusieurs de nos pays.

Le 17 Mai est donc une journée idéale pour aborder ces questions qui gênent et rappeler les quelques avancées que nous constatons ici et là sur notre continent. Cette journée commémore le 17 mai 1990, jour ou l’Assemblée de l’Organisation mondiale de la santé a supprimé l’homosexualité de la classification internationale des maladies. Les controverses suscitées par les débats sur la sexualité ou la définition du genre sont bien connues. Pourtant il y’a plusieurs raisons qui font que nous devons nous pencher sur ces questions. J’en citerai quelques unes ici.

Les questions de sexualité sont au cœur de nos défis de développement

D’abord le développement. Les questions de sexualité sont au cœur de nos défis de développement. Depuis des décennies, plusieurs de nos pays ont du mal a gérer l’explosion démographique, la mortalité maternelle, les mutilations génitales vécues par les filles, ou la lutte contre la pandémie du VIH ou de l’hépatite B. À la base de la persistance de ces fléaux, il y a la difficulté pour nos gouvernements d’aborder de front la sexualité ; pour exemple, les blocages concernant la question de l’éducation sexuelle pour les jeunes. Sans parler du déni, et du refus de considérer les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles ou transgenres ou intersexuées (LGBTI) comme des citoyens à part entière. Mis a part quelques progrès dans la lutte contre le VIH, ils sont souvent ignorés ou délaissés par les politiques, ceci en contradiction avec les Objectifs du développement durable qui désormais affirment que personne ne doit rester en marge des efforts de développement.

Deuxièmement, la lutte contre les violences et l’injustice : l’image de notre continent dans le monde souffre déjà de clichés sur le défaut de droits de nos concitoyens, ou de la violence récurrente. Malheureusement, les « chasses aux sorcières » orchestrées par certains leaders religieux et politiciens ne font qu’ajouter à l’image d’une Afrique violente dans les médias mondiaux. Le 17 Mai offre une opportunité de se pencher sur les données, qui sont publiées par les défenseurs des droits humains sur les violations perpétrées contre les individus sur la base de leur orientation sexuelle supposée ou réelle. Les statistiques reflètent des réalités qui méritent notre attention. Elles relatent de cas de mariage forcés, de rejets familiaux ou scolaires, d’arrestations arbitraires, chantages, abus sexuels et même des meurtres. Plus inquiétant encore dans certains pays, on assiste au refus des avocats de défendre les victimes. Souvent par peur de représailles, notamment dans les nombreux pays ou l’homosexualité est punie par la loi.

De Bukavu, en RDC a Lomé, en passant par Lagos, des commémorations ont lieu pour marquer cette date sur le continent

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Enfin, cette journée IDAHO nous rappelle que l’Afrique continue d’être un continent de résistances. Pour beaucoup de jeunes appartenant aux minorités sexuelles ou de genre, l’heure n’est plus à continuer de panser les plaies et meurtrissures occasionnées par la violence physique ou psychique. Dans plusieurs villes d’Afrique, les communautés s’organisent pour résister et lutter contre les préjugés et les incompréhensions de leurs concitoyens. De Bukavu, en RDC a Lomé, en passant par Lagos, des commémorations ont lieu pour marquer cette date sur le continent. À Yaoundé par exemple, depuis 2014, des activistes LGBT organisent annuellement des matches de foot entre étudiants hétéros et LGBT, créant ainsi des opportunités de dialogue pour promouvoir la tolérance. À Bukavu et a Lomé et Tunis on assiste a des conférence-débats impliquant médecins, journalistes et sociologues dialoguant avec les communautés concernées.

Cette résistance se manifeste aussi par les prises de position de nos intellectuels, politiciens, et quelques sociétés savantes du continent. Des penseurs renommés tels que le Professeur Ali Mazrui – spécialiste en sciences politiques et islamologue de renommée mondiale – ont osé mettre les pieds dans le plat en prenant position. En 1999, au milieu d’une campagne de répression orchestrée par le régime ougandais contre les homosexuels, il affirmait dans un discours d’ouverture d’une conférence internationale à la prestigieuse université ougandaise de Makerere que « la question de l’homosexualité concerne les actes des individus… Cette question peut être sujette a débat pour l’Église ; mais pas pour le chef de l’État… Sur ces questions, le tout-puissant peut juger, mais pas l’État ». Même après sa mort en 2014, le Pr Mazrui continue de faire des émules… Des anciens chefs d’État, tels que Joachim Chissano (Mozambique) ou Festus Mogae (Botswana), ont pris fermement position contres les lois punitives qui encouragent des discriminations perpétrées par les États.

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Ces discriminations ont longtemps été ignorées par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), instance chargée de promouvoir et protéger les droits humains. Cependant, depuis une dizaine d’années la CADHP se penche désormais sur ces questions et a même accordé le statut d’observateur à certaines organisations panafricaines de personnes LGBTI (comme la Coalition des lesbiennes africaines). En 2013, lors de sa 55e session ordinaire à Luanda, la CADHP a même adapté une résolution historique (Résolution 275) condamnant les violations de droits et discriminations contre les personnes sur la base de leur orientation sexuelle présumée ou réelle.

Bien sur, l’état de droit fait souvent défaut, c’est aussi la raison pour laquelle les combats de cette nature sont difficiles à mener à travers des approches légalistes. C’est la raison pour laquelle la journée IDAHO prend plusieurs visages, permettant ainsi d’ouvrir des dialogues conformes aux réalités culturelles, religieuses et sociales de chacun de nos pays.

>> Pour participer à la campagne, consultez le site : http://www.dayagainsthomophobia.org/

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